"C'est leur société qu'ils vont faire pour demain" : malgré la crise politique, des jeunes ont toujours la vocation pour devenir maires

Le scrutin des prochaines élections municipales aura lieu en mars 2026, dans un contexte de crise des vocations, avec plus de 2 000 maires démissionnaires depuis 2020. Les maires ruraux, en particulier, s'inquiètent et font tout pour convaincre les jeunes de s'engager.

Article rédigé par Louise Buyens
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Écharpes tricolores d'élus municipaux. Photo d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)
Écharpes tricolores d'élus municipaux. Photo d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)

Au milieu des têtes blanches et grises, environ 200 jeunes arpentent les couloirs de ce congrès des maires ruraux, dans la Vienne, le 26 septembre 2025. Parmi eux, Gabriel et Mélissa, la vingtaine, font un service civique dans le domaine de la culture, dans l’Indre.

Pour eux, alors que le taux de démission des maires a atteint un "niveau historique" (selon une étude du Cevipof pour l'Association des maires de France), devenir maire n'est pas une carrière vraiment enviable. "C'est régler tous les petits problèmes à l'échelle des habitants. Les plus gros aussi, c'est peut-être beaucoup de pression pour un petit jeune comme moi", dit Gabriel. "Moi, je pense que ça va être un 'non' catégorique", enchaîne Mélissa dans un rire. 

"C'est beaucoup d'implication, je pense. Mais par contre ça me tente bien d'aider".

Mélissa, en service civique

à franceinfo

À côté, un maire les écoute. Il s’immisce dans la conversation : "Je t'écoutais parler et tu sais, quand on est élu, on arrive à aider les autres. Les gens viennent nous voir, ils ont confiance en nous. Ils nous délivrent leurs problèmes, souvent, on les oriente sur les bonnes personnes. Être élu d'une petite commune rurale, c'est avant tout ce que tu disais : aider les gens." "Ok, je vais me renseigner un petit peu plus, merci en tout cas", lui répond Mélissa.

Un besoin de jeunesse dans les mairies rurales

Sylvain André, quadragénaire, est à la tête de Cendras, une commune du Gard d'environ 1 600 habitants. Lui, qui s’est engagé à l’âge de 25 ans, se désole du manque d'intérêt des jeunes pour la politique. "Il y a besoin de cette jeunesse. Cela nous ferait du bien et c'est vrai qu'on a du mal à capter la jeunesse pour s'inscrire dans nos conseils municipaux. J'y travaille, j'essaye de voir des jeunes, de leur dire de venir travailler en équipe. Par les festivités, on essaye des choses."

"On a du mal à capter la jeunesse pour qu'elle s'inscrive dans nos conseils municipaux"

Sylvain André, maire de Cendras

à franceinfo

Selon une étude de l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes, ces cinq dernières années, près de 8 communes rurales sur 10 ont mis en place des actions d'information et de sensibilisation à l'engagement.

Une sensibilisation et des soutiens pour se lancer

Mais il existe encore des jeunes qui ont envie de s’engager en politique. Baptiste Pizzato, à bientôt 18 ans, va s’inscrire sur la liste électorale d’un candidat à la mairie d’Arceau (environ 1 000 habitants), en Côte-d'Or. Il tient son engagement de son grand-père militaire et de son rôle de porte-drapeau. Il montre avec fierté les photos de sa première cérémonie sur son téléphone portable : "On est très bien habillé, c'est quelque chose de respectueux, donc il faut être fier et bien porter. Mon grand-père nous a quittés l'année dernière, et chaque fois que je prends le drapeau, je pense à lui, parce que c'était une grande fierté pour lui. Cela fait aussi partie des choses qui me motivent. Donc tout ça, c'est aussi pour lui." 

Pour se lancer, Baptiste a été aidé par le maire de sa commune. Ici, beaucoup estiment qu'il est temps de passer la main. C'est le discours de Chantal Gantch, 72 ans, maire de Savignac de l’Isle, en Gironde, qui ne rempilera pas en mars 2026. "Moi, j'ai confiance en la jeunesse, dit-elle. C'est leur société qu'ils vont faire pour demain. Moi, j'ai fini, mon temps, il est fini !"

"Nous les expérimentés, on est là pour aider mais on doit s'effacer."

Chantal Gantch, maire de Savignac de l’Isle

à franceinfo

D'ailleurs elle est venue avec sa "jeune", comme ils disent ici. Pour 2026, elle soutient Céline Goeury, 34 ans, actuellement première adjointe dans une petite commune de 350 habitants, en Gironde. "Je me présente en tête de liste sur la commune de Latresne, décrit-elle. Je n'ai pas été en politique, je n'ai pas de carte. En fait, je suis restée vivre dans ma commune pour faire mes études à Bordeaux, car mes parents ne sont pas très loin. On est venu me chercher et deux mandats plus tard, je suis toujours là..."

Une mission entre passion et équilibre

Malgré les contraintes et responsabilités qu'implique un mandat d'élu, ces jeunes candidats ne se découragent pas. Céline Goeury a dû faire des compromis pas toujours évidents, notamment pour sa vie de couple. "Quand je suis partie tête de liste, j'avais très envie, mais il fallait qu'on en parle, parce que forcément cela a un impact, même de manière très matérielle. Aujourd'hui, je vis d'indemnités donc je ne peux pas emprunter. Donc sur la question de l'achat d'une maison, cela a aussi un impact. Mais je ne dis pas que notre situation est compliquée."

"Cela nécessite de s'adapter de manière un peu différente par rapport à des amis qui n'ont pas des engagements comme ceux-là."

Céline Goeury, première adjointe dans une petite commune

à franceinfo

Aujourd'hui, Céline dit qu'elle tient le coup par passion pour sa mission. Elle s'octroie aussi un week-end par mois, où elle coupe complètement pour se consacrer à sa vie personnelle.

La question de l’équilibre entre les vies professionnelle et personnelle est justement au cœur d'une proposition de loi qui doit passer cet automne au Sénat. L'Association des maires ruraux de France plaide pour que le texte soit adopté le plus vite possible. Elle y voit un espoir d'attirer les candidats pour les municipales de mars 2026.

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