Édito
Annonces pour le budget 2026 : François Bayrou et la stratégie de la dramatisation

Dialoguer oui, reculer non... François Bayrou a-t-il tenté de frapper l'esprit des Français pour pouvoir ensuite mieux affronter l'hostilité de l'Assemblée nationale ? Septembre nous dira à quel point le Premier ministre est ouvert à la négociation.

Article rédigé par Paul Barcelonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
François Bayrou dévoilant les principales orientations du budget 2026 de la France, le 15 juillet 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)
François Bayrou dévoilant les principales orientations du budget 2026 de la France, le 15 juillet 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)

Dans la présentation de ses arbitrages pour le budget 2026, mardi 15 juillet, le Premier ministre s'est appuyé sur des graphiques, une ribambelle de chiffres et un champ lexical de fin du monde : il a parlé de "dernière station avant la falaise" pour accentuer le sentiment d'urgence, "chaque seconde, notre dette augmente de 5 000 euros". De même, la formule "le moment de vérité" est inscrite partout, sur le pupitre et sur le mur en majuscules derrière François Bayrou. Le Premier ministre jure de prendre le taureau par les cornes, comme personne d'autre avant lui : "Les femmes et les hommes qui m'écoutent savent que quelque chose ne va pas", se persuade-t-il, ce qui est une stratégie bien connue en politique : prendre les Français à témoin.

Et si François Bayrou dramatise à ce point, c'est parce qu'il n'a pas d'autres solutions. Tenter d'arracher le soutien des Français à défaut d'avoir celui des députés, c'est sa dernière bouée de sauvetage. Il n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale, où même ses soutiens lui glissent des peaux de banane. Il est, plus que jamais, assis sur un siège éjectable, à la merci des oppositions, qui n'ont qu'un mot à la bouche : "censure, censure, censure". Jean-Luc Mélenchon réclame son départ, Marine Le Pen promet que si la copie n'est pas revue, elle appuiera sur le bouton, même le Parti socialiste parle d'un budget inacceptable.

L'homme de la situation, un sentiment mystique

Mais l'été va passer par là, le Premier ministre va dormir dessus, les Français et les oppositions aussi. Comme l'Assemblée est fermée et ne rouvre qu'en septembre, d'ici là, François Bayrou est tranquille. On peut ainsi se demander si septembre sera propice à une éventuelle négociation. Sur ce point, le Premier ministre entretient le flou. Il a évoqué une chasse aux niches fiscales, sans dire lesquelles. Quid de la fameuse contribution de solidarité pour les plus hauts revenus, le Premier ministre se réserve-t-il le droit de ne supprimer qu'un seul jour férié et pas deux ? Sur l'année blanche qui gèlera toutes les prestations sociales sans exception, lâchera-t-il du lest pour accepter un compromis ?

Dialoguer oui, reculer non, car à la fin, il faudra quand même trouver 44 milliards d'euros, qu'importe le risque. Et c'est aussi une manière de préparer son avenir politique, car c'est presque du chantage : "sans moi, ce sera la crise", "censurez-moi et le pays sera dans la panade, par votre faute", prêt à "mourir les armes à la main"... François Bayrou veut pouvoir dire qu'il a tout tenté, lui qui faisait campagne en 2007 sur la dette. L'homme revendique le fait d'avoir eu raison avant tout le monde. Alors tant pis s'il meurt fidèle à ses idéaux, il tombera en martyr. Il en fait presque un moment mystique, car il est persuadé qu'être là, à ce moment-là, n'est pas le fruit du hasard, que le destin le commande. Si le pays est à la dernière station avant la falaise, ce matin, lui a clairement un pied au-dessus du vide.

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