Antoine de Caunes publie un souvenir d'enfance douloureux : "Je peux être très malheureux, mais je n'aime pas rester dans cet état-là"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 27 mars 2025 : l'animateur et écrivain Antoine de Caunes. Avec Xavier Coste au dessin, il publie la bande dessinée "Il déserte : Georges ou la vie sauvage", aux éditions Dargaud.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'animateur et écrivain Antoine de Caunes, en mai 2024 à Cannes. (LOIC VENANCE / AFP)
L'animateur et écrivain Antoine de Caunes, en mai 2024 à Cannes. (LOIC VENANCE / AFP)

Antoine de Caunes est ce jeune homme éternel devenu maître de son temps. Son regard en dit long sur son refus de s'ennuyer ou de son envie de s'émerveiller de tout. Il ne s'arrête jamais ou peu et son moteur reste la curiosité. De l'émission Chorus sur Antenne deux à Pop Pop Pop sur France Inter en passant par Nulle part ailleurs, avec Philippe Gildas et José Garcia en frères d'éclats de rire, il a toujours mis l'humour au cœur de ses aventures humaines et professionnelles, les deux étant intimement liés. Le 28 mars 2025, il publie Il déserte, une bande dessinée qui raconte avec Xavier Coste une histoire vraie, celle de Georges ou la vie sauvage. Georges, c'est son père et alors qu'Antoine de Caunes n'avait que huit ans, il a décidé de partir sur une île déserte.

franceinfo : Au début, il vous a annoncé qu'il allait partir pendant un an. Il est parti dans l'archipel des Marquises et il avait laissé un journal de bord qui est resté dans votre table de nuit pendant des années. Le fait de laisser ça dans un tiroir, c'était une façon de ne pas affronter ce mystère qui vous a toujours accompagné ?

Antoine de Caunes : Je ne sais pas si je le formulerai comme ça. C'est une histoire qui appartenait au passé, en fait. Un lointain passé, puisque ça s'est déroulé il y a une soixantaine d'années. Moi, c'était ma petite enfance, une histoire qui m'avait profondément marqué, mais je ne trouvais pas le besoin de me replonger là-dedans. On en avait parlé et lui en avait parlé, même si c'était assez superficiel les commentaires qu'il en faisait. Je n'éprouvais pas le besoin d'aller voir plus loin. Cet objet était là, qui guettait dans l'ombre du tiroir de ma table de chevet qui attendait. Quand la proposition est arrivée de faire une BD avec Dargaud et Xavier Coste, c'est immédiatement cette idée-là qui s'est imposée. Je ne suis pas auteur de BD, je n'ai jamais fait ça de ma vie, donc c'était une raison de plus de le faire d'ailleurs. On avait besoin d'une histoire originale, d'une histoire personnelle, d'une histoire que personne d'autre que moi ne pouvait raconter et celle-là cochait toutes les cases.

On sent la tristesse, même à travers le dessin de Xavier Coste. Quand on vous voit apparaître et qu'il vous tient par la main, on sent toute la profondeur de ce dessin-là. Est-ce que ça a été difficile à affronter ?

Ce qui est difficile, ce sont les relations père et fils. Je crois que lui-même avait beaucoup souffert, d'abord d'avoir un père absent, et disparu très prématurément parce qu'il a perdu son père quand il avait 16 ans sur un quai de gare. La guerre est arrivée derrière. Donc, en fait, toute une enfance, une adolescence et une entrée dans l'âge adulte ont été totalement brouillées pour mon père. Je pense que ce besoin qu'il avait de s'éloigner, de partir remettre sa vie en jeu d'une certaine manière, après avoir survécu à toutes ces années épouvantables. Alors vu de l'extérieur, évidemment, quand vous avez une famille, des enfants, ça peut paraître très égoïste, très inconséquent d'aller prendre des risques pareils, mais en même temps, je le comprends, je ne peux pas le condamner tout à fait formellement pour ça.

Il est l'un des journalistes les plus importants, il a collaboré à la création du journal télévisé, il a commenté le rugby. Est-ce qu'il vous a donné envie aussi de raconter des histoires ?

Alors lui n'en racontait pas. Il en racontait au monde entier, mais pas à ses enfants. Une fois franchie la porte du domicile, il était taiseux. Je ne sais pas ce qu'il m'a transmis, mais en tous les cas, ce qui m'a transmis, c'est certainement un regard amusé sur les choses, une distance, une forme d'humour. J'étais très sensible à l'humour de mon père qui est un humour très flegmatique, très anglo-saxon. Le besoin de raconter, oui, il me l'a certainement transmis certainement, mais pas dans la ligne qu'il avait choisie lui. Je n'ai jamais voulu être un vrai journaliste.

Il y a un émerveillement et une fidélité partout. Philippe Gildas vous manque terriblement. Vous savez qui vous a permis de devenir l'homme que vous êtes et en même temps, la tristesse vous la transformez en quelque chose de très positif. C'est ce qu'on découvre dans cette BD aussi. Est-ce que ça fait partie de votre personnalité ?

Je peux être très malheureux, mais je n'aime pas rester dans cet état-là. J'aime bien transformer ça et je n'ai pas une nature tragique. J'ai une nature un peu mélancolique parfois, mais pas tragique. Je ne suis pas dans la tragédie, je suis dans la comédie. Tout ça est une grande comédie et c'est terrible quand on est contraint de le prendre au sérieux.

Cet ouvrage, Il déserte, est-ce que c'est une déclaration d'amour ou un hommage à votre père ?

C'est une déclaration d'amour, un hommage et certainement pas une mise en accusation. J'imagine que le livre lui aurait plu. Je sais qu'il avait tiqué sur le titre parce que je lui avais proposé pour un projet d'entretien que je lui avais soumis, mais qui tournait en rond parce qu'il n'arrivait pas à se déboutonner assez. L'hommage, je veux le rendre à Xavier Coste, le dessinateur, qui a fait un boulot absolument exceptionnel. Non seulement, c'est un très grand dessinateur et il a travaillé dans une urgence avec une énergie qu'on sent dans le livre. On parle d'une aventure qui se passe au grand air et cet air, cette lumière, elles sont dans le livre, je crois. C'est tellement devenu son histoire à lui en même temps que la mienne que c'est très troublant. Je vois dans ses dessins ce que je pouvais imaginer quand j'avais huit ans, de ce qui se passait sur cette île et je m'y reconnais aujourd'hui alors que j'en ai 71. Donc, c'est très troublant et ça, c'est vraiment le génie de Xavier.

 

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