Iran-Israël, de l’amitié à la guerre

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Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La révolution islamique de 1979 en Iran, point de bascule dans les relations avec l'Etat hébreu (KAIUS HEDENSTROM / EPU)
La révolution islamique de 1979 en Iran, point de bascule dans les relations avec l'Etat hébreu (KAIUS HEDENSTROM / EPU)

La géopolitique offre le visage de pays qui passent de l'amitié à la guerre en quelques décennies. C'est le cas de l'Iran et d'Israël.

Pour bien illustrer la complexité de cette relation, ce rappel d'un épisode oublié : en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale, en 1942-43, des Polonais, notamment juifs, parviennent à trouver refuge en Union soviétique, et Staline les laisse passer en Iran, où le Shah les accueille. Parmi eux, quelques centaines d’enfants orphelins juifs arrivent par train. Aussitôt, la communauté juive de Téhéran se mobilise. C'est l'une des plus anciennes communautés du bassin méditerranéen. L'Ancien Testament, dans la Bible, évoque déjà la captivité de Babylone imposée par les rois perses. Et l'islamisation du pays avait laissé ce groupe encore très présent. Le Shah Reza Pahlavi a amélioré leur statut, et Mohammad Reza Shah, son fils et héritier qui monte sur le trône en 1941, continue cette politique.

Les nouveaux venus vont, pour beaucoup d’entre eux, partir. Notamment les enfants, que l'on va désormais appeler les "enfants de Téhéran", passés en 1943 avec l'Agence juive en Palestine sous mandat britannique. Ces enfants grandissent avec le pays et assistent à la naissance d'Israël en 1948. Plusieurs entrent dans l'armée. L'un d'entre eux, Avigdor "Yanoush" Ben-Gal, devient général. Il commande les opérations pendant la guerre de 1967. À cette époque, les relations entre l'Iran et Israël sont bonnes. Bien que les représentants du Shah d'Iran n'aient pas été favorables à la création d'Israël en 1947, le régime monarchique reconnaît de facto Israël en 1950 et noue des relations très positives avec cet État sur les plans militaire, du renseignement et économique. Au fond, les deux pays s'entendent bien avec les États-Unis et doivent composer avec l'Union soviétique. Ce positionnement dans la guerre froide les rapproche.

Les Juifs d'Iran sont présents dans plusieurs secteurs économiques importants. Certains ont même fait fortune, quand d'autres mènent une existence très modeste. Quelques Juifs soutiennent le parti communiste iranien, le Tudeh, interdit, quand d’autres soutiennent le régime du Shah.

La révolution de 1979 change tout

Le nouveau régime de l'ayatollah Khomeiny prétend mener une révolution islamique. Et sa théologie ambitionne de s'appliquer à tout l'islam, chiite comme sunnite. Khomeiny définit un adversaire absolu : les Juifs. Israël, comme les États-Unis, est présenté comme l'ennemi de l'islam. Du jour au lendemain, la communauté juive d'Iran se vide. Seules quelques centaines de personnes restent dans le pays, avec une minuscule représentation politique, et elles doivent subir vexations et spoliations.

L'un des présidents iraniens, Mahmoud Ahmadinejad, pousse ce discours en allant jusqu'à considérer en 2012 que la naissance d'Israël bafoue les droits fondamentaux et s'appuie sur un génocide qu'il conteste. Il est ouvertement négationniste. Cette vision, qui établit une confusion entre Juifs et Israël, est colportée par le régime iranien pour galvaniser la population contre un ennemi absolu. Elle a aussi pour effet de soutenir des groupes engagés dans des actions terroristes contre des Juifs et des pays occidentaux. La France en fait les frais en octobre 1983 avec l'attentat du Drakkar à Beyrouth.

À l'inverse, vu d'Israël, l'Iran devient l'ennemi. Les relations sont rompues. Israël s'inquiète du programme nucléaire lancé par Téhéran, perçu comme un outil de menace et de chantage dans les relations internationales. Les attentats soutenus par l'Iran contre des communautés juives, dénoncées par Téhéran comme complices d'Israël, constituent un autre motif d'inquiétude. Enfin, le soutien et le développement par l'Iran de groupes militaires au Liban et en Palestine représentent un troisième motif d'affrontement.

On en est là aujourd'hui. L'arme nucléaire iranienne et la menace de voir ce pays devenir un arbitre régional expliquent la volonté israélienne de l'arrêter. Et ce d'autant plus qu'Israël espère voir chuter ce régime totalitaire. Les bombardements et les ripostes illustrent que le conflit, de larvé, est devenu ouvert.

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