Reportage
"Pour moi, c'est une question de vie ou de mort" : des patients traités par du cannabis médical et des médecins réclament son autorisation

Une expérimentation du cannabis thérapeutique menée depuis 2021 en France a permis de soulager de nombreux malades atteints de cancer, d'épilepsie, ou de la sclérose en plaques. Mais l'expérimentation est désormais officiellement terminée, et patients comme soignants s'inquiètent sur la suite.

Article rédigé par Anne-Laure Dagnet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jean-Luc, 64 ans, atteint de sclérose en plaques, en train de prendre son traitement d’huile de chanvre avec une seringue orale. (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Jean-Luc, 64 ans, atteint de sclérose en plaques, en train de prendre son traitement d’huile de chanvre avec une seringue orale. (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Des dizaines de milliers de malades attendent d'avoir accès au cannabis thérapeutique pour soulager leurs douleurs. L'expérimentation menée en France depuis quatre ans a montré les bienfaits de ce traitement pour atténuer les symptômes de certaines maladies comme les cancers, les épilepsies sévères, les neuropathies ou la sclérose en plaques, mais les procédures traînent pour qu'il soit autorisé.

Pour certains malades, le cannabis médical est devenu essentiel, parce que ces malades qui testent le cannabis thérapeutique ont tout essayé pour soulager leurs douleurs et rien n'a fonctionné, sauf ce traitement à base d'huile de chanvre.

"Je souffre depuis bientôt 18 ans"

C'est le cas de Sandra, cette femme de 53 ans souffre d'une névralgie qui provoque des douleurs insupportables dans son bassin. "J'ai des douleurs atroces, des brûlures, des sensations de corps étrangers, de décharges électriques, d'arrachements, énumère-t-elle. Et je souffre comme ça depuis bientôt 18 ans. C'est très douloureux. À ce niveau-là, le cannabis m'a apporté un soulagement important. Pour moi, c'est une question de vie ou de mort. J'ai 53 ans, je n'ai pas envie de mourir."

"Je me suis dit que si on me privait de la seule chose qui m'apportait un peu de soulagement, il me restait plus qu'à partir en Belgique pour une euthanasie active."

Sandra, patiente souffrant de névralgie

à franceinfo

Impossible de revenir en arrière pour Sandra, c'est aussi ce que pense le docteur Françoise Durand-Dubief, qui a suivi plus de 300 patients atteints de sclérose en plaques dans le cadre de cette expérimentation coordonnée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avec le soutien du réseau FCRIN4MS. Et pour les trois quarts d'entre eux, le cannabis médical s'est avéré très efficace. "Ce sont des patients chez qui on avait tout essayé, avec parfois des qualités de vie épouvantables, précise la neurologue. Et le fait d'avoir mis à disposition du cannabis médical chez ces patients-là, cela a permis, pour certains, d'avoir une vie à nouveau à peu près tolérable et pour d'autres, une vraie amélioration, avec une qualité de vie vraiment transformée."

Le docteur Françoise Durand-Dubief, neurologue à l’hôpital de Bron (Rhône), qui a suivi les patients atteints de sclérose en plaques pour  l’expérimentation. (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le docteur Françoise Durand-Dubief, neurologue à l’hôpital de Bron (Rhône), qui a suivi les patients atteints de sclérose en plaques pour l’expérimentation. (ANNE-LAURE DAGNET / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Mais cette médecin est très inquiète, comme tous les patients, et il y a plein de messages sur les forums parce que l'expérimentation qui a concerné 2 500 malades est officiellement terminée. Si la plupart des patients ont encore accès au traitement à titre exceptionnel, ils ne savent pas s'ils pourront en bénéficier à long terme. 

Pour cela, il faudrait que le cannabis médical soit autorisé en France, mais le dossier traîne, parce que huit ministres se sont succédé à la Santé depuis que cette expérimentation sur le cannabis médical a été lancée. Et ils n'avaient pas tous le même avis sur la question.

L'actuel ministre Yannick Neuder est, lui, très clair, il l'a dit sur franceinfo en mars dernier : "Je suis pour tout ce qui peut soulager les patients. Je suis pour le cannabis thérapeutique, mais je ne suis en aucun cas favorable à la légalisation du cannabis, et d'une façon générale, de toutes les drogues, parce qu'on sait très bien que la drogue, pardon pour l'expression, c'est de la merde, et que ça tue des milliers de gens chaque année."

Une procédure en cours à Bruxelles

On entend bien l'amalgame entre cannabis médical et cannabis récréatif, c'est ce que constate Mado Gilanton, qui représente les malades, elle a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les politiques. "En France, on a des blocages politiques, relève-t-elle. Dès que je rencontre des députés à qui j'explique qu'on est sur un médicament, certes à base de la plante cannabis, mais qu'on est sur un médicament qui soulage des patients, dans certaines indications, dont les douleurs, la sclérose en plaques, l'épilepsie, et qu'on en a réellement besoin, quand je leur explique ça, en cinq minutes les députés le comprennent."

Et le ministre de la Santé est convaincu puisqu'il a enclenché la procédure pour autoriser le cannabis médical en France. Et cela doit passer par Bruxelles, le gouvernement français a transmis le dossier à la Commission européenne, qui pourrait donner son feu vert vendredi. Il faudra ensuite l'accord du Conseil d'Etat et enfin l'avis de la Haute Autorité de santé sur l'efficacité de ce traitement et son éventuel remboursement par la Sécurité sociale.

Si tout se déroule bien, la France pourra rejoindre l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne qui font partie des 21 pays de l'Union européenne sur 27 qui ont autorisé l'usage du cannabis médical. 

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