"Les hypermarchés ne fonctionnent plus", selon le directeur général du groupe Casino qui explique se recentrer sur "le commerce de proximité"

"C'est une stratégie de développement à laquelle je crois profondément", insiste, jeudi sur franceinfo, Philippe Palazzi, le directeur général du groupe Casino.

Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 11min
Philippe Palazzi, directeur général du groupe Casino, le 13 février 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Philippe Palazzi, directeur général du groupe Casino, le 13 février 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Le groupe se recentre sur le commerce de proximité", déclare, jeudi 13 février, Philippe Palazzi, directeur général du groupe Casino. "C'est une stratégie de développement à laquelle je crois profondément. Nous sommes positionnés aujourd'hui là où le marché s'est déplacé, c'est-à-dire sur le commerce de proximité. On voit que les hypermarchés ne fonctionnent plus", ajoute-t-il.

Casino regroupe sept marques bien connues des Français : Casino évidemment, mais aussi Monoprix, Naturalia, Spar, Vival, Franprix et Cdiscount. Il compte 7 700 points de vente en France, essentiellement des franchisés, pour 25 000 salariés au total. Philippe Palazzi est arrivé en mars 2024, dans les bagages des nouveaux actionnaires, les milliardaires Daniel Křetínský et Marc Ladreit de Lacharrière, avec un fonds d'investissement. Ils ont racheté une sorte de géant aux pieds d'argile à l'homme d'affaires Jean-Charles Naouri. Cette reprise a occasionné 5 milliards d'euros de dettes effacées et 425 magasins, essentiellement des hypers, ont été cédés aux concurrents Auchan et Intermarché. Le siège de Saint-Étienne a été préservé.

Franceinfo : On peut dire que vous avez pris les rênes d'un groupe immense, mais malade, avec des salariés profondément meurtris et inquiets. Diriez-vous qu'un an après, ça va mieux, les plaies sont refermées et les salariés rassurés ?

Philippe Palazzi : La restructuration du groupe Casino a eu trois phases en 2024. La première était la restructuration financière, avec la dette, ce qui a permis de sauver le groupe. La deuxième restructuration a été une restructuration managériale. Nous avons changé le comité de direction du groupe.

Vous avez changé quasiment tous les managers.

Nous avons mis les commerçants à la tête du groupe pour se transformer. Le troisième bloc de cette transformation a été une transformation commerciale avec la création d'une stratégie et en recentrant le groupe sur la proximité.

Cette restructuration est-elle terminée, il n'y aura pas de nouveaux magasins cédés ?

Nous avons cédé l'entièreté du parc hypermarchés et supermarchés. Plus de 425 magasins ont été cédé à des concurrents dans la grande distribution. Donc nous sommes aujourd'hui le leader de la petite distribution avec les 7 700 points de vente répartis sur tout le territoire en France.

Nous n'investirons plus dans les hypermarchés, c'est une évidence. Mais un parc, c'est quelque chose de vivant. Il y a des magasins qui entrent, des magasins qui sortent. Cette année, dans le parc de proximité, nous avons ouvert 180 magasins de petite taille, de proximité, et nous en avons fermé plus de 500.

Vous avez présenté il y a quelques mois un plan stratégique avec à la clé 1,2 milliard d'euros d'investissement. Précisément, à quoi va servir cet argent ?

Quelques mots sur la stratégie pour vous expliquer les investissements. Le groupe se recentre sur le commerce de proximité. C'est une stratégie de développement auquel je crois profondément. Elle s'articule autour de trois axes principaux. Le premier qui est de nous positionner là où le marché s'est déplacé, c'est-à-dire sur le commerce de proximité. On voit que les hypermarchés ne fonctionnent plus. En province, c'est plus de 20 minutes de transport pour aller faire ses achats, donc, il est important d'avoir un commerce à proximité. Le deuxième axe, c'est de s'appuyer sur des marques qui sont connues et reconnues. Vous les avez citées, je n'y reviens pas. Et le troisième point, qui est essentiel, c'est de nous appuyer sur nos franchisés et nos salariés qui sont vraiment derrière notre stratégie et qui croient en cette stratégie qui commence à la mettre en place en ce moment.

"85% de nos magasins sont déjà des magasins franchisés."

Philippe Palazzi

sur franceinfo

Vous allez rénover les magasins avec de nouveaux services à la clé. Vous parlez "d'économie de la flemme". Pouvez-vous nous préciser votre idée ?

Je vous donne l'exemple du centre-ville. Les gens ne veulent plus se déplacer, ils préfèrent regarder sur leur téléphone portable pour savoir si le magasin est ouvert à côté de leur domicile. Et donc, on est vraiment dans cette économie et nous sommes prêts.

"Nous faisons du commerce de voisinage, nous servons notre voisinage en offrant bien sûr les produits du quotidien, donc nous sommes le garde-manger du voisinage."

Philippe Palazzi

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Nous avons également des services. Vous pouvez retrouver des services de colis. C'est nouveau, nous le mettons en place. Je vous donne un exemple concret, pendant les Jeux olympiques, nous avons gardienné 11 000 bagages des touristes qui venaient à Paris pour les Jeux olympiques.

Donc, on ne vient plus seulement pour acheter dans un magasin, on veut des nouveaux services, ça permet de tout faire en bas de chez soi, en fait ?

Exactement. Et nous développons aussi un autre point qui est essentiel, une clé de développement pour nous, qui est la restauration à emporter.

Vous voyez que les gens n'ont plus le temps ou la flemme de cuisiner et qu'il faut qu'il y ait du snacking, c'est quelque chose qu'il faut développer ?

En fait, nous voyons que nos clients viennent très régulièrement, ils achètent moins. Le commerce de proximité permet aussi de gérer son budget. On dépense moins dans le commerce de proximité. Pourquoi ? Parce que l'on vient acheter ce dont on a besoin, donc on évite de jeter de la nourriture. Et puis on est tous hybrides, c'est-à-dire que l'on peut à la fois cuisiner, on peut acheter ses produits, mais également, on peut acheter des plats déjà préparés, à emporter, de bonne qualité, que l'on consomme à son bureau ou alors chez soi à son domicile.

Mais ça, c'est plutôt vrai dans les centres-villes, tout le réseau, notamment de Monoprix et Naturalia qui font partie du groupe Casino. Ce n'est pas vrai dans le réseau de supermarchés que vous avez plutôt en zone rurale.

C'est la même chose, avec une clientèle différente. Il faut savoir qu'il y a 20 000 communes en France qui n'ont pas de commerces, donc ça oblige les gens à se déplacer.

Sachant qu'il y a un tiers de la population qui habite en zone rurale.

Exactement, et la population vieillit, donc elle ne peut pas se déplacer. Il faut leur apporter du commerce. Et elles ont besoin à la fois justement de ces courses du quotidien, mais aussi des services, donc des plats cuisinés, des repas déjà préparés. Et donc c'est ce que nous offrons au travers de notre commerce de proximité en zone rurale.

Vous avez décidé de tester un nouveau concept qui est une sorte de supermarché ambulant. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

Nous avons lancé en test dans la Loire une camionnette de livraison, comme juste après guerre. Je trouve que c'est une vraie innovation. Pourquoi ? Parce que ça, c'est de l'ultra proximité. C'est-à-dire qu'on palie au manque de commerces dans le monde rural avec une camionnette, on entend le klaxon à l'entrée du village. Elle vient se positionner pour une heure et vous pouvez faire vos courses du quotidien, pour les personnes âgées. Cela permet de garder nos anciens autonomes et de pouvoir continuer à vivre dans leur maison, dans leur village, là où elles ont leurs racines. Et ça, c'est important.

C'est quelque chose que vous avez commencé à tester au mois de décembre. Pensez-vous le développer, le généraliser ou, en tout cas, faire en sorte que ce ne soit pas juste dans un seul supermarché dans la Loire ?

On a un très bon retour de la population. On a un très bon retour des maires aussi qui sont favorables à réhumaniser les campagnes, à réhumaniser les villages. Ils sont vraiment demandeurs de cette camionnette que l'on rattache à un magasin existant. Avec l'exemple dans la Loire de Corentin, donc, qui est propriétaire d'un Vival et qui a également cette camionnette et qui parcourt une dizaine de villages avoisinants sa supérette.

L'idée c'est aussi d'avoir de nouveaux services dans ces magasins de proximité, en zone rurale, notamment, de pouvoir "retirer de l'argent" ?

C'est un très bon exemple. On s'aperçoit qu'il y a de moins en moins de distributeurs automatiques de billets, on n'en trouve plus. Donc, on met en place un système qui fonctionne très bien, c'est-à-dire que vous faites vos achats pour 10 euros par exemple, vous payez 50 euros en carte bleue et le commerçant vous rend 40 euros, ce qui vous fait de l'argent liquide. Et ça compense vraiment ce manque de distributeurs automatiques de billets. C'est une vraie demande en province de la clientèle.

Le nerf de la guerre, ça reste quand même les prix. Casino était connu pour pratiquer des prix bien au-dessus de ses concurrents, de 20% au-dessus de mémoire. Les étiquettes sont-elles revenues à un niveau raisonnable chez Casino ?

Depuis notre arrivée fin mars à la tête du groupe, donc, j'ai baissé les prix de 300 produits du quotidien chez Monoprix. Nous avons fait de même chez Franprix. Nous nous sommes associés, à l'achat, avec Intermarché et Auchan, pour acheter mieux et continuer à baisser nos prix.

"Je vous annonce aussi que nous allons lancer cette année une gamme de 150 articles de petits prix à la marque tous les jours et qui seront communs à toutes les marques du groupe Casino."

Philippe Palazzi

sur franceinfo

Sauf qu'on est en pleine négociation commerciale jusqu'au 1er mars. Pensez-vous que les prix peuvent encore baisser de façon importante chez Casino ? Y a-t-il une marge importante ?

Nous allons encore baisser nos prix. Nous avons une double responsabilité quand nous sommes distributeurs. La première, c'est bien évidemment de défendre le pouvoir d'achat de notre client. Et le deuxième pendant, c'est également d'aider économiquement les producteurs, et ça, j'y suis très attaché, les producteurs locaux. Nous constatons cette année que les grands industriels nous apportent des hausses de prix. Donc nous nous battons pour baisser ces prix. Vous avez beaucoup d'inflation sur le café, sur le chocolat, donc il y aura de l'inflation encore cette année en France sur ces produits-là.

Donc pas sur d'autres produits et notamment sur les produits du quotidien.

Cette inflation est concentrée sur certains produits et nous devrons avoir une stagnation ou une légère déflation sur d'autres produits qui servent le quotidien des Français.

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