: Reportage

"Réemployer" plutôt que recycler : la consigne sur les bouteilles en verre testée depuis quatre mois dans des supermarchés

Une expérimentation à grande échelle est menée depuis le mois de juin 2025 dans quatre régions françaises : Bretagne, Pays de la Loire, Normandie et Hauts-de-France. L’objectif est de remettre au goût du jour un système disparu dans les années 1980, celui des consignes sur les bouteilles en verre. Le principe reste le même : le consommateur paie une petite somme supplémentaire pour ses jus de fruits, ses bières ou ses soupes, qu’il peut récupérer en rapportant la bouteille au magasin.

Dans une grande zone commerciale de l'agglomération de Lille, et précisément au sein du Carrefour, le nouveau système de consignes sur les bouteilles est en place. "Là, on est dans le rayon des bières où l'on a créé un espace spécialement fait pour les produits qui sont partenaires des consignes", explique Philippe, responsable du rayon liquide du magasin Carrefour. C'est notamment lui qui est chargé, ces dernières semaines, de mettre en rayon les fameuses bouteilles consignées.

"Rapportez-moi pour réemploi"

Pour reconnaître les bouteilles, le responsable explique que chacune porte un petit logo "Rapportez-moi pour réemploi. D'autre part, au niveau du rayon, vous avez un balisage spécial violet, et sur l'étiquette, vous avez la somme que le client pourra récupérer en ramenant sa bouteille en consigne". En l'occurrence, la somme affichée est de "0,20 € sur les bières et 0,10 € sur les jus."

Pour récupérer le montant total des bouteilles consignées, le client doit se rendre à la borne située à l’entrée du magasin. Le processus est simple : un écran s’allume et une trappe s’ouvre. Il suffit de déposer la bouteille dans la trappe. Une fois l’emballage identifié, le client peut cliquer sur l’écran pour récupérer sa consigne, qui est versée directement sur sa carte bancaire.

Quatre mois d'expérimentation... Quel bilan ?

Le système est plutôt simple à utiliser, le balisage en rayon clair. Toutefois, ce dispositif se met en place doucement : sur les 100 000 bouteilles consignées mises en rayon depuis le mois de juin, 80 000 ont été achetées, mais seulement 12 000 rapportées en magasin. Dans les rayons, les clients restent partagés. "C'est une bonne chose", se réjouit un homme. "Il faut d'abord dialoguer sur le sujet, rétorque une femme. Interrogez les gens : combien de personnes savent qu'il y a un système de récupération de bouteilles ?". "C'est le produit qui m'intéresse et non pas l'emballage", lance une autre cliente.

"C'est un début progressif, mais c'est vraiment comme ça que fonctionne le réemploi", rassure Florence Duriez, la présidente de Haut la Consigne, une entreprise spécialisée dans le lavage des bouteilles consignées. Pour le nettoyage, les bouteilles "vont être une première fois rincées, ensuite elles vont prendre un bain de soude pendant dix minutes, à l'issue duquel, l'étiquette s'en va."

Dans l'agglomération de Tourcoing, à la frontière belge, près de 2 millions d'emballages en verre ont été lavés cette année. Cette usine a, toutefois, les capacités de doubler ses volumes. "Pourquoi, c'est aussi lent au démarrage ? Parce que les metteurs en marché doivent changer la bouteille et l'étiquette. Ce sont finalement de nouveaux produits qui arrivent en rayon. Enfin, c'est aux clients de s'y acculturer, de comprendre qu'il paye une consigne et qu'il faut ramener la bouteille", explique Florence Duriez.

Des économies d'énergie et d'eau conséquentes

Aujourd’hui, il est conseillé de recycler le verre. Il est, d'ailleurs, assez simple de déposer les bouteilles dans la bonne poubelle. Pour la présidente de Haut la Consigne, réemployer plutôt que recycler permet notamment de "sauver jusqu'à 75% d'énergie" et d'utiliser "deux fois moins d'eau en relavant plutôt qu'en recyclant."

"Il faut recycler, mais avant tout, il faut réemployer. En réemployant, on va laver à 80 degrés plutôt que faire fondre à 1 500 degrés en recyclant."

Florence Duriez, présidente de Haut la Consigne

à franceinfo

Une bouteille en verre peut ainsi être réutilisée entre 20 et 50 fois, selon les estimations. Encore faut-il que les consommateurs adoptent ce nouveau réflexe. "Dans toutes les enquêtes qu'on a pu faire, on voit que c'est une vraie attente sociétale. Maintenant, il faut encore qu'on aille beaucoup plus loin. Ce sur quoi on table, c'est qu'on arrive à la fin 2026 à des taux de retour de l'ordre de 50%", souligne Valentin Fournel, directeur réemploi chez Citeo, organisme spécialisé dans le recyclage des emballages.

Aujourd’hui, six enseignes participent à cette expérimentation : Intermarché, Monoprix, Carrefour, Système U et bientôt Auchan, pour un total d’environ 400 magasins. L’objectif reste toutefois d'élargir le dispositif de la consigne à l’ensemble des régions.