China Moses chante l'Amérique noire à Nice : "Beaucoup d'artistes noirs américains ont vu la France comme une Étoile du Nord d'acceptation"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 23 juin 2025, la chanteuse et animatrice China Moses. Elle sera sur la scène du Nice Jazz Fest, le 23 juillet.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La chanteuse et animatrice China Moses, à Marseille, en novembre 2021. (NICOLAS VALLAURI / MAXPPP)
La chanteuse et animatrice China Moses, à Marseille, en novembre 2021. (NICOLAS VALLAURI / MAXPPP)

Quand on pense à China Moses, on pense évidemment à MTV, McM et Canal+ parce qu'elle a été une grande présentatrice, mais cest aussi cette artiste à l'empreinte vocale très marquée par le jazz, le swing, le blues, la soul, le funk et le R'n'B. Il faut dire qu'en tant que fille de la chanteuse de jazz et activiste Dee Dee Bridgewater et de l'homme de théâtre et de cinéma Gilbert Moses, elle a de qui tenir. Le 3 octobre 2025 sortira son nouvel album, It's complicated, avec huit nouveaux titres, huit nouveaux tableaux de vie et elle sera aussi le 24 juillet 2025, au Nice Jazz Fest sur la scène du Théâtre de la Verdure.

franceinfo : Vous êtes américaine, mais vous parlez parfaitement français, et pour cause, vous avez grandi en France et vous avez un énorme attachement avec votre famille pour la France.

China Moses : Oui, oui, c'est ma mère qui m'a instauré ça et mon père a été à la Sorbonne. Je pense qu'en France et à Paris, la manière dont la culture est défendue ici, c'est quelque chose de très attachant pour les noirs américains. L'Europe, en général, a été un endroit d'accueil pour les noirs américains après la Première Guerre mondiale. Disons qu'on s'est passé le mot, qu'il y avait un endroit sur cette planète où on pouvait être libre, où notre art et notre culture était respecté et aimé. Je pense qu'il y a beaucoup d'artistes noirs américains qui ont regardé la France comme une sorte d'Étoile du Nord d'acceptation.

Parlons-en parce que vous serez au Nice Jazz Fest et le jazz est très important dans votre vie. Je me demandais si c'était une base d'exigence ?

Le jazz est une base de construction. Dans la musique européenne classique, on a des règles et on les respecte, on ne les bouge pas. Le jazz, on a des règles, on les respecte, on les apprend et après, on les brise. En brisant ces règles, nous faisons le chemin de désapprendre. C'est là où le jazz te demande de te trouver. Comme le jazz a été basé sur des standards, des comédies musicales et aussi sur ces compositions de la communauté noire américaine principalement, c'est la base de construction de toute l'effigie Pop.

"Donc, en fait, tout est jazz, au final."

China Moses

à franceinfo

En français, votre nouvel album s'apelle "C'est compliqué", et pour autant, quand on écoute le premier titre, "It's okay, I'm not alone", (c'est bon, je ne suis pas seule), on se rend compte que ce n'est pas si compliqué que ça. Il est rempli d'espoir cet album. C'est une façon de dire que tout va bien, mais est-ce que vous êtes bienveillante avec vous maintenant ?

Pendant très longtemps, je ne l'étais pas. Je me suis retrouvé à la télé par hasard. Au fur et à mesure que j'ai avancé dans ma carrière, c'était assez violent de grandir. C'est déjà dur de se trouver en tant qu'adulte et on me reprochait des choses et je ne pouvais pas m'épanouir en tant qu'être humain. Il y a des gens qui arrivent très bien à le faire, c'est un métier, c'est un beau métier et c'est un savoir-faire. Mais c'est un talent que j'ai, on va dire, à 65% et de me chercher en tant qu'artiste était très difficile.

Ces textes sont très forts, ils viennent du cœur, ils viennent des tripes et ils représentent vos yeux.

Oui, le premier morceau, "It's okay", je l'appelle mon ode à la bienveillance et aussi de "self accountability", je sais pas du tout comment traduire ça en français. C'est être honnête avec soi-même, avec toutes les erreurs qu'on a faites, toutes les bonnes choses, le bon, le mauvais et l'inavouable. Je pense que je ne suis absolument pas la seule femme au-dessus de 40 ans qui n'a pas d'enfant, qui se regarde dans la glace et qui se dit, peut-être ma vie ne s'est pas passée comme je l'avais prévu ? Il faut accepter ça pour pouvoir avancer et avoir la sérénité.

Il y a beaucoup de fantômes dans cet album, à qui vous rendez hommage, qui ont un lien finalement avec le présent. Je pense aussi à votre maman qui est présente et qui est toujours parmi nous. Est-ce que cet album est un hommage, un regard sur la vie et un regard sur ce qu'on nous a laissé ?

J'ai essayé de faire un disque qui était ma vision de mon héritage et de ma culture.

"La culture noire américaine est beaucoup plus vaste musicalement qu'on peut l'imaginer et c'est un peu ma thèse de ce que j'ai appris dans ma vie."

China Moses

à franceinfo

Musicalement, Roberta Flack, Patrice Rushen, qui est encore là, ma mère, Marvin Gaye, Aretha Franklin, nous ont appris des choses absolument magistrales et la première chose qu'ils ont apprise, c'est la résilience. Comment, faisant partie d'un peuple qui pendant très longtemps n'avait pas des droits, a réussi à faire quelque chose de beau et à nous tracer une route. C'est pour ça que j'ai fait un album qui n'est pas long et que j'ai fait de la musique avec intention. J'aimerais que les gens prennent l'espace et le temps pour l'écouter avec attention.

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