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Reportage
"Il y a un fantasme réel autour de leur richesse" : comment les influenceurs sont devenus des cibles de choix pour les malfaiteurs
Aqababe, Inoxtag, Just Riadh et la dernière en date Soraya Riffy... De plus en plus d’influenceurs sont agressés et sont désormais obligés de s’adapter pour se protéger.
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Soraya Riffy ne se méfie pas. Vendredi 4 juillet au soir, vers 20h, à peine rentrée chez elle à Marseille après avoir passé la journée à la plage avec des amis, sa sonnette retentit. Elle ouvre à un jeune homme souriant qui prétend avoir oublié ses clés. Lorsqu'elle souhaite refermer la porte, elle reçoit le premier coup. Deux hommes vont la séquestrer et l'agresser pendant plus de deux heures.
"Le cauchemar a commencé par le passage à tabac", raconte l'influenceuse de 30 ans, spécialisée dans les contenus beauté et fitness, qui s'est fait connaître du grand public en participant à l'émission Touche pas à mon poste en 2016. "Ils se sont mis sur moi, j'ai été plaquée au sol, je me prenais des coups de poing, il y en a un qui me tenait et l'autre qui me frappait. Ils m'ont attaché et j'avais des difficultés à respirer", se souvient-elle. Pendant que l'un des agresseurs continue à la frapper, l'autre sort faire le guet. Elle se retrouve ligotée, traînée sur le sol partout dans l'appartement par son agresseur qui veut l'avoir à l'œil.
"Le ligotage était trop serré, je ne pouvais pas respirer par le nez parce qu'il me l'avait clairement explosé. S'il ne m'avait pas déligotée, à 10 secondes près, c'en était terminé pour moi", assure Soraya Riffy. Une scène que partage immédiatement l'influenceuse sur ses réseaux sociaux, une fois prise en charge dans le camion de pompiers qui l'emmène à l'hôpital.
"Tu n'as pas d'argent ?"
Cette instagrameuse, qui recense un million d'abonnés, en est certaine : ses agresseurs sont venus chercher à son domicile de l'argent et des objets de luxe. Elle qui est par ailleurs infirmière se souvient des mots de l'un de ses agresseurs. "Le mec m'a dit : 'Tu es Soraya Riffy et tu n'as pas d'argent ? Tu me prends pour un con ?' Je lui ai dit que non, je n'avais rien à lui offrir pour ma survie", affirme l'influenceuse.
"Il y a un fantasme réel autour de la richesse de ces influenceurs", explique, de son côté, l'avocat Tom Michel, qui défend les intérêts de Soraya Riffy et de nombreux autres influenceurs.
"Pour quelques dizaines d’influenceurs qu’on va considérer comme très riches, vous avez l’extrême majorité des gens qui sont parfois extrêmement suivis avec plusieurs millions d’abonnés et qui sont très loin d’être riches."
Tom Michel, avocat de Soraya Riffyà franceinfo
Dès lors, pour échapper aux agressions et aux home-jackings, les influenceurs commencent à s'adapter. Car la liste des instagrameurs et des tiktokeurs victimes ne cesse de s'allonger. "Ce qui est certain, c'est qu'on voit que depuis quelques semaines et quelques mois une explosion de ce genre de contentieux et d'agressions violentes", insiste l'avocat Tom Michel. L'évolution de ces agressions reste en tout cas difficile à mesurer précisément, car il n'existe pas de statistiques spécifiques. La police et la gendarmerie recensent 228 home-jackings depuis le début de l'année, selon les chiffres consultés par franceinfo auprès du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Il y en a eu 550 en 2024 contre 515 en 2023.
Des agressions, de l'avis général, qui sont rendues plus faciles grâce à l'utilisation massive des réseaux sociaux par les influenceurs, en toutes circonstances, souvent à leur domicile. "C'est vrai que j'ai été agressée et qu'il y a des choses qu'il va falloir que je change, admet Soraya Riffy. Par exemple, mettre des vidéos et des photos non pas en direct, mais en décalé... C'est une erreur que j'ai commise. Et puis mettre en mode fantôme ma géolocalisation Spnachat, ça aussi, c'est une chose que je n'avais pas vérifiée avant mon agression. Donc oui, niveau sécurité, je changerai certaines choses", assure-t-elle.
Recours aux gardes du corps
Comme elle, les influenceurs cherchent à trouver le bon équilibre entre le fait de continuer à pouvoir se dévoiler sur les réseaux tout en protégeant mieux leur vie privée. Et pour cela, leur avocat, Tom Michel leur propose quelques outils. "Désormais, il y a une méthode qui est partagée par 99% d'entre eux, c'est de faire des "latergram". C'est-à-dire publier des contenus plusieurs semaines après, pour ne pas donner des indications de lieux. Il y a aussi une autre technique qui consiste à prendre des locaux professionnels pour faire leurs contenus, des locaux qui peuvent être proposés par leurs agents."
Certains ont même recours aux services de gardes du corps. Soraya Riffy a par exemple franchi le pas et signé un contrat avec une société de sécurité privée. "Cela représente un coût important pour les influenceurs", regrette cependant l'avocat Jonathan Pouget, qui défend plusieurs d'entre eux.
Il rappelle qu'"aucune protection publique n'est prévue de manière préventive, sauf circonstances très exceptionnelles." Il est impossible pour les influenceurs, donc, de se tourner vers les forces de l'ordre pour obtenir une protection avant d'avoir été agressé.
Des jeunes de 14 ans parmi les agresseurs
Les mesures de précautions qu'ils prennent s'avèrent nécessaires. Car les enquêteurs le constatent : ceux qui agressent les influenceurs sont très souvent des mineurs, principaux consommateurs de TikTok, d'Instagram ou de Snapchat, comme le rappelle la commissaire Agathe Foucault, porte-parole de la police nationale. "Parmi les auteurs des home-jackings, on constate parfois des auteurs qui sont très jeunes, certains ont 14 ans, ce qui correspond tout à fait à l'âge d'utilisation des réseaux sociaux."
"Ces mineurs obéissent à un commanditaire qui va envoyer une petite main commettre les méfaits."
Agathe Foucault, policièreà franceinfo
Agathe Foucault recommande ainsi aux influenceurs, mais aussi finalement à tous les utilisateurs de réseaux sociaux, de "se responsabiliser" en ne diffusant pas "ses dates de vacances, d'informations relatives à son domicile et si possible limiter aussi l'exposition des biens de valeur que l'on peut posséder".
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