Édito
Budget 2026 : s'interdire de recourir au 49.3, était-ce vraiment une bonne idée ?

Après le rejet des motions de censure, jeudi dernier, le projet de loi de finances 2026 va être examiné par les députés à partir de lundi. Et sans recours à l'article 49.3, c'est une bataille pour chaque article budgétaire qui se prépare.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Olivier Faure et François Hollande à l'Assemblée nationale, le 14 octobre 2025. (LP / FRED DUGIT / MAXPPP)
Olivier Faure et François Hollande à l'Assemblée nationale, le 14 octobre 2025. (LP / FRED DUGIT / MAXPPP)

Comment faire adopter un budget par une majorité parlementaire avant le 31 décembre sans recourir à l'article 49.3 ? C'est le pari que prétend relever le "Tom Cruise de Matignon", je veux parler de Sébastien Lecornu, qui a accepté cette "mission impossible".

A priori, il n'y a aucune majorité dans une Assemblée émiettée comme jamais, avec deux gros groupes - le RN et LFI - décidés à la bloquer. Et le Premier ministre choisit donc de se compliquer un peu plus la tâche en renonçant à utiliser l'article 49.3. Il s'engage donc à toujours laisser le dernier mot aux députés sur les textes budgétaires. Le tout dans un délai restreint de 70 jours maximum. Cela ressemble à un sprint avec un fort vent de face et un boulet au pied.

Une demande des socialistes qui pourrait se retourner contre eux

C'était une demande des socialistes et Sébastien Lecornu a pris cet engagement pour les satisfaire. Mais il est possible que cette concession se retourne contre les deux parties. La suspension de la réforme des retraites, autre revendication majeure du PS accordée par le Premier ministre, s'inscrit sous forme d'amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Pour qu'elle entre en vigueur, il faudra donc qu'une majorité de l'Assemblée, dont les socialistes, approuve l'ensemble du PLFSS.

Voilà comment le groupe PS s'est piégé lui-même. Il aurait dû écouter l'un de ses grands sages, Lionel Jospin : en décembre dernier, l'ancien Premier ministre invitait ses camarades à ne surtout pas réclamer l'enterrement du 49.3. Un dispositif parfois nécessaire "en dernier recours", disait-il, et qui est surtout "une protection" pour l'opposition, en ne l'obligeant pas à devenir "co-auteur" d'un texte qu'elle rejette et sur lequel un accord n'a pu être trouvé à l'Assemblée. À l'époque, François Hollande disait la même chose mais il a changé d'avis. Or, il est beaucoup plus délicat pour un parti d'opposition de devoir voter en faveur d'un texte budgétaire, que de se contenter de s'abstenir lors du vote d'une motion de censure.

Faire preuve de responsabilité

Le renoncement à l'article 49.3 peut toutefois avoir des effets positifs. L'absence de cette corde de rappel peut inciter les députés à faire preuve de responsabilité, à dialoguer sereinement sans surenchérir d'amendements loufoques et ultra-dépensiers qui creusent un peu plus le gouffre des déficits. On espère le contraire de ce qui s'était passé l'an dernier : un vrai débat constructif et un compromis final résultant de concessions réciproques, de la part du gouvernement, bien sûr, mais aussi des oppositions. Un cercle vertueux qui ferait entrer la France dans l'âge des démocraties parlementaires modernes, avec, fin décembre, un beau budget, voté par une majorité, déposé au pied du sapin. On appellerait ça le miracle de Noël.

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