"Airbnb est un des acteurs principaux de l'attractivité des communes dans les territoires français", affirme son directeur pour la France et le Bénélux

Depuis plusieurs semaines, Airbnb est au cœur des controverses. Alors que l'entreprise s'apprête à évoluer, le directeur France et Benelux d'Airbnb Clément Eulry décrypte l'actualité de l'entreprise.

Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 12min
Clément Euly, le directeur France et Benelux d'Airbnb (Radiofrance / franceinfo)
Clément Euly, le directeur France et Benelux d'Airbnb (Radiofrance / franceinfo)

Clément Eulry est directeur France et Benelux d'Airbnb qu'on accuse vraiment de tous les maux : surtourisme, pénurie de logements, flambée des loyers, concurrence déloyale entre autres.

franceinfo : Ce qui doit plus encore vous ennuyer, j'imagine, ce sont les actions concrètes anti Airbnb. On va évidemment les évoquer. Mais d'abord, votre sentiment. Est-ce que c'est à chaque fois une mauvaise surprise supplémentaire ? 

Clément Eulry : Ce qu'il faut quand même rappeler c'est que neuf logements sur dix loués sur Airbnb et en location lieu de tourisme en France, ce sont de la location occasionnelle, c’est-à-dire des résidences principales ou des maisons de famille qui sont louées par leurs propriétaires quand ils n'y sont pas, ou des chambres chez l'habitant quand ils y sont d'ailleurs. Donc qui, par définition, ne sont que bénéfice pour l'entièreté des parties prenantes : les hôtes qui génèrent un pouvoir d'achat complémentaire, les voyageurs qui vont au plus près de là où ils veulent être pendant leurs vacances, les collectivités locales qui génèrent de la taxe de séjour, les commerces qui en bénéficient. C'est ça qui est important. C'est ça qu'on doit préserver, qu'on doit même inciter à développer.

Oui, mais vous ne me répondez pas sur votre sentiment.

Mon sentiment, c'est qu'on a tous intérêt à travailler au développement de cette activité quand elle est en particulier occasionnelle.

Alors pourtant, c'est peut-être sur l'île d'Oléron, en Charente Maritime, que votre plateforme américaine a reçu le tout dernier coup de griffe, comme aux Sables d'Olonne désormais. Les propriétaires touchent de l'argent pour vous retirer leurs biens et puis le proposer à la location à l'année. Est-ce que cette formule pourrait faire tache d'huile ? 

Ce que j'ai toujours dit, c'est que premièrement, encore une fois, neuf logements sur dix, c'est la location occasionnelle. Deuxièmement, il y a en effet quelques quartiers, des communes dans lesquelles il y a une tension de logement particulière. Et dans ce cadre-là, permettre au maire de prendre des mesures adaptées et ciblées sur ceux qui font de l'investissement locatif. Ils ont le droit de faire un investissement locatif, mais les inciter à faire de l'investissement locatif de longue durée, c'est une bonne idée. Donc ciblons dans les communes les quartiers qui en ont besoin, qui sont en tension particulière, les investisseurs pour les inciter à faire de la location longue durée. Voilà, encore une fois, c'est une activité qui permet d'accueillir des touristes, de générer du pouvoir d'achat.

Je comprends, mais vous évoquez quelques quartiers mais dans le monde entier il y a de moins en moins de villes où vous êtes bienvenus, voire autorisés, et la palette d'outils utilisés est large. Il y a d'ailleurs, il faut le signaler, beaucoup de créativité dans ce domaine. La France, par exemple, s'est carrément dotée d'une loi l'an dernier pour durcir la fiscalité de vos locations. Alors, ce sera dans les déclarations de revenus l'an prochain, mais c'est déjà applicable dès cette année. Quels en sont les effets ? Qu'est-ce que vous voyez ? 

Ce que je remarque dans l'ensemble des villes qui prennent des mesures très strictes contre la location de tourisme pour des raisons de logement, et bien en fait, la situation du logement ne s'est pas améliorée. Prenez Paris : depuis 2017, des mesures strictes ont été prises contre la question du tourisme. Qu'est-ce que je remarque ? C'est que, rien que sur les cinq six dernières années, les prix des loyers ont continué d'augmenter - plus 21 % - les prix au mètre carré ont continué d'augmenter - plus 19 % je crois - il n'y a pas un seul bien sur le marché qui est revenu pratiquement,

"La crise du logement et malheureusement toujours aussi forte"

Clément Eulry

franceinfo

Et dans le même temps, la destination Paris pour les touristes continue de s'enchérir. Les prix des hôtels ont pratiquement doublé depuis cinq ans. Donc moi j'appelle à des mesures ciblées sur les investisseurs pour les inciter à faire de la location de longue durée et continuer de développer cette location occasionnelle qui encore une fois est l'écrasante majorité de l'activité. Nous, vous savez ce qu'on cherche à faire : c'est permettre aux voyageurs de vivre une expérience de séjour authentique.

Alors autre pays, autre exemple, et évidemment où les voyageurs se précipitent : l'Espagne ultra-touristique, qui vient de vous condamner à retirer plus de 66 000 annonces jugées illégales. Mais vos soucis, en fait, avaient commencé à New York chez vous, vous êtes une plateforme américaine. New York, qui a presque interdit cette fois la location courte durée.

Sans aucun résultat d'ailleurs, c'est pour ça qu'ils se posent la question de revenir dessus.

Oui, mais enfin 40 000 petites annonces en 2020 et puis aujourd'hui, presque rien, 5000. Est-ce que dans l'ensemble, vous avez été imprudent ? Est-ce que vous avez fait trop confiance à ce modèle ?

Je continue de faire confiance au maire sur le fait qu'il prenne des mesures qui, concrètement, bénéficient à l'ensemble de leurs concitoyens. Cela signifie permettre le pouvoir d'achat. Cela signifie permettre l'accueil touristique de façon dispersée. Vous savez, quand on est présent dans 29 000 communes sur 36 000 en France, quand on est présent dans 99 % des codes postaux en Ile de France, nous sommes l'acteur numéro un de la dispersion touristique, l'acteur numéro un ou un des acteurs principaux du complément de pouvoir d'achat, 3 900 € brut par an. On a tous intérêt à trouver cet équilibre et à le conserver sans mesures de diversion. Ce que je souhaite, ce sont des mesures efficaces. C'est d'ailleurs pour ça, quand je suis arrivé, que j'ai ouvert les données à l'ensemble des maires pour qu'ils puissent prendre des mesures informées. C'est l'objectif, c'est de permettre aux autres de générer du pouvoir d'achat. C'est de permettre aux voyageurs de trouver des expériences uniques et authentiques.

Manifestement, vous êtes un peu incompris. En tous les cas, vous avez une réponse à l'échelle mondiale et là, vous faites un virage en épingle à cheveux : vous allez devenir une plateforme de réservation de services et d'expériences. Est-ce que ça ressemble à quelque chose qui serait entre une conciergerie et un office de tourisme ?

C'est étoffer ce qu'est Airbnb. Et Airbnb est connu pour ses hébergements. On peut réserver un hébergement qu'on loue au plus près de là où on veut être et on a l'expérience authentique pour ça. On ajoute à ça la capacité à réserver en effet des expériences que vous allez vivre avec un hôte local qui va vous faire vivre la destination.

Exemple ?

Par exemple, une guide de canyoning, qui le fait depuis dix ans, qui va vous permettre d'aller visiter les belles gorges d'une source dans les Pyrénées par exemple, ou un tailleur de pierre à Paris avec qui j'ai encore passé du temps hier. C'est ça qu'on va faire. Ou des services qui vont permettre de faciliter votre vie : un chef à domicile, un coiffeur, un photographe. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire la capacité à vivre cette expérience de voyage au plus près de l'authenticité du réel et du coup de vraiment vivre dans le réel.

Je vous interromps un instant, parce que vous aviez déjà tenté d'offrir ces expériences, les clients étaient vraiment déçus.

Ce que je voulais dire, c'est que là on réinvente.

"Quelle est la meilleure vitrine en France ? Des territoires ruraux jusqu'à Paris ? Il y en a deux. C'est Airbnb et c'est le Tour de France."

Clément Eulry

à franceinfo

Vous vous étiez arrêtés dans tous les cas.

Le covid étant passé par là, il y a eu en effet un passage, au milieu. La réinvention de ces expériences, c'est quoi ? C'est en fait baser autour de ce qui fait la destination. C'est ça qu'on fait vivre. Qu'est ce qui fait la destination ? Ce sont ces hôtes, ceux qui ont une expertise particulière : le vigneron près du Mont Ventoux qui va vous faire découvrir son activité, sa passion.

Mais vous pensez que c'est fini le business qui était vraiment juteux, de la location touristique brute. Ça, c'est terminé ?

Ce qui continue, c'est le fait que quand vous cherchez un voyage sur Airbnb, vous cherchez une expérience authentique, ancrée dans la destination dans laquelle vous êtes. Ce que vous avez envie de faire quand vous êtes dans un village en France, c'est de découvrir la vie dans ce village avec des hôtes. C'est aussi pour ça d'ailleurs qu'on s'associe au Tour de France, je suis très fier de ce partenaire qu'on vient d'annoncer. Quelle est la meilleure vitrine en France ? Des territoires ruraux jusqu'à Paris ? Il y en a deux. C'est Airbnb et c'est le Tour de France. Et du coup, c'est pour ça qu'on s'associe le Tour de France

Je vois que vous êtes impatients de pédaler. On va y arriver. Mais d'abord, vous avez souvent expliqué être un simple complément du système hôtelier, pas un concurrent. Et ce discours-là, on a le sentiment que c'est du passé face à une croissance ralentie. D'ailleurs, votre cofondateur de la plateforme, Brian Spassky, qui était de passage à Paris il y a quelques jours, l'a dit : il faut aller chercher des parts de marché chez des hôteliers qui offrent précisément tous ces services que vous évoquiez et qui vous manquaient. Donc maintenant, vous êtes un concurrent direct des hôtels ?

Je pense qu'on le voit tous les jours. Les usages diffèrent. Et donc du coup, les clients choisissent l'hébergement qui leur sied le plus. Quand on est une semaine en famille, en vacances, avec deux enfants par exemple, il est plus pratique d'avoir une cuisine et des chambres autour. Il y a une complémentarité très claire d'usage, sans parler de la complémentarité des territoires. Un Airbnb dans 29 000 communes, les hôtels, c'est 5000 communes. Donc il y a une complémentarité qui est très claire.

En parlant de communes, vous devenez partenaire du Tour de France cycliste pour les trois années à venir. Ça veut dire que vous jetez l'éponge dans les grandes villes ? Vous, votre avenir, ce sont les petits coins de campagne maintenant ?

Un tiers des réservations réalisées sur Airbnb en France sont des communes de moins de 4500 habitants. Airbnb est l'acteur numéro un ou un des acteurs principaux de l'attractivité de ces territoires dans l'ensemble des territoires français. L'autre grand acteur de cette attractivité des territoires, c'est le Tour de France. Donc il y a une association qui est absolument naturelle. Qu'est-ce qu'on peut faire avec le Tour de France ? De façon commune, on veut premièrement rendre encore plus de visibilité à ces territoires et deuxièmement, faire vivre la Grande Boucle de façon encore plus unique, avec des expériences uniques. 

Et votre système Airbnb, évidemment. 

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