Reportage
"Je me lèverai tous les matins avec le sourire" : dans un lycée agricole de Seine-et-Marne, de futurs agriculteurs racontent leurs doutes et leurs projets

Au lycée agricole La Bretonnière, en Seine-et-Marne, les élèves apprennent les réalités du métier. Conscients des difficultés du milieu agricole mais aussi des enjeux tels que le développement durable ou l'insertion des femmes.

Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Martin et Loïc, tous les deux 17 ans, élèves du lycée agricole La Bretonnière à Chailly-en-Brie (Seine-et-Marne). (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Martin et Loïc, tous les deux 17 ans, élèves du lycée agricole La Bretonnière à Chailly-en-Brie (Seine-et-Marne). (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Les chiffres de l'Insee publiés l'an dernier ont de quoi inquiéter. En 2020, la France métropolitaine comptait près de 390 000 exploitations agricoles, soit 100 000 de moins qu'en 2010. La baisse est continue depuis cinquante ans, pourtant, malgré la crise du secteur et la mobilisation historique des agriculteurs pendant l'hiver 2024, la relève est bien là, comme dans ce lycée agricole de Seine-et-Marne, à Chailly-en-Brie.

On assiste notamment à un cours d'agronomie, au lycée agricole La Bretonnière, donné à des élèves de première STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant). Pour la pratique, les lycées agricoles intègrent une exploitation à La Bretonnière, un élevage ovin de 300 brebis.

Les élèves ont-ils des personnes dans leur famille qui sont agriculteurs ou agricultrices ? "Ma famille éloignée oui, mais pas mes parents", répond Martin, 16 ans. "Dans ma famille, on est plutôt comptable ou mécanicien", observe Loïc, du même âge. "Ce qui m'a donné envie, c'est un peu le développement du vivant, voir comment les plantes poussent et la science qu'il y a autour", raconte Martin. Comment ont réagi les parents quand ils ont appris qu'ils voulaient être agriculteurs ? "Ils sont un peu inquiets, forcément, parce que ce n'est pas un métier facile. Mais ils ont tout de suite bien pris la chose et ils m'encouragent", explique Loïc.

L'écologie, "une question de compromis"

Les deux camarades se sont questionnés sur leur métier, notamment lors de la récente grande mobilisation. Le fait "de voir comment les agriculteurs sont respectés dans ce monde... Ils peuvent être mal considérés", explique Loïc. "C'est vrai que c'est un avenir assez incertain. Au niveau de la rémunération ou par rapport à ce que pensent les gens de ce métier, comme quoi les agriculteurs sont des pollueurs, qui ne font pas attention à la nature, alors qu'on travaille avec la nature et on en a besoin", explique Martin. Loïc se questionne "surtout sur la santé, j'ai très peur de finir vieux croulant".

"Être agriculteur, ça permet de nourrir la planète, nourrir des gens, évoluer sur des techniques de production. On parle beaucoup d'écologie, donc [il faut] évoluer là-dessus, poursuit Martin. C'est compliqué aujourd'hui parce qu'il faut quand même produire, mais c'est une question de compromis." Les deux élèves ont des rêves un peu différents sur leur exploitation idéale. "Moi, ce serait une exploitation avec des animaux, plutôt des vaches", lance Martin. Son camarade aimerait "plus être dans le maraîchage biologique, avec un côté très scientifique, axé sur les connaissances, pour maintenir le développement durable et concevoir un meilleur futur".

Edena, 17 ans, dans la cour du lycée agricole La Bretonnière, à Chailly-en-Brie (Seine-et-Marne). (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Edena, 17 ans, dans la cour du lycée agricole La Bretonnière, à Chailly-en-Brie (Seine-et-Marne). (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Dans la cour du lycée, sur le banc, Edena raconte son parcours. Elle suit une formation bac pro CGEA (conduite et gestion d'une entreprise agricole), qui dure trois ans. "Ce que je veux, c'est vraiment avoir une exploitation de bovins laitiers, témoigne cette élève de 17 ans. J'ai envie de faire ce métier-là depuis que j'ai six ans, puisque j'ai une situation particulière, je suis placée en famille d'accueil. C'est la fille dans la famille d'accueil qui fait ce métier, et c'est grâce à elle que j'ai envie de l'exercer. Pour moi, ça a toujours été un métier passion." 

"C'est aussi plus compliqué pour les femmes de s'insérer dans l'agriculture, parce qu'on a souvent des préjugés, quand on dit : 'les femmes sont moins fortes, elles auront besoin d'aide pour gérer l'élevage'..."

Edena, élève de 17 ans au lycée agricole

à franceinfo

"Pourtant, j'ai connu des femmes agricultrices qui ont réussi à s'insérer dans le milieu agricole parce qu'elles ont réfléchi, poursuit Edena. Je ne vais pas dire que les hommes réfléchissent moins, mais nous, les femmes, on peut gérer nos exploitations. Plus tard, si je travaille dans une exploitation agricole, même en tant que salariée, je me lèverai tous les matins avec le sourire, avec l'envie d'aller travailler." 

L'enseignement agricole représente plus de 30 000 places à pourvoir sur Parcoursup. 150 formations, du bac au diplôme d'ingénieur agronome ou vétérinaire.

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