"Sur la voie publique, on gère comme on peut" : ces policiers de terrain qui réclament plus de formation et de moyens
Gérald Darmanin a présenté des "excuses" aux forces de l'ordre et dressé une liste de problèmes à corriger. franceinfo a rencontré des policiers de terrain pour savoir s'ils partagent le constat dressé par leur ministre.
Les policiers rencontrés ont d’abord été surpris par les mots employés par Gérald Darmanin. Lundi devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale, le ministre de l’Intérieur s’est adressé directement aux forces de l’ordre : "Je voudrais leur dire, puisque d’autres ne le font pas, que nous leur devons des excuses dans la façon dont nous les mettons dans la rue". Des excuses formulées par Gérald Darmanin en raison du manque d’encadrement, l’un des "7 péchés capitaux" de la police, d’après le ministre de l’Intérieur.
Karim a 26 ans. Ce jeune gardien de la paix, qui a tenu à garder l'anonymat, exerce depuis trois ans en région parisienne. Il admet qu’il faudrait davantage de chefs sur le terrain. Malgré son manque d'expérience, Karim se retrouve régulièrement chef d’équipage d’une voiture de police-secours. "J’ai déjà vécu une situation où j’intervenais pour une bagarre entre une trentaine de personnes, et j’étais chef de bord. J’étais le seul à connaître la voie publique. On n'est que trois policiers, hors de question de sortir", raconte le gardien de la paix. Il a donc demandé des renforts par radio afin d’intervenir.
Nous sommes livrés à nous-mêmes.
Karim, gardien de la paixà franceinfo
Il manquait surtout un brigadier, un policier expérimenté, ce jour-là : "À tout moment, on aimerait avoir quelqu’un avec nous surtout lorsque nous sommes de jeunes gardiens de la paix, que nous sortons de l’école, et que nous faisons office de chef de patrouille. Nous avons besoin d’être canalisés."
La formation des policiers a été réduite cette année de 12 à 8 mois avant d’arriver dans un commissariat et de plonger dans le grand bain. Quant à la formation continue, c’est-à-dire la pratique au quotidien des gestes techniques d’intervention par exemple, elle est quasi-inexistante. "Nous ne sommes plus accompagnés quand nous sortons de l’école. Pour avoir une technicité optimale, il faut s’habituer à faire ces gestes. Si nous ne les faisons pas, sur la voie publique alors on gère comme on peut en fonction de la situation", admet le jeune gardien de la paix.
Il peut y avoir des gestes qui ne se font pas, et finalement ça tourne au drame, par ce manque de formation.
Karim, gardien de la paixà franceinfo
Au-delà de la formation, les policiers évoquent le manque de moyens. À 35 ans, Jérôme est brigadier en police-secours en région parisienne, il a décidé lui aussi de conserver l'anonymat. Il a décidé de s’acheter lui-même sa petite caméra-piéton. Un achat de 259 euros pour obtenir une Go Pro. Il la branche dès qu’il intervient : "Quand les gens voient une caméra, ça peut les rassurer, ça peut aussi figer une situation qui aurait dégénéré sans caméra", explique Jérôme. L'utilisation de la vidéo est aussi un moyen de se protéger pour le policier : "Je ne veux pas prendre le risque qu’on remette en cause mon travail. La caméra sécurise mon intervention et celle de mon équipage". Déjà promise en 2015 par Manuel Valls, la généralisation des caméras-piéton pour les policiers est un véritable serpent de mer. Elles sont désormais annoncées pour juillet 2021.
Dans ce contexte marqué par le passage à tabac du producteur Michel Zecler à Paris par des policiers, Karim et Jérôme ont le sentiment d’une méfiance accrue de la part de la population. Malgré tout, ils essaient de rester optimistes. "Il y a une perte de lien, de confiance qu’il faut retrouver", constate Jérôme. Si ces policiers partagent le constat de leur ministre, pour des lendemains meilleurs ils attendent plus que jamais des actes.
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