Année blanche fiscale ou hausses d’impôts en trompe l’œil ?

Le budget 2026 sera construit selon la règle de l’année blanche censée être indolore pour le contribuable. Est-ce que cela sera réellement le cas ?

Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le Premier ministre François Bayrou, le 15 juillet 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)
Le Premier ministre François Bayrou, le 15 juillet 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)

Une "année blanche" en matière fiscale se traduit par l'absence de dépenses publiques et de recettes supplémentaires d'une année sur l'autre, en l'occurrence en 2026 par rapport à 2025. C'est-à-dire que, si les propositions du Premier ministre François Bayrou sont validées, les comptes publics évolueraient à "périmètre comparable" avec gel du barème de l'impôt sur le revenu, gel des prestations sociales, gel des pensions de retraites. Ainsi pour les retraités, le montant des pensions perçu en 2026 serait identique à celui de cette année. Idem pour les prestations sociales, etc.

L'objectif est de contenir de sept milliards d'euros la progression des dépenses publiques. Mais ça, c'est sur le papier. Le Premier ministre gèle les dépenses en 2026 hors défense et hors frais de remboursement de la dette. Or cela pourrait changer l'équation en fonction de deux facteurs clés. Premièrement, il y a le contexte international avec la guerre en Ukraine, avec l'engagement des pays membres de l'Otan, dont la France. Cela oblige à réévaluer annuellement la participation à l'effort de guerre au sein de l'alliance Atlantique. Ensuite, la charge de la dette qui ne cesse d'augmenter. Les taux d'intérêt auxquels la France emprunte pour rembourser sa dette sont de plus en plus élevés, et le seront encore plus dans les prochains mois.

Une équation qui ne tient pas

De manière factuelle, on voit mal comment cette promesse d'année blanche peut tenir intégralement. Demander aux ministères de faire des économies et ne pas augmenter sensiblement le nombre de fonctionnaires est une chose. Affirmer que rien ne bougera dans les comptes publics malgré les incertitudes internationales et l'augmentation du poids du remboursement de la dette en est une autre.

Et puis, geler les pensions de retraites et les impôts, c'est facile. Mais qu'en sera-t-il du pouvoir d'achat, notamment pour les smicards, les petits revenus, les artisans et commerçants ? Osons la comparaison d'une année blanche pour un budget familial, par exemple. Un ménage décide de ne pas dépenser plus d'une année sur l'autre, mais comment fait-il pour amortir l'inflation, la hausse des prix, aussi minime soit-elle ? Une étude de l'OFCE publiée en octobre 2024 avait estimé que le gel du barème de l'impôt sur le revenu entraînerait pour les ménages proches du niveau de vie médian une perte entre 50 et 100 euros par an et que les 380 000 Français qui ne paient pas d'impôt sur le revenu passeraient dans la deuxième tranche, et donc commenceraient à en payer un peu.

Sauf miracle, l'équation ne tient donc pas. De plus, comme l'a récemment rappelé le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, une année blanche n'est jouable qu'une seule fois et n'engage pas de réformes structurelles. Autrement dit, elle ne permet pas de réformer radicalement les politiques publiques, ce dont la France a réellement besoin aujourd'hui.

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