"Si on ne change rien, on va vers une explosion de la précarité féminine chez les plus de 60 ans", alerte la Fondation des femmes
Stagnation dans le travail, charges du foyer, santé… "Le coût de la séniorité" n'est pas le même selon le genre, d'après la Fondation des femmes. Or, "nous sommes dans un moment où "la part des femmes seniors dans la population active va augmenter", indique Floriane Volt.
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Elles sont neuf millions en France et Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation des Femmes, veut attirer l'attention sur leur cas, jeudi 12 juin sur franceinfo : "les femmes seniors". Le dernier rapport de la fondation, intitulé "Le coût de la séniorité des femmes", indique que pour les femmes entre les âges de 40 et 60 ans "à chaque bougie soufflée, une femme perd 7 862 euros par année par rapport aux hommes sur 20 ans", soit 157 245 euros de manque à gagner au total.
Si d'après les chiffres de l'Insee en 2023, l'écart de salaires entre hommes et femmes a diminué d'un tiers entre 1995 et 2023, le revenu salarial moyen des femmes, dans le secteur privé, reste inférieur de 22,2% à celui des hommes. Et on observe une augmentation de cette inégalité après 40 ans, jusqu'à exploser au moment de la retraite : les pensions de retraite des femmes sont en moyenne 40% plus basses que celles des hommes, et près de 40% des femmes perçoivent moins de 1 000 euros de pension de retraite, contre seulement 20% des hommes.
Franceinfo : Qu'appelez-vous la séniorité ?
Floriane Volt : On est parti de la définition des entreprises qui considèrent qu'à partir de 45 ans, on est déjà senior. Et nous, on a choisi de se concentrer sur cette période de la vie des femmes entre 45 et 65 ans.
Vous calculez un manque à gagner sur les revenus des seniors de 157 245 euros au total. Les chiffres sont précis, comment vous arrivez à ce résultat ?
On a analysé les données de revenus qui viennent de l'INSEE, des hommes et des femmes entre 40 et 65 ans et on a comparé leurs trajectoires. Et ce qu'on a vu en effet, c'est qu'une femme perd en moyenne 7 862 euros par an sur cette période. C'est ce qu'on a appelé le coût de la séniorité au féminin, c'est-à-dire le fruit du sexisme et de l'âgisme.
Donc il y a une double discrimination ?
Exactement. C'est ce que montre cette note, une double discrimination et aussi des facteurs spécifiques que rencontrent les femmes à cette période de la vie.
"Entre la stagnation dans le monde du travail, les multiples charges à la maison qu'elles peuvent avoir et les problématiques de santé spécifiques, ces facteurs accentuent et créent cet écart."
Floriane Voltà franceinfo
L'écart de revenus entre hommes et femmes à 55 ans et plus est de 27% dans le privé et 43% des femmes travaillent à temps partiel. Vous parlez d'une bombe à retardement sociale et économique ?
Exactement. On parle d'une bombe sociale parce qu'on est à un moment charnière, entre l'allongement de la durée de vie, le recul de l'âge de la retraite et une natalité en baisse. On voit que la part des femmes dans la population active va augmenter. Et si on ne change rien, on va vers une explosion de la précarité féminine chez les plus de 60 ans. Ce n'est pas une fatalité, mais il faut répondre maintenant.
Il y a aussi le rôle des questions de santé qui jouent.
Oui, on est vraiment revenu sur les questions de santé, parce que finalement, les femmes seniors entre 45 et 60 ans, c'est le moment où elles disparaissent. Elles disparaissent de l'entreprise, elles disparaissent de la sphère médiatique et politique, elles disparaissent du cinéma. Et de cette façon, leurs problématiques, elles disparaissent aussi. Et on parle très peu des enjeux de santé spécifiques des femmes seniors. Pourtant, ils sont nombreux et ils sont importants. Par exemple, la ménopause est un vrai sujet. Dans 87% des cas, les femmes concernées vivent au moins un symptôme difficilement.
Et ce sont des femmes qui sont très souvent aidantes aussi, ce qui impacte aussi sur leur précarité.
Exactement. Ce qu'on voit à cet âge-là, c'est qu'à la fois il y a la question de la stagnation de leur carrière et des discriminations qu'elles subissent en entreprise, auxquelles s'ajoutent de multiples charges. Les femmes de cet âge, elles sont mamans de grands enfants. Elles sont aidantes de parents vieillissants ou de proches concernés, et elles sont aussi souvent grands-mères. Et on rappelle que l'âge dans la grande maternité est autour de 55-56 ans. Or, les départs à la retraite sont autour de 50-55 ans. Donc c'est vraiment dix ans où les femmes grands-mères doivent aussi composer avec leur carrière. Et ça, ça a nécessairement un impact sur leur émancipation économique.
Vous formulez, à la Fondation des femmes, neuf recommandations, notamment de faire en sorte que le fait d'être aidant compte pour la retraite.
Exactement. On formule toute une série de recommandations pour vraiment mettre en lumière les problématiques des femmes entre 45 et 65 ans. Et on appelle les entreprises, et puis le gouvernement, à se saisir véritablement de cette question pour intégrer l'âgisme aux facteurs par exemple de l'index d'égalité. Il faut qu'on puisse mettre en place des choses, faire une campagne pour rendre visibles ces femmes. Et qu'on arrête de penser que les femmes, à partir des 45 ans, elles ne sont plus utiles et qu'on arrête d'investir. C'est quand même hallucinant. Il y a ce chiffre chiffres de l'association Force Femmes, qui montre que plus de la moitié des cabinets de recrutement disent qu'il est difficile de placer une femme à partir de ses 45 ans. Donc nous, on appelle vraiment à se réveiller. Et ce chiffre de 157 000 euros en tout, c'est une alarme sans mesure structurelle. On va vers une explosion de la précarité féminine à la retraite.
Est-ce que vous avez quand même l'impression que les mentalités évoluent, que la société, que les entreprises évoluent ?
Alors c'est tout récent. On voit qu'il y a une prise de conscience progressive avec plusieurs initiatives comme la Charte 50+ qui est beaucoup portée par la ministre du Travail. Mais on est encore dans l'expérimentation, il faut désormais vraiment une stratégie nationale pour reconnaître, soutenir et valoriser les femmes seniors.
Vous appelez aussi à créer de nouveaux congés aidants et dans les grands-parents ?
Oui, c'est dans la suite des recommandations qu'on porte.
"Il faut tenir compte de la réalité de ce que vivent les femmes, puisque c'est elles qui, du fait du poids des stéréotypes, assurent une grande partie d'un travail gratuit de l'occupation des petits enfants, de la prise en charge des aidants."
Floriane Voltà franceinfo
Et il faut aller vers elles pour mettre fin à la précarisation que créent ces situations aujourd'hui.
C'est un constat très sombre. Est-ce qu'il y a quand même des raisons d'espérer ?
C'est toujours un constat sombre, mais l'objectif de cette note, c'est aussi d'appeler les politiques publiques à s'en saisir pour formuler des recommandations, donc oui, on reste positif.
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