"Aujourd'hui la source d'énergie qui a le plus d'avenir en France, ce sont les grandes centrales solaires : il y a de la place et c'est bien accepté", affirme le PDG de Neoen Xavier Barbaro
Neoen est l'un des leaders du solaire en France, et son PDG appelle la France à "déverrouiller le formidable potentiel photovoltaïque qui existe dans ce pays". "On pourrait faire deux fois plus de solaire en France", assure Xavier Barbaro, qui pointe les barrières administratives.
Xavier Barbaro est le PDG de Neoen, entreprise spécialisée dans le solaire, l'éolien terrestre et le stockage en batterie. Avec 440 salariés, la France aujourd'hui est son deuxième marché, derrière l'Australie. Et alors que l'entreprise change d'actionnaire, avec un rachat en cours par le fonds canadien Brookfield, le PDG y voit un intérêt bénéfique des investisseurs étrangers pour les entreprises françaises.
Franceinfo : Depuis la semaine dernière, des professionnels du secteur du photovoltaïque sont remontés contre un projet de décret du gouvernement, qui prévoit une baisse des aides publiques pour les petites installations, comme les panneaux solaires sur les bâtiments des agriculteurs ou sur les parkings. Neoen travaillant sur de plus grosses structures, vous n'êtes pas concerné. Mais comprenez-vous leur colère ?
Je comprends leur colère puisqu’on peut regretter ces mouvements soudains. Le stop-and-go (alternance de mesures de freinage et de relance) est malheureusement une des caractéristiques souvent des politiques françaises. Il y a un débat tout à fait légitime, c'est normal que le gouvernement revoie régulièrement ses options énergétiques et ses politiques de subventions. Je rappelle que Neoen n'est pas concerné puisque nous nous faisons des centrales qui sont intrinsèquement compétitives, donc sans soutien public. Mais pour des acteurs des toitures qui ont, je pense, leur place dans le mix énergétique, c'est normal de réagir assez vivement quand on leur dit du jour au lendemain que le cadre réglementaire dans lequel ils travaillent va être complètement changé.
Ça donne un mauvais signal au secteur ?
Ça donne à la fois un mauvais signal en termes de soudaineté, ça donne quand même un signal, je pense, légitime en termes de revue des politiques publiques. C'est normal que sur des sujets qui nécessitent des subventions - l'hydrogène, les toitures solaires - le gouvernement, dans une période où on a besoin de concentrer notre budget sur les sujets les plus utiles, les plus efficaces, revoit ce genre de politique régulièrement.
Le président de la République, la semaine dernière, a dit "plug baby plug" en référence au "drill baby drill" de Trump. Autrement dit, il souhaite investir à fond dans notre énergie pour attirer les entreprises. Ne parlait-il que du nucléaire ou vous êtes-vous senti concerné ?
On se sent archi concerné, chez Neoen. On alimente déjà aujourd'hui dans d'autres pays que la France des data centers, que ce soit Google, que ce soit Equinix, en Finlande, en Suède, en Italie, et dans d'autres pays bientôt.
"On a vocation en France à fournir cette énergie compétitive, décarbonée et disponible à des clients comme ceux de la data et de l'intelligence artificielle."
Xavier Barbaro, PDG de Neoenà franceinfo
Aujourd'hui, en France, il y a une relance du plan nucléaire et je pense qu'on peut s'en féliciter. Neoen n'est absolument pas antinucléaire, mais ça va prendre dix ou quinze ans.
Vous qui êtes spécialiste du solaire, de l'éolien terrestre et du stockage de l'énergie, ce n'est pas le nucléaire aux dépens des énergies renouvelables ?
Non, le renouvelable et en particulier Neoen ont déjà démontré qu'ils étaient une des solutions pour alimenter ces data centers. Donc les milliards d'euros, et même les dizaines de milliards, d'investissements en France qui ont été annoncés par le président de la République ont vocation à nous créer un marché. Et on est probablement la meilleure réponse dans les dix ou quinze prochaines années, avant l'arrivée de nouveaux réacteurs nucléaires. Si on veut aujourd'hui venir faire des investissements en France, créer des data centers, il faut qu'il y ait aussi de l'électricité verte disponible et on est capable de la fournir.
Mais on entend quand même une réticence de plus en plus importante des politiques français, notamment sur l'éolien terrestre. Cela se traduit-il sur le terrain avec des permis plus difficiles à obtenir ?
Oui, on le sent vraiment. Il faut aujourd'hui littéralement dix ans pour obtenir un permis éolien en France. Parfois pour des bonnes raisons. Parfois, certains acteurs ont abusé et ont été un peu trop envahissants. Je pense qu'il faut savoir entendre les messages qu'on nous envoie. Chez Neoen, on fait essentiellement du solaire en France. On le fait bien, on le fait de manière consensuelle, c'est bien accepté. On fait aussi de l'éolien là où ça se passe bien. On n'est pas des forcenés de l'éolien. Je pense aujourd'hui que la source d'énergie qui a le plus d'avenir en France, ce sont les grandes centrales au sol. Il y a de la place, c'est bien accepté, c'est compétitif, ça crée de l'activité économique pour des entreprises françaises. Je pense qu'aujourd'hui c'est ça le vrai cheval de bataille.
Aujourd'hui vous pensez développer le solaire, notamment en France ?
On le fait déjà. On a environ un demi-milliard d'euros d'investissements chaque année qui sont décidés chez Neoen dans du solaire en France. On pourrait faire deux fois plus facilement s'il y avait un peu moins de barrières administratives. Aujourd'hui, ces barrières, elles nous limitent en termes de volume. Elles nous empêchent aussi d'ailleurs d'être aussi compétitifs que ce qu'on pourrait être.
"Aujourd'hui, c'est paradoxal, le solaire en France coûte 20% plus cher qu'en Allemagne, où il y a pourtant moins de soleil. Moi, je suis capable de faire du solaire en Suède, moins cher qu'en France."
Xavier Barbaroà franceinfo
Comment ça s'explique ?
Parce que là-bas, on nous laisse lancer des projets plus rapidement, de grande taille, sans nous mettre de la complexité administrative, qui représente un coût. Et donc aujourd'hui, c'est dommage qu'on ne sache pas en France finalement déverrouiller le formidable potentiel photovoltaïque qui existe dans ce pays.
Vous êtes en train d'être racheté par un fonds d'investissement canadien, Brookfield, qui a été dans l'actualité. Il a annoncé 20 milliards de dollars d'investissements à venir dans les data centers et dans l'intelligence artificielle. Qu'est-ce que ça va vous permettre, à vous qui êtes un "pure player" des énergies renouvelables ?
Ça va nous permettre d'accélérer. On peut se réjouir, évidemment d'avoir Brookfield et d'autres actionnaires comme le fonds singapourien Temasek. Ils vont nous permettre d'aller plus vite, en particulier en France. Parce qu'ils ont du capital, parce qu'ils ont aussi la capacité à nous apporter des clients en investissant massivement dans les data centers. C'est aussi un super message pour la France. Ça montre qu'aujourd'hui il y a des investisseurs étrangers qui veulent investir en France, dans des entreprises françaises, et pour qu'elles se développent en particulier, en plus sur leur marché domestique.
Mais vous allez quitter la Bourse de Paris. Allez-vous passer sous pavillon canadien, que vous faites partie de ces pépites françaises qui passent sous pavillon étranger ?
La géographie du capital d'une société est évidemment un paramètre important, mais ce n’est pas ça qui nous définit uniquement. Je rappelle que même en étant cotées à la Bourse de Paris, on avait déjà beaucoup d'actionnaires étrangers. Donc ça ne va pas nous dénaturer. Au contraire, je trouve que c'est un bon signal. J'ai eu l'occasion d'en parler par exemple avec Business France qui nous dit : "Vous serez une entreprise française à capitaux étrangers." Je pense que c'est une bonne définition.
Vous allez tout de même devenir une entreprise canadienne demain.
En tout cas, on sera une entreprise qui investira encore plus en France demain. Et je pense que c'est ça qui est finalement le vrai marqueur de ce qu'on peut apporter à la France, à travers la capacité de Neoen à développer de nombreux projets en France et avec un actionnaire qui est ravi de les financer.
Le continent américain représente 11% de votre chiffre d'affaires aujourd'hui. Voyez-vous un changement dans les investissements dans les énergies renouvelables depuis l'investiture de Donald Trump aux États-Unis ?
Nous sommes au Canada et en Amérique latine. Les États-Unis sont un marché qu'on regarde en particulier pour aller faire du stockage, qui est un des marqueurs de l'activité de Neoen. Je pense qu'on a vocation, un jour, à aller aux États-Unis pour y déployer nos batteries, pour justement venir équilibrer la production solaire ou éolienne qui existe déjà massivement aux États-Unis. On voit, autour de nous, qu'il y a un vrai questionnement dans les acteurs qui sont déjà présents sur place. Je pense qu'il ne faut pas que ça nous fasse peur, au contraire. Donald Trump ou pas, le renouvelable a montré sa pertinence, sa capacité à faire partie du mix et à le faire encore plus à l'avenir qu'aujourd'hui. Je pense que pour nous, c'est un vrai marché et dans ces moments un peu difficiles, dans ces moments un peu darwiniens, c'est probablement pour nous le meilleur moment pour accélérer.
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