Podcast
"La traque de Mohamed Amra" (8/8) : l'enquête d'une vie

C’est une traque hors-norme qui a nécessité l’utilisation de huit cents techniques d’enquête, des centaines de lignes téléphoniques écoutées, des moyens humains exceptionnels ainsi qu’une collaboration internationale importante.

Article rédigé par Pierre de Cossette
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des policiers armés montent la garde dans l'attente d'une escorte policière transportant  Mohamed Amra, dans le cadre de son extradition de la Roumanie vers la France, au tribunal de Paris, le 25 février 2025.. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Des policiers armés montent la garde dans l'attente d'une escorte policière transportant Mohamed Amra, dans le cadre de son extradition de la Roumanie vers la France, au tribunal de Paris, le 25 février 2025.. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Le 14 mai 2024, la France a été secouée par une attaque meurtrière et sans précédent au péage d'Incarville. Un fourgon pénitentiaire transportant le détenu Mohamed Amra, 30 ans, connu pour trafic de drogue, a été la cible d'un commando lourdement armé. Cette agression brutale a coûté la vie à deux agents de l'administration pénitentiaire, Arnaud Garcia et Fabrice Moello, et en a blessé trois autres. L'émotion et le choc ont été immédiats, déclenchant une machine policière "hors norme". Dès les premières heures, un témoignage inattendu devant le tribunal de Rouen a permis d'identifier deux hommes soupçonnés d'avoir donné le top départ au commando, l'un d'eux ayant même laissé une empreinte digitale sur un verre de jus de fruits, un "sacré coup de pouce" pour les enquêteurs.

L'enquête s'est avérée être la plus conséquente, prenante et engageante de la carrière de l'ancien patron de l'office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), Yann Sourisseau. Une chasse à l'homme de grande ampleur a été lancée, mobilisant 350 enquêteurs dans un travail "titanesque". Des centaines d'heures de vidéosurveillance ont été visionnées et un travail colossal de téléphonie a été mené pour identifier les "lignes occultes" ou "téléphones de guerre" utilisés par les complices. Au total, 800 mesures techniques spéciales d'enquête (écoutes, balises, IMSI catcher, sondages de smartphones) ont été déployées, un "travail faramineux". L'ampleur de cette enquête est comparée par certains au volume d'investigation suivant les attentats du 13 novembre 2015, avec un dossier qui "occuperait beaucoup de pans d'un mur". Cette traque a bénéficié d'un "crédit illimité" et a été suivie "minute par minute" au plus haut sommet de l'État, avec une pression positive qui a motivé les enquêteurs.

Malgré la durée de neuf mois de la cavale de Mohamed Amra, qui a "surpris tout le monde", il a finalement été interpellé. Le 11 juin 2025, trois mois après son arrestation à Bucarest, Amra a été extrait de la prison de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe (Orne) pour être interrogé par les juges d'instruction parisiens, sous une escorte de très haut niveau, avec hélicoptères et convoi terrestre du GIGN. Il a cependant refusé de s'exprimer, estimant ne pas avoir pu préparer son interrogatoire dans des conditions sereines. Avec une quarantaine de suspects déjà mis en examen, dont des membres du commando, des guetteurs, des logisticiens et des aidants à la cavale, l'instruction s'annonce comme un véritable "marathon" qui durera des années. L'enquête est loin d'être terminée, et les victimes devront faire preuve de patience pour que toutes les zones d'ombre soient levées et que justice soit rendue. 

 

Un podcast du service Police-Justice de franceinfo, avec en invités fils rouges : le commissaire Yann Sourisseau, ex-patron de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), et Eric Serfass, le procureur adjoint chargé de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO). 

Production : David Di Giacomo, Pierre de Cossette, Gaële Joly, Mathilde Lemaire, Yannick Falt | Réalisation : Vanessa Nadjar | Rédaction en chef : David Di Giacamo | Coordination : Pauline Pennanec’h | Mixage : Raphaël Rasson 

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.