Supporter tué par balle, menaces envers des arbitres, accusations de politisation... Le football turc gangrené par la violence

En Turquie, dans les stades ou en dehors, les violences dans le football sont fréquentes et ne sont pas nouvelles. L'opposition dénonce l'extrême politisation de ce sport et les liens avec l'AKP, le parti de Recep Tayyip Erdoğan.

Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des violences lors d'un match du championnat turc, entre Galatasaray et Fenerbahce. (OZAN KOSE / AFP)
Des violences lors d'un match du championnat turc, entre Galatasaray et Fenerbahce. (OZAN KOSE / AFP)

L'entraîneur de Lyon, Paulo Fonseca, a été suspendu mercredi 5 mars et jusqu'au 30 novembre par la commission de discipline de la Ligue de football professionnel. Une sanction qui arrive après son dérapage lors du match opposant son équipe à Brest, le 2 mars. Il avait menacé tête contre tête l'arbitre de la rencontre. Les violences dans le football sont un problème récurrent, en France comme dans beaucoup de pays. En Turquie, notamment, les violences dans le football sont parfois mortelles, comme le 10 février.

À Düzce, dans le nord-ouest de l'Anatolie, le 10 février, un supporter de Galatasaray a tué par balle un fan de Fenerbahçe, deux grandes équipes rivales d'Istanbul, dans ce que les médias locaux ont présenté comme une bagarre entre supporters. Un meurtre traité comme un fait divers comme un autre, tant les violences sur le terrain, dans les tribunes et en dehors des stades sont fréquentes en Turquie, depuis de longues années.

Il est difficile d'affirmer si le problème est plus grave aujourd'hui qu'il y a quelques années. Ceux qui suivent de près les championnats rappellent quand, dans les années 2010, des supporters du Fenerbahçe avaient mis le feu à leur stade après une défaite. Ou que le bus des joueurs de cette équipe avait essuyé des tirs au fusil à pompe au cours d'un déplacement. Des événements graves, qui ont marqué les esprits, et contraint les autorités à renforcer la sécurité dans les stades, avec des sanctions plus lourdes et un système de contrôle d'identité des spectateurs pour pouvoir accéder aux matchs (le système Passolig). Mais ça, c'est la théorie. Car en pratique, les textes sont trop peu appliqués et une forme d'impunité persiste.

L'opposition dénonce une fédération "politisée"

Les violences, les sanctions jugées insuffisantes... Le débat se pose aussi en France. Ce qui semble davantage propre à la Turquie, c'est l'extrême politisation du football. De plus, en lien avec cette politisation, selon les opposants au gouvernement, il y a une crise dans la gestion des grands clubs et de la Fédération de football elle-même. Ces opposants dénoncent une fédération dominée par des personnalités proches du gouvernement et/ou de la mafia, plutôt que par des figures respectées capables de s'attaquer au surendettement astronomique des grands clubs, qui peut être de l'ordre de centaines de millions de dollars pour certains.

Il y a également des accusations croissantes de corruption qui gangrènent les championnats et le problème des violences. Les tensions entre les équipes et les arbitres, en particulier, se sont considérablement aggravées ces dernières années, les présidents de clubs accusant les arbitres à chaque fois qu'ils perdent un match.

En novembre 2024, l'ancien président du club de Süper Lig d'Ankaragücü (un club de la capitale) a d'ailleurs été condamné à plus de trois ans de prison pour avoir violemment frappé un arbitre. Ce président de club était aussi un ancien député du parti du président Recep Tayyip Erdoğan (AKP). Selon Sevda Erdan Kiliç, députée du principal parti d'opposition (CHP), ce climat délétère est le résultat de la politisation du football turc, qui n'est pas nouvelle, mais qui a pris des proportions inédites sous le gouvernement AKP. Elle s'en plaignait notamment en décembre 2023, dans une vidéo sur les réseaux sociaux 

"Tous ces problèmes coïncident avec la période la plus politisée de l'histoire du football turc. Quand on regarde les présidents des clubs, la plupart d’entre eux sont des politiciens de l’AKP."

Sevda Erdan Kiliç, députée du principal parti d'opposition (CHP)

sur franceinfo

"Quand on regarde les instances du football, elles sont aux mains d'hommes d’affaires proches de l’AKP, insiste Sevda Erdan Kiliç, députée du CHP. C'est parce que le football et la politique sont si étroitement liés que le football n’est désormais associé qu’à la fraude, à l’argent sale, aux matchs truqués, aux menaces et à la violence."

Une nouveauté, tout de même, pour tenter de résoudre le problème des arbitres contestés : la Fédération turque de football a décidé de faire appel à des arbitres étrangers, en particulier pour les arbitres vidéo. Et lors du derby entre Galatasaray et Fenerbahçe le 24 février, l'arbitre sur le terrain était également un arbitre étranger, ce qui n'était pas arrivé depuis 1970 pour un match de championnat turc.

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