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Reportage
"Quand je dois aller quelque part, je réfléchis à deux fois" : 100 jours après le retour de Donald Trump au pouvoir, la communauté hispanique vit "dans la peur"
Pendant la campagne présidentielle aux Etats-Unis, Donald Trump avait pourtant promis d’expulser "des millions et des millions d’immigrés", dès son arrivée au pouvoir.
Comment Donald Trump a-t-il changé l'Amérique ? Cent jours après son investiture, franceinfo revient sur la promesse phare de sa campagne : l'expulsion massive d'immigrés en situation irrégulière. Un "tour de vis" qu'il met en scène depuis trois mois avec des vidéos d'expulsions sur le tarmac de l'aéroport ou des photos d'"immigrés criminels arrêtés", exposées devant la Maison-Blanche. Près d'Atlanta en Géorgie, le résultat de cette campagne anti-migrants, c'est un climat de crainte qui s'est instauré. Notamment dans la communauté hispanique où certains n'osent même plus aller à la messe.
Devant une église hispanique de Lawrenceville, sur les portes, les horaires de la messe sont inscrits en espagnol. Le révérend Ventura Ruiz prêche ici, tous les dimanches devant une communauté latino-américaine : "Des Cubains, des Mexicains, des Vénézuéliens, des Portoricains..." D'après lui, 20% des fidèles ont un statut administratif fragile.
"Pour le dimanche de Pâques, on était 148. L'an dernier, on était 250"
Depuis quelques mois, il voit peu à peu les bancs de son église se vider : "Ils ont peur de venir. Ils pensent qu'on est une cible comme on est beaucoup d'Hispaniques réunis tous au même endroit, c'est facile pour la police de l'immigration de venir et d'attendre à la sortie. Pour le dimanche de Pâques, on était 148. L'an dernier, on était 250. Les gens préfèrent rester chez eux et regarder la messe en ligne."
Une crainte nourrie par une nouvelle directive qui autorise, depuis janvier, les arrestations dans les écoles, les hôpitaux et les églises. Récemment, un ressortissant hondurien a été arrêté à la sortie de la messe à 30 minutes de route d'ici. Alors à quelques rues, le révérend Fabio Sotello a mis en place un "protocole", dit-il, pendant les offices dans son église. "On a des gens à l'extérieur qui surveillent qui vient à la messe, s'il y a des gens qui n'appartiennent pas à la communauté. Et on a défini des zones privées où personne ne peut rentrer sans mandat d'arrêt. On ne l'a pas utilisé mais tout peut arriver. On ne sait pas. On est là pour protéger la communauté autant qu'on le peut."
"Il n'y a pas de procédure claire dans la manière dont ils expulsent les gens. Ils ne respectent pas les lois."
Révérend Fabio Sotelloà franceinfo
"On dirait aujourd'hui que ce gouvernement ressemble de plus en plus à nos systèmes en Amérique latine, poursuit Fabio Sotello. C'est problématique, pas seulement pour les immigrés, pour tout le monde." Le révérend Fabio Sotello a déjà vu par le passé des durcissements de la politique migratoire mais la nouveauté, dit-il, c'est que la rhétorique a changé et que Donald Trump assimile tous les latinos à des criminels.
"Ils ont expulsé des gens dans des pays qu'ils ne connaissent même pas"
Un changement de rhétorique qui affecte les immigrés hispaniques illégaux et légaux. Samedi dernier, à l'arrière de l'église, opération vaccination gratuite pour des personnes qui n'ont pas d'assurance médicale. Franceinfo y a croisé Manuel, originaire du Honduras, arrivé il y a 22 ans aux Etats-Unis. Lui, dispose d'un permis de travail à renouveler tous les deux ans.
Son statut est légal, mais, dit-il, il ne se sent pas à l'abri : "C'est très différent aujourd'hui. La seule chose que tu dois faire pour être ciblé, c'est d'avoir l'air un peu hispanique, d'avoir un tatouage ici ou là. Ils ont expulsé des gens dans des pays qu'ils ne connaissent même pas : des Vénézuéliens envoyés au Salvador. Ça, c'est un gros changement. J'ai un statut légal mais quand je dois aller quelque part, je réfléchis à deux fois. Est-ce que je vais être arrêté par la police ? Est-ce qu'ils vont douter de la légalité de mon statut ?"
"Si j'étais renvoyé dans mon pays, qu'est-ce qu'il arriverait à ma maison, à ma famille ?"
Manuel, originaire du Hondurasà franceinfo
Une peur alimentée par des affaires relayées dans la presse locale ou nationale : un citoyen américain arrêté par les services de l'immigration en Floride avant d'être relâché, il avait un nom hispanique. Ou cette semaine encore : trois enfants en bas âge de nationalité américaine, expulsés au Honduras en même temps que leur mère sans papier.
"Créer de la peur dans la communauté pour que les gens rentrent dans leur pays d'eux-mêmes"
La peur saisit la communauté hispanique mais on ne dispose pas de chiffres officiels. D'après les données obtenues par la chaîne NBC, l'administration Trump a arrêté 11 000 personnes en situation irrégulière, en février. Contre 12 000 un an plus tôt, sur la même période.
Pendant la campagne, Donald Trump avait pourtant promis d'expulser "des millions et des millions d'immigrés", dès son arrivée au pouvoir. Alors à Lawrenceville, le révérend Fabio Sotello estime que Donald Trump mise d'abord sur une stratégie de communication : "De ce que je vois, c'est beaucoup de rhétorique. J'étais là en 2007-2009 et la situation était plus dramatique. Ils arrêtaient les gens dans la rue, ils demandaient les papiers... Ce n'est pas ce que je vois pour l'instant. Je pense que ce qu'ils essayent de faire, c'est de créer de la peur dans la communauté pour que les gens rentrent dans leur pays d'eux-mêmes. Et peut-être que oui, certaines personnes vont décider de rentrer dans leur pays d'elles-mêmes." La Maison-Blanche met en avant un autre chiffre : celui du nombre de passages illégaux à la frontière, qui en effet, s'est effondré depuis janvier.
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