Édito
Gouvernement de François Bayrou : Y a-t-il un chef d'orchestre ?

François Bayrou a dû convoquer cinq ministres en désaccord sur l'interdiction du port du voile lors des compétitions sportives et les a invités à faire preuve de "solidarité". Une divergence de points de vue visible entre plusieurs membres de l'exécutif qui ne peut, à elle seule, s'expliquer par la fragilité de la situation politique actuelle.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
François Bayrou s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris le 11 mars 2025. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)
François Bayrou s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris le 11 mars 2025. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)

François Bayrou a tenté, mardi 18 mars, de ramener un peu d’ordre au sein du gouvernement parce qu’un Premier ministre est un chef d’orchestre. Accorder les violons de son équipe, c’est son rôle. Sauf depuis quelque temps, on finissait par se demander s’il y avait encore un chef et toujours un orchestre. Les ministres jouent leur propre partition, de plus en fort en fort, et n’hésitent plus à se contredire publiquement. En jugeant que le port du voile n’était pas forcément signe d’"entrisme" et de "radicalisation" dans le monde du sport, la ministre des Sports, Marie Barsacq s’est attiré les foudres de Gérald Darmanin. Le garde des Sceaux l’a attaquée mardi matin sur TF1, elle, et sa collègue de l’Éducation Nationale, Élisabeth Borne, coupable de "naïveté". 

Fâché, François Bayrou a donc convoqué les protagonistes pour dénoncer "des attaques internes inacceptables" et exiger d’y mettre fin. Mais il a donné raison à Gérald Darmanin sur le fond en approuvant l’interdiction du port de signes religieux dans les compétitions sportives, validée par une proposition de loi de droite adoptée au Sénat. Il faut dire que le garde des Sceaux s’était livré à un chantage devenu monnaie courante au gouvernement : le chantage à la démission. 

Cacophonie gouvernementale 

Gérald Darmanin avait menacé mardi matin de claquer la porte du gouvernement au cas où il n’aurait pas été suivi sur l’interdiction du port du voile dans le sport. Dimanche, c’est le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui avait inauguré cette pratique en laissant entendre qu’il pourrait partir s’il n’obtient pas gain de cause dans le conflit en cours avec Alger sur l’expulsion des ressortissants algériens sous OQTF. Jadis, un ministre fermait sa gueule ou démissionnait, selon le précepte de Jean-Pierre Chevènement. Désormais, il l’ouvre et menace de le faire, sans passer à l’acte.
 
La grande fragilité politique de ce gouvernement, privé de majorité stable à l’Assemblée, peut expliquer cette situation, mais c'est aussi à cause de François Bayrou lui-même. Il autorise ses ministres à s’exprimer à titre personnel. Et lui-même prétend le faire, mardi encore devant l’Assemblée quand il affirme que c’est "comme citoyen, comme observateur" qu’il juge impossible de ramener l’âge de la retraite à 62 ans. Curieux dédoublement de personnalité qui sème la confusion. Résultat, la polyphonie gouvernementale vire à la cacophonie. Et François Bayrou est condamné à ressortir sa brouette. Vous vous souvenez de la maxime qu’il avait prononcée il y a une quinzaine d’années : "Rassembler les centristes, c’est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens !" Hé bien, les ministres c’est pareil, et François Bayrou en a marre… aux grenouilles, évidemment.

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