Édito
La volonté de Sébastien Lecornu de mettre fin aux avantages des anciens Premiers ministres illustre paradoxalement la fragilité de l'exécutif

Sébastien Lecornu veut en finir avec les ultimes privilèges accordés à vie aux anciens Premiers ministres. Des privilèges en réalité peu nombreux qui concernent actuellement 17 anciens locataires de Matignon.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Sébastien Lecornu, le 4 septembre 2025. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)
Sébastien Lecornu, le 4 septembre 2025. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

Sébastien Lecornu veut supprimer les "derniers avantages à vie" accordés aux anciens Premiers ministres. Un engagement pour montrer l'exemple : avant de demander des efforts aux Français, ceux qui sont à la tête de l'État doivent en faire.

Cette mesure est également pour Sébastien Lecornu une façon de cultiver son style plutôt austère, quasi-janséniste. À l'âge de 16 ans, il avait même songé à devenir moine bénédictin. Le nouveau Premier ministre espère apaiser une frange de l'opinion chauffée à blanc par les annonces de François Bayrou, en particulier, la suppression de deux jours fériés, une mesure vite enterrée ce week-end.

Des économies très symboliques

Depuis cet été, la colère inonde les réseaux sociaux sur le mode bien connu : "Pendant qu'on se serre la ceinture, nos gouvernants se gavent !" Une déclinaison du mot d'ordre : "C'est Nicolas qui paye", qui remporte aussi un vrai succès numérique.

Pourtant contrairement à de fausses idées et fake news qu'on peut lire sur les réseaux sociaux, les anciens ministres n'ont pas droit à une retraite à vie. Ils cotisent comme les autres hauts fonctionnaires et leur pension dépend donc de la durée passée au gouvernement. Seuls, les anciens Premiers ministres bénéficient d'une voiture avec chauffeur, et d'un secrétariat particulier, limité à une durée de dix ans, et uniquement jusqu'à 67 ans. Michel Barnier et François Bayrou n'en ont donc pas.

Ils ont également droit à une protection policière, comme pour les ex-ministres de l'Intérieur et leurs collègues menacés. Tout compris, les 17 anciens Premiers ministres encore en vie coûtent 4,5 millions d'euros par an à l'État, dont 3 millions, en frais de protection.

Un aveu de faiblesse

Ces économies sont donc symboliques au regard du déficit de l'État, qui s'élève à plus de 100 milliards d'euros au premier semestre. Que Sébastien Lecornu commence son chemin de croix budgétaire par cette promesse, c'est aussi un aveu de faiblesse. Elle illustre la grande fragilité de l'exécutif, cible d'un rejet massif de l'opinion.

Le paradoxe, c'est que le temps des enveloppes bien garnies de billets qui circulaient dans les cabinets ministériels est révolu depuis longtemps. Ces millions de fonds secrets en liquide, censés être reversés en primes aux collaborateurs des ministres, n'étaient ni déclarés, ni contrôlés, et ils ont alimenté bien des scandales politico-financiers. Mais ils ont été supprimés par Lionel Jospin en 2001. Un quart de siècle plus tard, la défiance envers les politiques est plus puissante que jamais. Selon une récente enquête du Cevipof, 74% des Français, trois sur quatre, jugent leurs élus corrompus.

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