Cœur de Pirate évoque ses angoisses dans "Cavale" : "Ça paraît glauque comme ça, mais ce n'est pas si mal"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 26 septembre 2025, l'auteure, compositrice et interprète québécoise Cœur de Pirate. Son nouvel album "Cavale" sort aujourd'hui.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La chanteuse Coeur de Pirate, à Vitelle, en 2022. (LEA DIDIER / MAXPPP)
La chanteuse Coeur de Pirate, à Vitelle, en 2022. (LEA DIDIER / MAXPPP)

Cœur de Pirate est cette artiste québécoise adoptée en deux temps trois mouvements, en musique, on dit en deux notes trois morceaux, dès les premières diffusions de ses chansons sur les ondes. C'était en 2008, lors de la sortie de son premier album éponyme, avec Comme des enfants et Pour un infidèle en duo avec Julien Doré, devenu un des hymnes générateurs de souvenirs et de sourires. Dès le départ, il y avait eu ce jeu de piano très reconnaissable et surtout cette voix marquée à la fois enfantine et adulte. Elle a déjà sorti six albums, le septième sort le 24 septembre et s'appelle Cavale. Il est accompagné d'une tournée internationale.

franceinfo : Vous racontez ce qui vous traverse, vous abrite, vous bouleverse. Il y est question de regrets, de mélancolie, de fragilité, d'instants volés, il y est donc question de vous ?

Cœur de Pirate : C'est un album qui parle d'anxiété et c'est ma relation la plus toxique, donc j'ai voulu faire un album là-dessus. Pendant longtemps, j'ai écrit des chansons d'amour, je pense que c'était un peu pourquoi on me connaissait. Avant cet album, je n'ai pas pu écrire pendant deux ans, et c'est finalement après une longue réflexion que je me suis dit, "Bon, à quoi je sers ? Est-ce que j'ai encore ma place dans le milieu musical ? Sur quoi je peux écrire ?" Je me suis dit ce qui me ronge en ce moment, c'est l'angoisse complète et j’ai écrit un album là-dessus. Ça paraît glauque comme ça, mais ce n'est pas si mal.

Vous signez toutes les paroles, toute la musique, ça signifie que vous avez besoin de vous accaparer cet album et qu'il allait vous permettre d'avancer ?

Oui oui, les paroles, c'est moi, mais c'est vrai que pour deux chansons, j'ai eu un petit peu d'aide au niveau de la composition parce que je pense que c'est important au niveau de ma carrière de me faire challenger un petit peu aussi. Donc j'ai travaillé avec Vinsha qui est un compositeur génial et je me suis fait aider par Nicolas Subrechicot aussi qui est le réalisateur de l'album.

Pendant assez longtemps, l'anxiété, on avait l'impression que c'était une sorte de faille, qui donc était quelque chose non pas de honteux, mais que vous aviez du mal à porter.

Je pense qu'il faut voir l'anxiété comme ce que c'est au début. En gros, quand on est anxieux, c'est notre corps qui nous signale qu'il y a un danger imminent. Maintenant ce que j'aime dire, c'est que l'anxiété, ça te répond en questions et non en phrases complètes, donc c'est comme ça qu'il faut le voir.

Est-ce que le succès n'a pas été trop rapide, finalement ? Vous avez démarré très jeune, est-ce qu'il n'y a pas eu une espèce d'effet boomerang, qui a été un peu lourd à porter après ?

"Je pense que ce qui m'a sauvée, c'est que j'ai vécu à un moment où les réseaux sociaux n'étaient pas tout à fait développés, donc je me suis un peu protégée de cette façon-là."

Coeur de Pirate

à franceinfo

C'était un peu surréel de passer de l'anonymat à quelqu'un que les gens reconnaissent dans la rue. Quand tu as 18 ou 19 ans, c'est très étrange. Je l'ai vécu très bien, mais j'ai été très protégé, et puis oui, il y a eu un petit revers de la médaille. J'ai vécu ce genre de syndrome de l'imposteur. Tout ça est arrivé avant la venue du deuxième album.

La force de vos chansons depuis le début, c'est aussi qu'elles nous racontent autant qu'elles vous racontent et elles sont universelles dans ce qu'elles traduisent. Là, vous parlez des regrets, il y a cette mélancolie, mais finalement qui n'est pas triste. Quels sont les regrets les plus importants que vous ayez alors ?

Peut-être d'avoir priorisé mon travail par moments, alors que j'aurais dû me concentrer sur des aspects de la parentalité parce que je vois les conséquences directement sur mes enfants. C'est vraiment un truc que pendant longtemps, je revendiquais vraiment à fond, le fait que j'étais une femme que je faisais la tournée et tout, mais c'est vrai qu'il y a des revers à tout ça. Je continue à le faire parce que je n'ai pas le choix, mais j'essaie de mieux prioriser, en fait, le côté de la parentalité qui est important en ce moment pour la petite enfance.

Comment sont Les enfants des temps derniers alors ?

Ce sont nous les enfants des temps derniers, on est les dernières générations. Je crois beaucoup à l'humanité et quand les gens me disent, tu n'as pas peur de l'IA et tout et des trucs comme ça, moi, je me dis que les gens vont avoir besoin de ce côté humain et ça, c'est bien.

La suite, c'est une tournée internationale, ça va commencer au Québec, avant de venir en France. Est-ce qu'elle est importante pour vous la France ?

Absolument, oui, puis je me dis, si je récupère des nouveaux fans, tant mieux, mais je reviens vraiment pour les gens qui m'écoutent depuis le début. Peut-être récupérer des gens qui m'ont oublié et là, en ce moment ça va super bien.

Donc partir en cavale pour mieux se retrouver, c'est un peu ce que ça signifie ?

Oui, parce que j'ai remarqué récemment que beaucoup de gens me disent, "Il faut que je vienne avec ma maman, mon papa m'a fait découvrir ta musique". Je trouve ça super beau d'aller chercher plusieurs générations.

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