"L'effet Streisand" nous protège-t-il de la censure ?
Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 4 décembre : l’effet Streisand, ce phénomène en vertu duquel plus on cherche à faire interdire une information, plus elle gagne en visibilité. Pour autant, peut-on vraiment compter dessus pour se prémunir de la censure ?
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Deux actualités sont entrées en résonance. La première : le jeu de société Antifa, retiré des rayons de la Fnac à la demande du Rassemblement national et d’un syndicat de police, avant d’être piteusement remis en vente. Entre-temps, son éditeur avait de toute façon annoncé avoir reçu tellement de commandes que le jeu est actuellement en rupture de stock. Seconde actualité : les nouvelles informations obtenues par Mediapart sur le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau, finalement publiées après dix jours d’interdiction judiciaire. Résultat : des dizaines d’articles parus dans toute la presse pour faire écho à ces révélations.
Dans un cas comme dans l’autre, nous sommes bien en présence de "l’effet Streisand". Il s'agit d'un phénomène psycho-médiatique qui tire son nom de la chanteuse américaine Barbra Streisand. L’anecdote est piquante. En 2003, Barbra Streisand apprend qu’une photo aérienne de sa propriété de Malibu se retrouve, un peu par hasard, sur une banque d’images en ligne. Elle engage des poursuites pour tenter de la faire retirer. Résultat : des centaines de milliers de curieux se connectent sur le site pour découvrir à quoi ressemble la fameuse photo. Avant cela, elle avait été téléchargée en tout et pour tout six fois, dont deux par ses propres avocats…
"L'effet Streisand" fait partie de ces concepts qu’on pourrait qualifier de "science pop" : ils sont davantage cités dans les médias qu’à l’Université. Pour autant, il n’en reste pas moins fondé sur un phénomène psychologique qui, lui, a été étudié de long en large : le phénomène de réactance, qui dispose que, dès lors que les êtres humains se sentent menacés dans leur liberté d’action, ils cherchent à la reconquérir. Plus on tente de nous interdire l’accès à une information, plus on a envie d’en prendre connaissance, et plus cela favorise sa diffusion.
L'affaire Antifa et l'affaire Perdriau, deux cas différents
Pour le jeu Antifa : oui, c’est 100% de "l’effet Streisand". Avant toute cette histoire, pas grand-monde n’en avait entendu parler. C’est la polémique qui attire l’attention sur ce jeu. Et c’est le retrait de la vente qui pousse plein de gens à vouloir l’acheter, que ce soit par soutien ou par pure curiosité. Toute cette affaire aura bien eu l’effet inverse de l’effet recherché, du moins en apparence. Rappelons qu’elle a été soulevée par le député RN Grégoire De Fournas, celui-là même qui a été exclu temporairement de l’Assemblée, il y a quelques semaines. On peut imaginer que son objectif consistait moins à lutter contre ce jeu, somme toute très confidentiel, qu’à faire parler de lui et entretenir l’idée que son parti serait victime d’acharnement. De ce point de vue, on peut dire qu’il a réussi son coup ! Il n’empêche : dans le cas d’Antifa, "l’effet Streisand" aura effectivement et naturellement permis de protéger un produit culturel contre une tentative de censure.
Dans le cas de Mediapart, c’est un peu plus compliqué. Mercredi 30 novembre, le tribunal judiciaire de Paris a annulé sa décision initiale d’interdiction, et Mediapart a pu enfin publier son article. On y apprend que Gaël Perdriau, en plus de faire chanter son premier adjoint à l’aide d’une vidéo sexuelle, faisait également courir des rumeurs infondées et graves sur Laurent Wauquiez. Conséquence : Google n’enregistre quasiment aucun pic de recherche sur les mots "Gaël Perdriau". Il n’y a pas non plus de mention dans les tendances Twitter. La ferveur de la polémique était largement retombée, et l’effet Streisand a beaucoup moins joué.
Donc, en définitive : oui, l’effet Streisand nous protège naturellement et efficacement contre toute tentative d'étouffer une information. En revanche, il ne peut rien contre la censure préalable d’un article de presse. C’est la raison pour laquelle la décision initiale du Tribunal de Paris était si préoccupante. On peut toujours commander un jeu qui n’est plus distribué. Mais on ne peut pas relayer une information qui n’a pas été publiée.
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