Édito
Inéligibilité de Marine Le Pen : les Français approuvent la sanction

Depuis la lourde condamnation de Marine Le Pen, le Rassemblement national s’indigne d’une fracture entre la justice d’un côté et des Français en colère de l’autre.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, le 1 avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)
La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, le 1 avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Les juges contre le peuple ! Les magistrats d’un côté, la masse des électeurs de l’autre, ces citoyens indignés de se faire voler leur vote à la prochaine présidentielle. Une "démocratie exécutée" par la faute de la "tyrannie des juges rouges" à la solde du "système" ! Ce duel est mis en scène par Marine Le Pen. Quelques élus de droite s’inquiètent eux aussi de ce fossé qui se creuserait. Et François Bayrou avoue même son "trouble" devant la mesure d’"exécution provisoire". Les juges contre le peuple, la thèse fait du bruit, elle peut impressionner, sauf qu’elle est fausse.

L’un après l’autre, les sondages montrent que les Français approuvent la condamnation de Marine Le Pen. 61% la trouve "justifiée", et même 43% "tout-à-fait justifiée", selon l’institut Cluster pour Le Point. Pour deux Français sur trois, la règle de l’exécution provisoire en cas de condamnation pour détournement de fonds publics est "juste". Même constat pour une enquête d’Odoxa-Backbone publiée par Le Figaro : 65% des Français ne sont "pas choqués" par la peine infligée à la cheffe de file de l’extrême droite. Une nette majorité considère même que c’est "le signe que notre démocratie fonctionne bien".

Les sympathisants RN ont déjà leur candidat de rechange

On mesure pourtant une certaine défiance de l’opinion vis-à-vis des juges mais pas parce qu’ils infligeraient un traitement trop sévère aux politiques. Au contraire. Le principal reproche fait à la justice tient à son supposé laxisme. 80% des personnes interrogées l’évoquaient dans une enquête CSA en septembre dernier. L’autre récrimination fréquente tient à la lenteur de la justice. En l’occurrence, Marine Le Pen jouit d’un régime de faveur puisqu’elle sera rejugée en appel rapidement pour une décision à l’été 2026, un délai particulièrement court auquel le justiciable ordinaire n’a pas droit. D’ailleurs, le meilleur moyen d’accroître la défiance des électeurs envers la justice, c’est d’accorder des privilèges aux élus. Par exemple de supprimer, comme le propose Éric Ciotti, l’exécution provisoire pour les peines d’inéligibilité, un principe qui vaut pour de nombreux autres délits.

Pourtant depuis sa condamnation, Marine Le Pen se targue de recevoir beaucoup de soutiens. C’est vrai de la part de ses électeurs. Et encore, dans les enquêtes, les sympathisants RN considèrent qu’ils ont déjà un candidat de rechange qui fait l’affaire, Jordan Bardella. Il y aura sans doute beaucoup de monde dimanche au meeting parisien du RN. Comme en 2017 au meeting convoqué par François Fillon place du Trocadéro lors de sa mise en examen. Mais gare aux illusions d’optique : à chaque fois, ce n’est pas le "peuple" qui se révolte contre les juges, ce ne sont que les supporters, les fidèles qui volent au secours de leur candidat.

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