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Reportage
"Stop au Lépanges bashing" : 40 ans après le meurtre du petit Grégory, les habitants de Lépanges-sur-Vologne veulent tourner la page
Avec les 40 ans de l’affaire Grégory, les habitants de la commune de Lépanges-sur-Vologne, dans les Vosges, veulent effacer l'empreinte de ce crime perpétré en 1984, qui continue de fasciner les visiteurs.
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C'est à Lépanges-sur-Vologne que le petit garçon de 4 ans a été enlevé, le 16 octobre 1984, alors qu'il jouait devant la maison de ses parents. Il sera retrouvé noyé dans la Vologne. Quarante ans plus tard, les 850 habitants du village veulent passer à autre chose. Une pétition a même été lancée intitulé "Stop au Lépanges bashing !".
Cédric Prévost, à l'origine de cette pétition, a 37 ans. Ce chercheur préside le club d'histoire du village et un matin, en ouvrant son journal, il a lu l'article de trop : "Au début de l'été, il y a eu la presse quotidienne régionale qui avait des pages touristiques consacrées aux villages, et ils n'ont rien trouvé de mieux à faire que de ressortir une référence cinématographique d'un cocktail qui s'appelait 'le petit Grégory'. À un moment donné, l'humour a quand même certaines limites. Et la réputation, on a le droit aussi de la défendre."
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"À Lépanges, on y vit très bien"
La référence cinématographique, c'est le film C'est arrivé près de chez vous, dans lequel le personnage joué par Benoît Poelvoorde inventait le cocktail "petit Grégory". Cette référence à l'humour très noir ne passe pas pour Cédric et, avec une quinzaine d'habitants, il a décidé de créer un collectif pour parler de Lépanges autrement : "Notre démarche est une démarche pour notre village. Là, on est au bistrot, juste en face, vous avez deux coiffeurs. Vous avez un buraliste. Vous allez un peu plus loin, vous avez la boulangerie. Je m'arrête là. Vous avez en fait une trentaine d'entreprises, 17 associations. Ce qui fait qu'en fait, à Lépanges, on y vit très bien."
"Pendant 40 années, il y a des choses qui ont été écrites au sujet de notre village et qui n'étaient pas vraies."
Cédric Prévost, habitant de Lépanges-sur-Vologneà franceinfo
"Notre démarche n’est pas contre l’affaire Grégory, ni contre son traitement médiatique, ni contre les victimes... Cette compassion, on la ressent, poursuit Cédric Prévost. En revanche, lorsque les médias viennent à l’occasion des anniversaires comme les 40 ans, notre démarche est de dire : puisque vous voulez venir à Lépanges, on va prendre le contre-pied, et on va vous montrer le Lépanges-sur-Vologne que l’on vit et que l’on aime. Si on vous devait vous parler de la richesse industrielle, historique et patrimoniale de la vallée de la Vologne, on en aurait encore pour des heures."
Un tourisme morbide
Et justement en raison de l'horreur de ce crime, les Vosgiens ont souvent été caricaturés. À bientôt 80 ans, Danielle ne l'accepte toujours pas : "On parle mal de Lépanges en traitant les Lépangeois d'arriérés ou de je ne sais pas trop quoi. Et ça, ça me gêne, cette idée qu'on puisse inculquer qu'on est dans une région de gens pas bien développés cérébralement. Non. Il y a plein de gens très cultivés."
Ce que dénonce ce collectif d'habitants, c'est aussi le tourisme morbide dans leur commune. Le meilleur moyen de s'en rendre compte est de quitter le bar-restaurant pour se rendre quelques centaines de mètres plus loin, à l'église de Lépanges, qui domine la vallée verdoyante de la Vologne. Et sur le registre paroissial, la plupart des visiteurs évoquent l'affaire : "Hommage à Grégory, un jour la vérité sera connue", écrit Marie, du Finistère ; "40 ans plus tard, Lépanges et Grégory restent dans nos cœurs", signe Valéry, du nord de la France.
"Le fait qu'il y ait toutes ces remarques sur le cahier, ça prouve que les gens ne viennent pas pour voir l'église, déplore Cécile. Ils viennent plutôt pour voir le cimetière. Je suis sûr que l'église ne les intéresse pas plus que ça." Cécile est l’épouse de l’ancien maire de Lépanges André Claudel (qui lui, traumatisé par l’affaire et les médias, ne souhaite plus évoquer l’affaire), elle regrette que personne ou presque ne remarque, par exemple, la statuette de Notre-Dame de l'usine, à l'entrée de l'église, témoignage du passé ouvrier de Lépanges, ou encore les deux peintures vieilles de cent ans et inscrites au Patrimoine.
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"C'est un peu malsain"
En contrebas, c'est plutôt le cimetière qui retient l'attention, et la tombe du petit garçon, pourtant vide. Ses parents l'ont exhumé il y a 20 ans, et conservent les cendres auprès d'eux, loin de la Vologne. Cela n'empêche pas les curieux de venir, comme une sorte de pèlerinage, que Danielle ne comprend pas : "Pour moi, c'est un peu malsain. On voit des gens qui cherchent la maison de Grégory et qui nous posent des questions : 'Est-ce que vous pouvez nous dire qui a fait ça ?' Non, on ne sait pas. On n'en sait pas plus que vous. On n'en sait pas plus que la justice. On ne sait rien. La grande presse revient beaucoup trop là-dessus. Les anniversaires comme celui de 40 ans, alors là, des journalistes sont déjà venus au mois de mai pour commencer à inspecter."
"Cela me semble un peu morbide et ce n’est pas une bonne façon de se comporter vis-à-vis de l’événement et vis-à-vis du village. On a tous envie de savoir, mais moi quelque part, j’ai peur de savoir qui c’est."
Danielle, habitante de Lépanges-sur-Vologneà franceinfo
Autre preuve du ras-le-bol : il y a cinq ans, l'actuel propriétaire de la maison où vivaient Grégory et ses parents a même abattu un drone d'un coup de fusil. L'engin survolait l'habitation pour le tournage de la série Netflix consacrée à l'affaire. Il faut dire que ce fait divers hors-norme continue à fasciner pour son mystère. D'ailleurs, 40 ans plus tard, l'enquête continue.
Pour marquer ce triste anniversaire, Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, a participé à une bande dessinée qui sort jeudi 3 octobre. "Je me demande comment nous avons survécu", écrit-il dans la préface, ignorant toujours l'identité du corbeau qui, avec ce crime, voulait le faire "mourir de chagrin". L'une des avocates du couple Villemin, Marie-Christine Chastant-Morand, souligne que "Lépanges-sur-Vologne, c’est leur vie. Ils sont maintenant dans la région parisienne, depuis de très nombreuses années, mais ils ne peuvent pas oublier Lépanges. Leur petit garçon Grégory, avant d’être assassiné, y a vécu quatre années."
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