"Au CHU de Nantes, plus de 100 millions de documents peuvent être réanalysés pour mieux traiter les patients", souligne un expert en données de santé

Pierre-Antoine Gourraud, expert en données de santé, explique comment l'intelligence artificielle peut révolutionner les traitements médicaux tout en respectant la vie privée des patients, grâce à des données synthétiques et une réglementation stricte.

Article rédigé par franceinfo
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Pierre-Antoine Gourraud, professeur des universités en médecine à Nantes Université. (Maxime Tellier / RADIO FRANCE)
Pierre-Antoine Gourraud, professeur des universités en médecine à Nantes Université. (Maxime Tellier / RADIO FRANCE)

L’utilisation des données de santé pour développer de futurs traitements tout en préservant la vie privée des patients est l'un des grands enjeux abordés lors du deuxième jour du Sommet sur l'intelligence artificielle, mardi 11 février 2025. À cette occasion, Pierre-Antoine Gourraud, professeur des universités en médecine à Nantes Université et praticien hospitalier au CHU de Nantes, évoque son rôle pionnier dans le traitement des données médicales. Il est également le fondateur de la "clinique des données", un concept visant à répondre à l’enjeu crucial du développement de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé.

La clinique des données répond à un nouveau besoin lié au développement de l’intelligence artificielle. Selon Pierre-Antoine Gourraud, l’IA se construit autour de "recettes", c’est-à-dire des algorithmes, mais surtout d'ingrédients : les données. "Les données sont l’ingrédient essentiel de la cuisine de l’IA", a-t-il précisé, soulignant que les établissements hospitaliers, dont les CHU du grand Ouest et de France, se dotent progressivement de services hospitaliers dédiés à l’utilisation secondaire des données.
Ces données permettent de développer des traitements spécifiques pour les patients, en améliorant la qualité des soins. "Plus on utilise les données, plus elles s’améliorent, plus elles permettent d'identifier des groupes de patients ayant un besoin spécifique", a expliqué le spécialiste.

Lorsque Pierre-Antoine Gourraud parle de "données", il fait référence à un ensemble très large d'informations produites dans un hôpital ou un CHU. Ces données incluent non seulement des chiffres issus d'analyses de sang, mais également du langage naturel, c’est-à-dire tout ce que les soignants expriment lors de leurs consultations. "Au CHU de Nantes, dans notre futur quartier de la santé, plus de 100 millions de documents textuels sont disponibles et peuvent être réanalysés pour répondre à des questions scientifiques et mieux traiter les patients",précise-t-il.

Un des défis majeurs dans l’exploitation de ces données est de garantir la protection de la vie privée des patients. "Les données de santé sont très sensibles", rappelle le professeur Gourraud. Cependant, il souligne qu'en France et en Europe, plusieurs entreprises sont à la pointe des données synthétiques, des simulations très fidèles, mais ne comportant plus de données personnelles. Ces données permettent de créer de la valeur tout en respectant la confidentialité des patients.

"Le RGPD (Règlement général de protection des données), souvent perçu comme une contrainte, est en réalité une opportunité pour innover", souligne-t-il. Selon lui, la réglementation européenne sur la protection des données personnelles place un enjeu éthique au cœur de l’usage des technologies : il s’agit avant tout de se demander à quoi servent les données et quels traitements sont légitimes.

Les données de santé : un bien public ou privé ?

Une autre question essentielle soulevée est celle de la propriété des données une fois qu'elles sont collectées. Selon Pierre-Antoine Gourraud, il vaut mieux penser aux données de santé non comme à un objet matériel, mais plutôt comme "à une partition musicale, appelée à être réinterprétée et réarrangée". C'est ce travail sur les données qui va créer de la valeur.

"Nous avons analysé des millions de passages en réanimation et nous avons découvert que certains patients, ayant développé des infections lors de leur passage en réanimation, étaient protégés contre certains cancers dix ans plus tard." Une découverte rendue possible uniquement grâce à l’intelligence artificielle, qui permet d’analyser de vastes ensembles de données sur une longue période et à l'échelle nationale.

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