Reportage
"Ils sont hors-sol" : dans le Rhône, des maires ruraux fustigent une classe politique nationale "incapable d'avancer"

À la veille du vote de confiance, prévu lundi 8 septembre à l’Assemblée nationale à l’initiative du Premier ministre François Bayrou, franceinfo continue de donner la parole aux Français. Dans le Beaujolais, certains élus se désolent de la crise actuelle, quand d'autres confient ne pas s'y intéresser.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un édile avec son écharpe tricolore et un badge de l'Association des maires ruraux de France. Image d'illustration. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Un édile avec son écharpe tricolore et un badge de l'Association des maires ruraux de France. Image d'illustration. (LUDOVIC MARIN / AFP)

À la veille du vote de confiance, qui doit sceller le sort de François Bayrou et de son gouvernement, franceinfo quitte les grandes villes pour écouter les maires ruraux, à la tête de communes de moins de 3 500 habitants. Direction le Rhône, plus précisément dans le Beaujolais, à Légny, une toute petite commune des Pierres dorées, entourée de vignes.

Toute petite mais en croissance, Légny prospère, avec ses 700 habitants, ses bâtiments en élégantes pierres dorées, une gare toute proche pour aller à Lyon. Un peu en avance pour le rendez-vous à la mairie, on entame la discussion dans le village avec Claude et son mari Paul, paysans à la retraite. "Demandez à la mairesse si elle va refaire son bureau de la mairie. Pourquoi elle ne le refait pas ? Il en a mis pour 40 000 [euros]", lance-t-il, en faisant référence au bureau de François Bayrou à Pau"On va en remettre un autre, ce sera pareil, ajoute Claude. Ça ne changera jamais, on en paye, on en paye, on en paye. Je ne vote plus. Je suis écœurée après avoir travaillé toute ma vie, en étant déclarée, et je touche un peu plus de 800 euros par mois."

La mairie est à deux pas de l’Église et adossée à la petite école de trois classes. La maire s’appelle Sylvie Jovillard, et c'est elle qui fait aussi l'accueil. "On n'a plus de secrétaire de mairie, cela fait un petit moment qu'on cherche, et on a du mal à recruter aujourd'hui, explique-t-elle. Donc j'assure les permanences pour que la mairie reste ouverte. On rend service et puis on s'aperçoit que ça devient nécessaire aujourd'hui d'être là."

"Quand je parle du quotidien ou des problématiques que peuvent rencontrer nos habitants, je sais de quoi je parle. Il n'y a pas de distance, ce n'est pas un rapport que je suis en train de lire, c'est du quotidien, je le vis."

Sylvie Jovillard, maire de Légny

à franceinfo

Et quand on parle de contexte politique national, "on perd le sens de la réalité et on le voit bien dans les réactions spontanées des gens, on est dans deux mondes complètement différents", déplore Sylvie Jovillard. "Ils sont hors-sol, ce n'est plus possible d'avoir cette représentation nationale qui est incapable d'avancer, de prioriser des enjeux. Il faut qu'on se mette tous autour de la table pour les réussir. Tous les six mois, on voit cette cacophonie pathétique, on vit dans deux mondes, ce n'est plus possible."

La valse des gouvernements dégrade la visibilité

Cette cacophonie a-t-elle un impact sur la vie de la commune ? "Non, parce que nous, on reste un repaire, on se met autour de la table et on bosse, répond-elle. Mais bon Dieu, pourquoi ils ne sont pas capables de le faire au niveau national sur des enjeux qui sont prioritaires aujourd'hui ?" La valse des gouvernements peut avoir un impact tout de même sur les investissements. C'est lié au manque de visibilité, comme disent les chefs d’entreprise. "Si on n'a pas cette visibilité sur plusieurs années, il va y avoir un impact très clair en termes d'investissement, estime l'édile. Et il faut rappeler que les communes sont un des premiers acteurs du dynamisme économique du territoire, parce qu'on est des vrais donneurs d'ordre pour le monde économique, et en particulier celui du bâtiment."

Vingt kilomètres plus loin, à Chasselay, Jacques Pariost en est à son troisième mandat. Il passera la main en 2026. Comment perçoit-il la situation politique actuelle ? "Même s'il n'y a que 3 000 habitants, c'est un village rural, avec beaucoup d'arboriculture, beaucoup de maraîchage. Donc c'est une terre agricole, un village agricole. Les gens bossent ici, chez nous. Ils ne s'embêtent à voir des hallucinations politico-politiciennes, ça ne les intéresse pas."  Et ce qui va se passer la semaine du 8 septembre ? "Je peux être franc ? Je m'en fous, lâche-t-il. Ça ne nous affecte pas directement. Ils sont hors-sol, ils ne comprennent pas les besoins de la base."

Et il nous détaille le gros projet du moment, discuté collectivement, il insiste. "On a un très grand projet, mais qui dure depuis deux, trois ans : reprendre le centre-bourg pour le rendre moins minéral. Donc on fait des réunions publiques, on présente les dossiers et tous mes élus adhèrent au projet. Ça marche comme ça." Alors que son conseil municipal est composé de ses anciens opposants. 

"Mes anciens opposants avaient cinq représentants dans la dernière mandature, ils ont été intégrés à mon équipe pour cette mandature. On ne travaille bien que lorsqu'on est ensemble. On trouve des terrains de convergence. Un peu de bon sens, ce serait pas mal."

Jacques Pariost, maire de Chasselay

à franceinfo

Un autre point gênant à cette incertitude politique relevé par l'Association des maires ruraux, c’est la loi sur le statut de l’élu local, très attendue, pour favoriser l’engagement local. Les remous parisiens leur font craindre un report.

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