Reportage
"C'est le business et le marketing avant tout" : pourquoi les prix des dossards du marathon de Paris font-ils râler certains participants ?

La 48e édition du marathon de Paris s'élance dimanche. Une course qui ne fait pas l'unanimité, notamment en raison de l'explosion du prix des dossards ces dernières années. Certains coureurs ont décidé de faire l'impasse cette année, quand d'autres optent carrément pour la fraude.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des coureurs du marathon de Paris, le 7 avril 2024. (YOAN VALAT / EPA)
Des coureurs du marathon de Paris, le 7 avril 2024. (YOAN VALAT / EPA)

Environ 55 000 personnes vont prendre le départ de la 48e édition du marathon de Paris dimanche 13 avril, mais à quel prix ? Le prix des dossards ne fait qu'augmenter, à tel point que certains ont décidé de boycotter la course. C'est le cas de Lucie, pour qui le prix est "exorbitant, il y a une limite qui a été vraiment franchie. Quand je vois 170 euros, je ne m'en remets pas... C'est quand même affolant."

En deux ans, la hausse est de 40 euros : 130 euros en 2023, contre 170 euros désormais en "dernière minute". C'est en effet un peu moins cher si on s'y prend au moment où les dossards sont mis en vente... mais c'est toujours trop pour Lucie, que franceinfo est allé voir chez elle, au Havre. Cela fait 13 ans qu'elle court ici, juste en face de l'estuaire de la Seine : après deux participations au marathon de Paris, cette année, elle n'y sera donc pas. 

Un état d'esprit qui ne lui plaît plus

S'il y a la question du tarif, la jeune femme dénonce aussi toute la stratégie mise en place autour de la course. Si elle n'y va pas, c'est aussi pour des raisons éthiques. "C'est le business et le marketing avant tout, lâche-t-elle. On ne se demande même plus si on a vraiment envie de faire cette course ou pas, il faut en être. Si on est coureur et qu'on n'est pas au marathon de Paris, on a un peu raté sa vie." Et cet esprit-là ne lui plaît pas. Pire : il va même à l'encontre des valeurs de la course à pied.

"Avec quelques amis, on a décidé de réfléchir un peu plus consciemment aux futures courses, il ne faut pas non plus nous prendre pour des pigeons."

Lucie, coureuse

à franceinfo

Pour savoir ce qu'en pensent les participants au marathon de Paris, direction le Parc des expositions, à la porte de Versailles, là où ils retirent leurs dossards. Patrick, fait-il partie de ces 55 000 "pigeons""Si j'en fais partie, j'en suis plutôt heureux, je suis très content d'être là aussi, répond ce coureur originaire de Bretagne et qui en est à son deuxième marathon de Paris. Je suis très enthousiaste de venir ici, comme un petit gamin." 

Et c'est encore plus vrai pour ceux qui le courent pour la première fois (51%) des participants cette année, comme Ombeline, âgée de 20 ans : "Je me suis mise à courir l'année dernière, je voulais tester l'expérience, je fais ça avec des copains, donc c'est très sympa."

Un prix du dossard porté par la hausse de certains coûts

Pour ces novices, c'est donc un événement exceptionnel. Pour les "runners" étrangers, également : c'est un tiers des participants, dont Luis, Brésilien. Il explique que, comparé aux autres grands marathons dans le monde auquel il a participé, le prix du dossard à Paris est tout à fait "raisonnable". D'autant que l'organisation est bonne, le parcours "très beau", ajoute-t-il. Avant de saluer le sens de l'accueil à la française.

Celui qui reçoit et organise cet événement s'appelle Thomas Delpeuch, le directeur du marathon de Paris. Responsable des événements publics chez ASO (Amaury Sport Organisation), qui organise également le Tour de France ou le Dakar, il justifie le prix par la hausse de certains tarifs : "Les coûts de transport, de personnel, de location de matériel ont explosé, et tout le secteur de l'événementiel a pris une grosse inflation des coûts d'organisation en huit ans, explique-t-il. Cela explique une bonne partie de nos tarifs d'inscription."

Thomas Delpeuch n'en dira pas plus sur le chiffre d'affaires réalisé : ASO préfère rester discret sur ces millions d'euros que la vente des dossards lui rapporte.

Les "bandits de la course", ces fraudeurs du marathon

Même si d'un point de vue économique le prix du dossard peut être considéré comme "juste", certains boycottent le marathon de Paris, quand d'autres décident... de frauder. On les appelle les "bandits de la course" : ceux qui courent avec des faux dossards, grâce à un logiciel comme Photoshop. Une pratique qui a été théorisée par les Américains sous le nom de “bandit running” ou "race banditing".

En effet, aux États-Unis, pour participer aux marathons de New York ou Boston, par exemple, il faut dépenser plus de 300 euros. Cette pratique existe en France, certains donnent même des conseils sur les réseaux sociaux.

Selon un avocat contacté par franceinfo, créer un faux dossard est passible de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. En revanche, il est tout à fait légal de courir sans dossard à condition de partir de l'arrière du peloton (sans démarrer depuis un sas à accès réglementé), de ne pas prendre les ravitaillements et de ne pas franchir la ligne d'arrivée pour ne pas être accusé d'avoir profité des infrastructures mises en place par les organisateurs.

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