"L'exploration Tara : en route vers le Grand Nord" (2/6) : une station spatiale dans la banquise
En octobre 2024, le bateau est mis à l’eau. Il est temps pour les scientifiques qui partiront dans le Grand Nord de découvrir les futurs laboratoires, dans les entrailles de la Station.
Le 4 octobre 2024, après un léger report dû à une fuite, la Tara polar station a été mise à l'eau à Cherbourg, marquant son passage de la terre ferme à la mer. L'événement a été chargé d'émotion pour les ouvriers du chantier naval CMN, qui ont exprimé leur fierté de voir flotter ce bateau atypique. Ce navire gris en aluminium, ovale, égayé de quelques bandes oranges aux couleurs de la Fondation Tara Océan, mesure 26 mètres de long sur 16 mètres de large. Conçu comme une station dérivante pour la recherche scientifique, sa structure extérieure est désormais achevée, mais son intérieur ressemble encore à une "coquille quasi vide", en attente de ses aménagements et moteurs.
Dans ce deuxième épisode du podcast, le navire est alors amarré au port de Cherbourg pour de longues semaines d'aménagement et de finitions, avant une série d'essais à quai et en mer, prévus avant sa livraison fin 2024. Parallèlement à ces travaux techniques, le programme scientifique, cœur du projet pour les 20 prochaines années, progresse activement. En décembre 2024, une quarantaine de scientifiques français, européens et canadiens se sont réunis à Cherbourg pour affiner les objectifs de recherche, définir le matériel nécessaire, et planifier concrètement le travail à bord. La phase de réflexion sur les questions de recherche précises, l'échantillonnage, le stockage et l'analyse à bord, ainsi que la répartition des rôles pour les missions, est en cours de finalisation, signalant l'approche de la première dérive.
Une conception révolutionnaire pour la science arctique
La conception de la Tara polar station vise à révolutionner l'exploration arctique en permettant le travail scientifique même au cœur de l'hiver polaire. Un élément clé de cette innovation est la moon pool, un puits central d'un mètre de diamètre qui offrira un accès direct à la mer non gelée, sous la banquise, même en pleine nuit polaire. Cela permettra le déploiement de véhicules sous-marins motorisés pour étudier la topographie sous-marine et les microcosmes se développant sous la glace. Contrairement aux bateaux traditionnels, le navire sera encastré dans la glace, lui permettant de "suivre la glace" tout en conservant cet accès vital à l'eau, rendant possibles des études impossibles auparavant. Les scientifiques ont pu visiter des espaces comme les laboratoires humides et secs, ainsi qu'une chambre froide essentielle pour le stockage des carottes de glace, bien que la question de la capacité de stockage reste ouverte.
La vie à bord de la Tara polar station est comparée à celle de la Station spatiale internationale (ISS), un "vrai labyrinthe" d'isolant, de câbles et de tuyaux. Les critères de sélection de l'équipage sont stricts, à l'image des astronautes, exigeant des qualités techniques, physiques, mentales, psychologiques et sociales, notamment une forte capacité à vivre en groupe. Les missions hivernales, qui n'embarqueront que 12 personnes (dont les marins), se dérouleront en grande partie durant la nuit polaire, dans une obscurité quasi totale, avec des températures extérieures pouvant atteindre -40 degrés, et un ressenti de -80 degrés avec le vent. Le travail extérieur est extrêmement difficile et exigeant, demandant des précautions pour éviter les engelures rapides. Malgré ces conditions extrêmes et la perspective de missions de huit mois, voire un an en incluant la préparation, certains scientifiques se disent excités et inspirés par la visite du navire.
L'environnement arctique, bien que souvent perçu comme un désert blanc, est en réalité riche en vie et en variations de lumière et de couleurs pour ceux qui savent regarder. Les scientifiques étudieront la faune, les processus microbiologiques, et le relief unique formé par les crêtes de pression de la glace. La diversité des environnements, malgré la simplicité apparente du "blanc, de l'eau et du bleu", est jugée fascinante. Avant d'affronter cette immensité polaire, la Tara polar station poursuivra ses aménagements à quai pendant plusieurs mois.
"L'exploration Tara : en route vers le Grand Nord", Un podcast de six épisodes en immersion à bord de la Tara polar station avec les journalistes de franceinfo Olivier Emond, Anne Le Gall et Boris Hallier, en partenariat avec la Fondation Tara Océan. À retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.
Production : Olivier Emond, Boris Hallier et Anne Le Gall | Réalisation : Marie Plaçais | Coordination : Pauline Pennanec’h | Prise de son : Hélène Langlois, Johanna Gabric, Julien Girard, Marc Garvennes, Corentin Bailly et Benjamin Reyes | Mixage : Raphaël Rasson
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