Les manifestations syndicales peuvent changer la politique

Les grandes manifestations de 1934 ou encore de 1968 ont été suivies d'effets sur la scène politique, comme le rappelle Fabrice d'Almeida.

Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Manifestation "contre l'austérité", le 18 septembre à Limoges. (THOMAS JOUHANNAUD / MAXPPP)
Manifestation "contre l'austérité", le 18 septembre à Limoges. (THOMAS JOUHANNAUD / MAXPPP)

Jeudi 18 septembre, la grande journée de mobilisation syndicale a été assez fortement suivie : entre 500 000 et un million de personnes ont défilé en France. Les syndicats ont même lancé un ultimatum au Premier ministre sur sa politique et annoncent de nouvelles journées d’action. En France, de grandes mobilisations syndicales peuvent modifier le cours de notre histoire. Trois grands exemples illustrent cette capacité de transformation du monde syndicale.

Le premier, nous ramène 90 ans en arrière, le 12 février 1934. Ce jour-là, à l’appel de la CGT est organisée une grande manifestation contre le fascisme. Le but est de montrer que les émeutiers du 6 février 1934 ne tiennent pas la rue. Et surtout de pousser les forces gauches à s’unir. Les socialistes de Léon Blum acceptent de se joindre au mouvement, puis les communistes et même les syndicalistes dissidents de la CGTU. La manifestation est un immense succès. Toutes les forces populaires de gauches se rassemblent. Emporté par l’élan, le leader socialiste prend la parole pour célébrer l’unité.

De fait, après cette manifestation, les deux CGT se rapprochent et s’unissent. Elles ouvrent la voie à la coalition électorale du Front populaire avec les radicaux au centre, les socialistes et les communistes. Ce réveil bloque la montée en puissance des ligues dont la plus importante, les Croix de feu, ne parviennent pas à triompher dans les urnes. Et bientôt ces ligues sont interdites et doivent se transformer en partis politiques classiques.

Le réveil d'une gauche sociale

La maturation a été plus lente en mai 1968. Toutefois, elle réveille une gauche sociale. Un leader essaye de se rendre plus visible à la faveur des événements : François Mitterrand. Certes, durant les événements, il est moqué pour son ambition. Mais vu de loin, 1968 ouvre la voie vers l’alternative socialiste. Le PS dès 1968 devient le NPS et ensuite en 1971 change avec la convergence de Mitterrand et avec l’arrivée par la suite de la deuxième gauche rocardienne. C’est ce mouvement qui modifie la physionomie de la gauche et lui permet d’accéder aux affaires en 1981. On pourrait aussi évoquer la grande grève de décembre 1995, qui redonne une impulsion à la gauche plurielle et permet la victoire de Lionel Jospin aux législatives anticipées de 1997.

Depuis 2023 et l’opposition à la réforme des retraites, le front syndical paraît porteur d’une nouvelle logique populaire. En somme, ces mobilisations traduisent le désir d’une partie importante de la population de s’unir pour changer les équilibres politiques et économiques actuels. Une différence toutefois avec les grands exemples de 1934 ou de 1968 : aucun leader ne paraît se hisser à la hauteur des tensions de l’époque, comme en leur temps Blum ou Mitterrand les avaient compris.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.