"Je n'aime pas conduire, j'ai peur" : dans les pays nordiques, la responsabilisation des seniors plutôt qu’une visite médicale obligatoire

Une proposition de loi a été déposée en France le 18 mars 2025, visant à instaurer une visite médicale obligatoire pour le renouvellement du permis de conduire, tous les cinq ans, pour les conducteurs âgés de 70 ans et plus. Ces visites médicales ont longtemps été obligatoires dans plusieurs pays nordiques, mais depuis quelques années, cette obligation a été supprimée.

Ces examens médicaux obligatoires pour les personnes âgées ont été supprimés en 2017 au Danemark et en 2021 en Norvège. Les raisons sont multiples. Le premier argument, c'est que cette obligation de contrôle n'a montré aucune preuve d'efficacité au fil des ans. Elle n'a pas amélioré la sécurité routière et surtout, elle a été jugée discriminatoire à l'égard des personnes âgées qui pouvaient se sentir stigmatisées. Ça pouvait aussi leur procurer du stress et en pousser certains à ne plus consulter un médecin du tout par peur de perdre son permis de conduire, symbole d'autonomie.

Ces examens ont aussi été jugés inutiles, car les autorités se sont rendu compte que beaucoup de conducteurs adaptaient déjà leur conduite avec l'âge. C'est le cas notamment de Ulla, 88 ans, qui a décidé il y a plusieurs années de ne plus s'installer derrière le volant de sa voiture. "Je n'aime pas conduire", assure-t-elle.

"Je ne suis vraiment pas à l'aise et j'ai peur de ne pas remarquer un piéton, un cycliste ou une voiture qui passent."

Ulla, 88 ans

sur franceinfo

"Mais je pense qu'il y en a, surtout à la campagne, qui continuent de conduire imprudemment", regrette Ulla. Elle n'habite pas en ville donc si elle doit se rendre quelque part, elle utilise un service de transport adapté qui l'emmène n'importe où dans sa commune pour 3,50 euros par trajet.

Le rôle des médecins et la possibilité de signalements privés

À la différence de ses voisins, les visites médicales pour les personnes âgées n'ont jamais été obligatoires en Suède. Catharina Alm, qui travaille à l'agence nationale des titres sécurisés, explique comment le système a presque toujours fonctionné dans le royaume : "En Suède, les médecins sont légalement obligés de nous contacter s'ils se rendent compte qu'une personne n'est plus en capacité de conduire. Et les personnes privées peuvent aussi faire un signalement chez nous. Notre décision finale de retirer le permis ou non se base toujours sur une évaluation médicale".

Johan, 37 ans, a d'ailleurs récemment pensé à signaler son voisin. Un sujet dont il discute avec ses collègues de travail. "Le voisin du dessous est assez mal en point. Il doit avoir 70, 75 ans et il serait capable de mettre le feu à son appartement sans même s'en rendre compte. Et il conduit encore", s'inquiète-t-il. "Le signaler, c'est pour son bien et pour celui de la petite fille de 4 ans qui traverse la route", surenchérit un collègue. "Après, c'est un sujet sensible. Le permis, c'est un droit qu'on a eu toute sa vie. Se le faire retirer, ça peut être bouleversant pour la personne", ajoute Johan.

C'est justement pour cette raison que la Suède et ses voisins ont choisi une approche fondée sur la responsabilité individuelle et le rôle actif des médecins plutôt que des examens systématiques liés à l'âge. Pour les permis professionnels par contre, c'est différent, évidemment. En Suède, les chauffeurs de bus ou de taxi doivent se soumettre à un examen médical tous les cinq ans à partir de 45 ans et ensuite de plus en plus fréquemment après 68 ans.