Accusé de faire la promotion du régime taliban, l'influenceur Tibi Jones capitalise sur la défiance envers les médias
Tibi Jones, youtubeur habitué des zones de danger, est rentré de son séjour en Afghanistan. Sur les réseaux sociaux, son initiative a été soutenue par une partie de la jeunesse, mais il est aussi critiqué pour servir la propagande d’un régime répressif.
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Tibi Jones, de son vrai nom Thibault, a 26 ans et originaire de Cherbourg, s’est fait connaître sur YouTube et TikTok par ses vidéos à sensation dans des lieux jugés dangereux ou "interdits". Son créneau : filmer ce que peu de voyageurs osent montrer. Ses abonnés, près d’un demi-million, l’ont suivi dans des quartiers sensibles au Brésil, au Venezuela ou en Inde. Cet été, il a franchi un nouveau cap : mi-août, il a choisi de se rendre en Afghanistan, mais pas en simple touriste. Son voyage de dix jours s’est déroulé sous escorte des talibans, mouvement islamiste revenu au pouvoir à Kaboul en 2021. Tibi Jones a documenté son périple au quotidien sur ses réseaux sociaux, multipliant les vidéos. On le voit hilare, coiffé du chapeau traditionnel, attablé avec des combattants, Kalachnikov posée sur la table.
Polémique autour de la promotion du régime taliban
Rapidement, la polémique éclate : sur les réseaux comme dans les médias, l’influenceur est accusé de faire la promotion d’un régime liberticide, qui impose la charia et restreint sévèrement les droits des femmes et des minorités. Ses vidéos donnent à voir un quotidien paisible, presque joyeux, loin des témoignages recueillis par les ONG. Pour appuyer son propos, il filme, par exemple, un cabinet dentaire où exercent des femmes voilées, comme preuve que certaines Afghanes peuvent encore travailler. En story Instagram, il martèle que "le narratif Occidental n’a rien à voir avec le terrain."
Cette posture séduit une partie de son public. Certains internautes le félicitent pour son courage et pour avoir brisé, selon eux, une grille de lecture trop occidentale, voire islamophobe de l’Afghanistan. Cependant, ce contre-discours ne résiste pas à un rappel essentiel : l’ONU et de nombreuses ONG dénoncent une politique d’apartheid de genre, imposée par les talibans et assimilée à un crime contre l’humanité. Depuis 2021, les Afghanes sont exclues des lycées et des universités, interdites de travailler dans de nombreux secteurs, et réduites au silence dans l’espace public.
Des séjours "VIP" pour contrôler l'image du pays
Sur place, les conditions du voyage interrogent. Les autorités talibanes encouragent elles-mêmes ce tourisme d’influenceurs. Deux jeunes Afghans, bilingues et actifs sur Instagram, organisent depuis 2024 des séjours "VIP" pour créateurs de contenu étrangers : accueil à l’aéroport, confection de tenues traditionnelles, repas, visites encadrées. Une manière de contrôler l’image du pays tout en évitant les journalistes indépendants, davantage critiques. Un pari gagnant : les vidéos circulent, mais sans contradictoire. Tibi Jones n’est, d'ailleurs, pas le premier à en bénéficier. En mars 2025, le youtubeur canadien Nolan Saumur, alias "Seal on Tour", a lui aussi vanté "l’autre visage de l’Afghanistan", allant jusqu’à surnommer ses guides armés ses "Talibros".
De retour en France à la fin du mois d'août 2025, Tibi Jones a répliqué aux critiques. Dans une vidéo, il dénonce un "acharnement médiatique" et accuse les journalistes de chercher le sensationnalisme, tout en rappelant qu’ils sont financés par des subventions de l’État. Il revendique une démarche sincère : rapporter la réalité du terrain, montrer la pauvreté et donner une voix aux Afghans ordinaires. En s’appuyant sur la défiance envers les médias traditionnels, il joue aussi une carte stratégique : transformer la controverse en audience.
Globe-trotters 2.0
L’affaire Tibi Jones dépasse son seul voyage. Elle illustre, en réalité, le phénomène plus large des globe-trotters 2.0 qui explorent des zones de conflit ou des territoires interdits pour les filmer sur YouTube. Ces influenceurs empruntent certains codes du reportage : immersion, témoignages, dépaysement, mais s’affranchissent des règles déontologiques qui encadrent la presse comme la vérification des faits, l'indépendance et la pluralité des sources qui sont autant d’éléments absents de leur démarche.
Finalement, Tibi Jones capitalise sur la méfiance croissante envers les médias pour asseoir sa notoriété. Une stratégie efficace en termes de vues, mais qui pose une question de fond : à force de brouiller la frontière entre information et mise en scène, ces nouveaux voyageurs ne risquent-ils pas de devenir, malgré eux, les vitrines d’un régime oppressif ?
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