Bertrand Piccard raconte son épopée familiale dans une bande dessinée
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 11 juin 2025 : l'aéronaute et aventurier Bertrand Piccard, pour la sortie de la bande dessinée "Un, deux, trois Piccard", de Jean-Yves Duhoo, aux éditions Dargaud.
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Bertrand Piccard est aéronaute et pionnier des technologies propres. Il a réalisé le premier tour du monde en ballon sans escale avant de lancer le projet Solar Impulse et de faire le tour du monde à bord d'un avion solaire. Son grand-père, Auguste, physicien, s'est élevé en 1931 en ballon jusqu'à 15 781 mètres, devenant ainsi avec Paul Kipfer, le premier homme à atteindre la stratosphère. Il a par ailleurs inspiré Hergé pour la création de son professeur Tournesol. Le père de Bertrand Piccard, Jacques, océanographe et écologiste avant l'heure, est descendu en 1960 dans la fosse des Mariannes à plus de 10 000 mètres, pour y découvrir de ses yeux la présence de la vie.
Bertrand Piccard a collaboré avec l'illustrateur, dessinateur de presse et auteur de bande dessinée Jean-Yves Duhoo, pour la bande dessinée Un, deux, trois Piccard sur l'épopée de cette famille hors normes.
franceinfo : Trois générations sont donc réunies, que représente cet ouvrage pour vous ?
Bertrand Piccard : C'est une grande émotion de voir ce que mon père m'a toujours raconté en images, parce que je suis passé de l'audio au visuel. J'ai l'impression de me retrouver dans des scènes familiales que je n'avais jamais vues moi-même.
Votre grand-père ne souhaitait qu'une chose, apprendre et toujours apprendre ?
C'est vrai que c'était ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui un des derniers savants universels. Il n'avait pas seulement fait de l'exploration en bathyscaphe, il a découvert l'uranium 235, il a fabriqué à l'époque le sismographe et la balance les plus précise de l'époque. Il a fait sa thèse sur l'aimantation de l'eau avec Einstein. Donc c'était un esprit ouvert à tout et je crois que c'est ça qu'on a gardé, mon père et moi, ne jamais accepter qu'on nous dise que quelque chose est impossible. Ne jamais accepter que les doutes soient une limite et arriver à faire ce que d'autres n'ont pas fait parce qu'ils n'ont peut-être pas pris le bon chemin.
Il faut remettre tous ces exploits dans le contexte, on est en 1931, Auguste est fasciné par ce qui se passe dans l'espace par les rayons cosmiques. Il décide de créer ce qui va lui permettre de réaliser ce voyage et de passer au-dessus des nuages. Il faut monter à 16 000 mètres, il va créer un ballon et une boule stratosphérique et ça va être le premier à découvrir la courbure de la terre. Il faut imaginer que sa vie était en danger à ce moment-là.
Oui, d'ailleurs, tous les médias du monde entier l'avaient annoncé mort avant qu'il atterrisse, parce que tout le monde pensait que c'était totalement impossible. En fait, ce que voulait faire mon grand-père, c'était sortir de son laboratoire et entrer en contact directement avec le milieu ambiant. Donc il a inventé pour ça la capsule pressurisée, le ballon stratosphérique. Moi, ce que je retiens, c'est qu'il voulait ouvrir la voie à l'aviation moderne en montrant que si on venait au-dessus du mauvais temps avec de l'air raréfié, on pouvait consommer beaucoup moins de carburant et être beaucoup plus fiable. Ça, c'est resté chez mon père avec sa plongée dans la fosse des Mariannes, c'était la découverte de vie dans les fosses marines à l'époque où les gouvernements voulaient jeter leurs déchets radioactifs. Et puis, pour moi, avec tout ce que je fais avec la Fondation Solar Impulse, trouver des solutions pour protéger l'environnement. C'est une des lignes conductrices qu'il y a dans cette BD sur l'histoire de ma famille.
Il y a fondamentalement cette envie de transmettre, il y a cette envie de faire en sorte que ça perdure aussi dans ce monde. Votre père va prendre le relais pour les sous-marins et vous, vous allez prendre le relais pour repartir dans les airs avec ce tour du monde en ballon. Derrière, vous créez effectivement cet avion solaire avec un but : faire le tour du monde.
Je trouve très touchant comment Jean-Yves Duhoo, dans cette BD, arrive à mettre mon grand-père un peu comme un fantôme à différents moments de ma vie, comme pour me montrer dans quelle direction aller. Il y a cette apparition de mon grand-père au moment où j'atterris dans le désert égyptien et il vient me dire, "Mais t'as pas pensé à faire un vol comme ça, avec le soleil et pas seulement avec le vent ?". C'est le passage à Solar Impulse, donc c'est très symbolique. C'est vrai que pour moi, c'est très important de continuer quelque chose, de le faire aboutir.
Vous pensiez être justement dans cette veine d'aventuriers des temps modernes ?
J'espérais quand j'étais enfant être un explorateur, mais avec de l'appréhension. Armstrong avait déjà marché sur la Lune et je me suis dit, il n'y a plus rien à faire. En fait, on voit qu'il y a toujours quelque chose de nouveau à faire, c'est ça qui est rassurant.
"J'ai toujours eu cette boussole dans le cœur qui montrait, non pas le nord, mais qui montrait l'inconnu et c'est ça qui m'a guidé."
Bertrand Piccardà franceinfo
Le petit garçon que vous étiez est-il fier de l'homme que vous êtes devenu aujourd'hui ?
En fait, il est rassuré de voir que j'ai réussi à faire tout ça. C'est très dur d'être adolescent et de rêver d'exploration, à se demander comment on va être un explorateur. J'ai été assez déprimé dans mon adolescence parce que je ne savais pas comment on ferait. Maintenant que je suis devenu l'adulte que l'enfant d'autrefois espérait que je devienne, il y a un côté rassurant, c'est vrai.
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