Au Maroc, l'intelligence artificielle a-t-elle un impact sur les emplois dans les centres d'appels ?

À Casablanca, l'entreprise Intelcia, spécialisée dans le "support client" utilise de plus en plus l'intelligence artificielle pour améliorer sa productivité. Si la direction assure que le secteur est en pleine expansion et qu'il recrute, les syndicats s'inquiètent.

Article rédigé par François Hume-Ferkatadji
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Au Maroc, des centres d'appels ont recours à l'intelligence artificielle. Photo d'illustration. (ALONZODESIGN / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)
Au Maroc, des centres d'appels ont recours à l'intelligence artificielle. Photo d'illustration. (ALONZODESIGN / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Le Sommet international pour l'action sur l'intelligence artificielle se tient à Paris du 6 au 11 février 2025. De nombreuses entreprises ont déjà intégré l'IA générative pour améliorer leur productivité. C’est particulièrement le cas dans le domaine des centres d’appels. C'est l'externalisation par les moyennes ou grandes entreprises de leur "relation client". Au Maroc, ce secteur en pleine expansion depuis une vingtaine d'années, emploie environ 110 000 personnes et contribue à 5% du PIB du pays. Le recours à l’intelligence artificielle sera-t-il synonyme de suppressions de milliers de postes ? Franceinfo est allé poser la question aux syndicats et professionnels de ces centres de "support client" à Casablanca.

"Ils font le dispatch et le re-dispatching entre l'ensemble de nos régions de présence", explique une employée d'Intelcia. Les vastes bureaux de cette entreprise ont un petit air de fourmilière. "Le Portugal qui est là-bas, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Cameroun", poursuit-elle. Sur ce site, plus de 1 800 salariés sont à la tâche : assistance technique, télévente, modération de contenu. Les demandes des clients sont nombreuses et variées.

Pour améliorer sa productivité, la multinationale marocaine, déjà présente dans 18 pays, compte sur les apports de l'intelligence artificielle.

"L'intelligence artificielle est arrivée dans les centres de contacts il y a quelques années déjà. Les choses se sont accélérées, bien évidemment il y a deux ans, avec l'arrivée de l'intelligence artificielle générative"

Youssef El Aoufir, directeur général d'Intelcia

sur franceinfo

"Alors évidemment, il y a beaucoup de choses qui ont été réalisées et qui impactent déjà aujourd'hui le métier, la performance, la productivité", explique Youssef El Aoufir, le directeur général d'Intelcia.

En plus des chatbots, une IA qui répond aux questions des clients, qui existe déjà depuis plusieurs années, l'entreprise compte également sur l'intelligence artificielle pour scanner les CV et accélérer le recrutement dans un secteur où le turn-over est important, ou encore, faire de l'analyse détaillée des milliers d'heures d'enregistrements de conversations téléphoniques entre les agents et les clients afin de pointer les principales défaillances d'un téléopérateur. "L'application de technologies d'intelligence artificielle nous permet d'aller très rapidement aux causes de cette déficience, qu'elles soient humaines, qu'elles soient technologiques, qu'elles soient liées à des process, détaille Youssef El Aoufir. Donc ça permet réellement d'aller exactement à la cause et de l'adresser de manière la plus précise et la plus objective possible".

La crainte des syndicats du secteur

Dans son grand bureau du sixième étage, Youssef El Aoufir rappelle la croissance de l'entreprise. Le nombre d'employés est passé de 500 en 2006 à 40 000 aujourd'hui. Il assure que le recours à l'intelligence artificielle n'enraye pas la politique de recrutement. "À notre niveau, le secteur dans sa globalité ne l'observe pas, puisque quand vous prenez les chiffres d'une année sur l'autre, même avec l'arrivée de l'intelligence artificielle générative, il y a de la croissance qui est constatée. Et ce n'est pas un phénomène uniquement régional", dit-il.

La crainte demeure toutefois chez les syndicats. 

"L'impact est qu'un bon nombre d'interactions qui étaient auparavant traitées par le conseiller client maintenant sont traitées par ces moyens-là".

Ayoub Saoud, secrétaire général de la Fédération nationale des centres d'appels

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"Qui dit diminution d'interactions, dit diminution aussi de flux et aussi diminution de conseillers. C'est quelque chose d'évident", assure Ayoub Saoud, le secrétaire général de la Fédération nationale des centres d'appels.

Un rapport récent a montré que la durée moyenne de traitement, une donnée capitale dans le secteur des centres d'appels, a été diminuée de 14% grâce à l'utilisation d'outils liés à l'intelligence artificielle.

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