"Prendre en otage", usage et histoire d'une expression qui fâche
Au micro de franceinfo, Emmanuel Macron a fait sienne une expression qui a beaucoup choqué les enseignants : il a parlé de "prise d'otage" pour désigner l'action de ceux qui ont refusé de donner les notes des copies du bac.
Sur franceinfo, dimanche 7 juillet, Emmanuel Macron a employé l'expression "prise d'otage" pour désigner l'action de certains enseignants ayant refusé de donner les notes des copies du bac.
Certains lèvent les yeux au ciel, et se disent que décidément, notre langue s’appauvrit si l’on ne peut plus distinguer le sens propre du sens figuré. Car évidemment, il s’agit ici de sens figuré, d'une métaphore. Que révèle-t-elle ?
Des grévistes considérés comme hors-la-loi
L’usage de cette expression implique que ceux qui prennent en otage, ici les profs, n'utilisent pas le droit, mais la force, pour retenir contre leurs grés des innocentes victimes, ici les élèves de terminales qui ont passé les épreuves du bac. Des victimes qui perdent leur liberté, leurs droits, le fait d’avoir leurs résultats, et cela conditionne leur liberté de mouvement : ils vont, au choix, devoir recommencer l’an prochain en terminale, ou bien être autorisés à poursuivre leurs études. Les ravisseurs exigent une rançon pour "libérer" les notes : ici, c'est la remise en cause de la réforme du bac.
On voit bien pourquoi cette expression a pu choquer. Elle fait des profs grévistes des hors-la-loi, qui utilisent la force et non le droit.
Une expression qui se diffuse dans les années 1980
L'expression "prise d'otage" se diffuse nettement et massivement à partir du milieu des années 1980. Il faut dire que dans les années 1970 et au début des années 1980, entre les nombreux détournements d’avions et les enlèvements de journalistes, il y avait tant de véritables prises d’otage, qu’il était difficile d’employer cette expression au sens figuré !
En revanche, à partir de la très longue grève à la SNCF de décembre 1986 et janvier 1987, puis celle de la RATP à l’hiver 1988, l’expression fleurit sur les quais bondés et dans la bouche des gouvernants, comme celle du ministre des transports socialiste, Michel Delebarre en novembre 1988.
Prendre en otage des centaines de milliers d'usagers...C'est un type de guérilla syndicale.
Michel Delebarre, ministre des Transports en 88
"Prendre en otage", "guérilla", on sent en effet une volonté de déqualifier le mouvement social, et ce n’est pas absolument étonnant de noter que l’expression "prendre en otage les usagers" se diffuse très exactement au moment où se diffuse également l’idéologie libérale en France.
Alors bien sûr, il ne s’agit que d’une métaphore, mais d’une métaphore très sensible. Et il en est un qui ne l’aurait guère apprécié s’il avait vécu aujourd’hui, ce n’est pas un syndicaliste moustachu, en colère et rétrograde, mais un poète romantique, mélancolique et moderne, Charles Baudelaire. Dans Mon cœur mis à nu, en 1864, il se désespérait de "la prédilection des Français pour les métaphores militaires. Toute métaphore, ici, porte des moustaches"….
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