Dans les Balkans, la société civile tente de lutter contre la "glamourisation" du crime auprès de la jeunesse

Dans cette région d'Europe du sud-est, la lutte contre le trafic de drogue passe par la dénonciation de tout ce qui peut faire la promotion du style de vie criminel auprès de la jeunesse : clips de rap, séries, films...

Article rédigé par franceinfo - Louis Seiller
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des armes confisquées lors de la dernière action de désarmement du gouvernement en Serbie, exposées dans un dépôt de la police près de Smederevo, au sud de la capitale, Belgrade, le 14 mai 2023. (OLIVER BUNIC / AFP)
Des armes confisquées lors de la dernière action de désarmement du gouvernement en Serbie, exposées dans un dépôt de la police près de Smederevo, au sud de la capitale, Belgrade, le 14 mai 2023. (OLIVER BUNIC / AFP)

Alors qu'en France, la lutte contre le narcotrafic est désormais mise au premier plan des enjeux nationaux, notamment avec l'adoption mercredi 2 avril 2025 du projet de loi controversé autour du narcotrafic par l'Assemblée nationale, ailleurs en Europe, on s'inquiète de l'attrait de la jeunesse pour cette violence et ce style de vie criminelle. Dans les Balkans, cette influence passe en grande partie par la pop culture locale, et notamment la musique et les séries télévisées.

Dans les clips des rappeurs des Balkans, la mise en scène est presque toujours la même : entourés de femmes dénudées, les chanteurs brandissent de la drogue ou des pistolets automatiques au volant de voitures de sport rutilantes. Des titres diffusés en boucle dans les bars et les clubs tendances de la région, et qui totalisent souvent des dizaines de millions de vues, dans des pays qui comptent à peine quelques millions d’habitants.

Mais la promotion de l’illégalité et de la violence n’est pas uniquement réservée au rap ou au hip-hop, constate Aleksa Obradovic, un jeune activiste du Monténégro. "On a fait faire des exercices à des groupes d’adolescents : ils devaient trouver des chansons qui n’avaient pas de connotations négatives - que ce soit dans le hip-hop, le rap, le turbo-folk ou d’autres genres musicaux - ils ont eu d’énormes difficultés", explique la jeune femme. Dans tous ces titres, elle regrette que les femmes soient représentées en objets sexuels, et qu'on valorise autant la consommation de substances illégales et les violences.

Une jeunesse sous influence

Au-delà des clips musicaux, cette glamourisation des criminels et de la violence passe aussi par les films, les séries, et certaines émissions télévisées. Des trafiquants multicondamnés y sont régulièrement invités, et véhiculent avec eux l’image d’une vie facile, remplie de consommations de produits de luxe et de voyages à Dubaï. Cette tendance inquiète de nombreux acteurs de la société civile qui travaillent auprès de la jeunesse, d'autant que les groupes criminels sont en grande expansion dans les Balkans.

Selon les experts et les polices européennes, ces groupes originaires des Balkans sont devenus des acteurs majeurs du trafic de drogue sur le continent, et contrôleraient aujourd’hui une grande partie du marché de la cocaïne, depuis les pays producteurs en Amérique du Sud jusqu’aux ports d’Anvers et de Rotterdam. Ils contrôleraient par ailleurs sa vente dans les grandes capitales européennes.

Un recrutement de plus en plus organisé

Dans leur pays d’origine, les clans balkaniques recrutent notamment au sein des stades de foot ou des clubs de boxe et de MMA. Ils s’appuient souvent sur un discours ultranationaliste, mais jouent aussi sur le ressentiment de la jeunesse face à des États perçus comme faibles et gangrenés par la corruption. Certains gouvernements de la région entretiennent d’ailleurs des liens étroits avec ces clans mafieux.

"Aujourd’hui, les formes de recrutement ont évolué et se font beaucoup en ligne. Nous devons travailler avec cette jeunesse, pour leur expliquer ce que veut dire une vie criminelle."

Fatjona Mejdini, de l’Initiative globale contre le crime organisé transnational

franceinfo

Face à la passivité des autorités, des acteurs de la société civile essaient toutefois de lutter contre l’embrigadement des plus jeunes, comme Fatjona Mejdini qui travaille pour l’Initiative globale contre le crime organisé transnational. "Les Balkans sont un excellent lieu de recrutement pour les groupes criminels : ils y trouvent quantité de jeunes qu’ils peuvent employer dans le trafic de drogue en Europe de l’Ouest ou en Amérique latine, partout où ils opèrent", explique Fatjona qui essaie de lutter contre ces recrutements. Elle explique aux jeunes que cette vie, "dans la plupart des cas, elle sera synonyme de prison, de problèmes, de difficultés financières, et parfois de mort."

Réunies à Pristina en mars 2025, des dizaines d’acteurs de la société civile ont appelé les autorités à renforcer la lutte contre le crime organisé, et à les soutenir davantage dans leur travail de prévention auprès de la jeunesse.

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