"Peopolisation" des politiques, révélations et difficultés pour le RN : dans les coulisses de la nouvelle saison d'"Une Ambition intime" sur M6

L'émission de confidences revient pour une troisième saison avec quatre nouvelles personnalités politiques au micro de l'animatrice Karine Lemarchand : Gérald Darmanin, Sandrine Rousseau, Jordan Bardella et Fabien Roussel.

Article rédigé par Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Karine Le Marchand lors du tournage d'"Une ambition intime", le 9 septembre 2017. (CAMILLE HOBAKET / M6)
Karine Le Marchand lors du tournage d'"Une ambition intime", le 9 septembre 2017. (CAMILLE HOBAKET / M6)

Faut-il éclairer les citoyens sur la personnalité de celles et ceux pour qui ils votent ? Sur leur enfance, leurs traumatismes, leurs passions... La question divise depuis le lancement d'une émission de télévision sur M6 baptisée Une Ambition intime. L'animatrice Karine Lemarchand y recueille les confidences des responsables politiques. Après Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou encore Anne Hidalgo, quatre nouveaux dirigeants ont accepté de se prêter à l'exercice : Gérald Darmanin, Sandrine Rousseau, Jordan Bardella et Fabien Roussel.

L'émission sera diffusée dans deux semaines, franceinfo a pu en voir les premières images et rencontrer les politiques concernés. Avec toujours le même concept : montrer nos élus, nos ministres sous un autre jour. Dans une ambiance cosy, chez eux s'ils le souhaitent ou dans un lieu loué pour l'occasion, comme ce fut le cas pour Fabien Roussel : "Moi ça ne m'aurait pas dérangé de faire ça chez moi, mais ma femme ne voulait pas. C'est la patronne qui commande."

Trois millions de téléspectateurs avaient apprécié la formule pour la première saison il y a neuf ans. Deux millions ensuite lors de la campagne présidentielle 2022. Il y a quelques questions politiques, comme celle posée à Jordan Bardella : Que ferez-vous si Marine Le Pen est inéligible en 2027 ? Ou, à Gérald Darmanin : regrettez-vous d'avoir voté contre le mariage pour tous ? Mais la majeure partie des entretiens menés par Karine Lemarchand concerne le parcours des invités, leur vie personnelle, leurs goûts, leur famille.

Des anecdotes et des sujets plus graves

On apprend que Jordan Bardella est un maniaque de la propreté, même s'il assure le contraire. Il passe quand même la raclette sur la vitre après chaque douche. On apprend aussi que la mère de Gérald Darmanin lui achète encore des chaussettes et des caleçons de peur qu'il en manque ou que Fabien Roussel se rase tous les soirs pour que ça ne pique pas quand sa femme l'embrasse.

À côté de ces anecdotes, on aborde quand même des sujets graves. Par exemple, Sandrine Rousseau raconte pour la première fois qu'elle est née avec une malformation des hanches. Elle a subi des traitements très douloureux pendant toute son enfance avant d'être lâchée par ses médecins, furieux qu'elle aille leur dire elle-même, du haut de ses 10 ans, qu'elle refusait de se faire opérer.

À travers ces confidences, les politiques espèrent se montrer sympathiques, et faire mieux comprendre leurs combats politiques. Cela semble tellement important pour eux que les quatre invités de cette saison assurent même la promotion de l'émission. Franceinfo et d'autres journalistes ont été conviés au siège de M6, la semaine dernière, pour les rencontrer l'un après l'autre.

"Au moins les gens sauront qui je suis"

Sandrine Rousseau comme Gérald Darmanin reconnaissent qu'ils veulent montrer une autre facette de leur personnalité. "Au moins, les gens sauront qui je suis, assure la députée. Parce que je pense qu'il y a vraiment une caricature de moi et quand je me déplace, en France ou ailleurs, la phrase que j'entends le plus, c'est : 'Mais vous êtes très différente de l'image qu'on a de vous !' Donc j'espère que cette émission pourra être un moyen de montrer un autre visage."

Le ministre de la Justice plussoie : "Comme j'ai fait quatre ans et demi au ministère de l'Intérieur, les gens me disent souvent : 'Tu ne souris jamais, on a l'impression que tu fais toujours la gueule à la télé'. Bah oui, évidemment, quand le ministre de l'Intérieur est invité c'est parce qu'il y a un attentat, un problème..." 

"J'ai sans doute, dans l'opinion, une image sérieuse, pas très souriante, pas très avenante. Et c'est rigolo parce que si vous allez à Tourcoing, je pense que c'est exactement l'image contraire."

Gérald Darmanin

à franceinfo

Tous disent être sortis chamboulés de ces quatre ou cinq heures d'entretien. Soit pour avoir raconté des souvenirs douloureux, soit face aux témoignages de leurs parents, enfants ou amis. On voit ainsi Jordan Bardella verser une larme lorsque son père, qui n'était jamais apparu à la télévision, déclare son amour à son fils unique.

"Je n'ai pas eu besoin de l'émission pour faire 37% aux élections législatives"

Certains reprochent précisément à l'émission d'être bienveillante avec le Rassemblement national et de favoriser son ascension. Karine Lemarchand balaie cette critique. Et appuie Jordan Bardella quand il avance cet argument : "Je n'ai pas eu besoin de l'émission pour faire 37% aux élections législatives. Donc, y voir un lien entre une émission qui pourrait me rendre mainstream... Je pense qu'il n'y a pas besoin d'émission pour faire que les gens votent Rassemblement national."

Des critiques aussi sur le mélange des genres, politique et people. Là encore, Karine Lemarchand s'en défend : "Je trouve qu'il y a une grosse hypocrisie qui consiste à dire que c'est bien dommage parfois de mettre en avant la 'peopolisation' des personnalités politiques, plutôt que le combat, les idées etc. Quand on voit Trump, on ne peut pas décorréler la politique aux Etats-Unis, voire la politique mondiale, de la personnalité de Trump qu'on pouvait anticiper avant. C'est la même chose pour Poutine." 

"Il faut arrêter de croire qu'il n'y a que les idées politiques et le programme qu'il faut mettre en avant. C'est faux."

Karine Lemarchand

à franceinfo

Mais aller dans l'intime et avec tous les partis, ça ne plaît pas à tout le monde. La production a eu un mal fou à trouver des réalisateurs pour filmer Jordan Bardella. Certains ont fini par dire oui, mais ont refusé que leur nom apparaisse au générique.

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