Mohammed ben Salmane, du prince controversé au leader diplomatique mondial

Le prince héritier Mohammed ben Salmane, commanditaire de la mort du journaliste Jamal Khashoggi, était encore, il y a peu, un paria sur la scène internationale. Aujourd'hui, de la situation en Ukraine à celle de Gaza, il est considéré comme un médiateur de premier plan.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (EVELYN HOCKSTEIN / POOL)
  (EVELYN HOCKSTEIN / POOL)

De hauts responsables américains et russes se retrouvent dans la capitale saoudienne, mardi 18 février, pour y préparer un sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur l'Ukraine. Une rencontre est également prévue entre pays arabes - sur Gaza cette fois. Le prince héritier Mohammed ben Salmane, autrefois paria, est aujourd'hui l'homme que tout le monde veut avoir comme médiateur. Il revient de loin... En 2018, Mohammed ben Salmane était encore "le prince assassin", commanditaire de la mort du journaliste Jamal Khashoggi, découpé à la scie au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. On l'appelait "le despote de Riyad", va-t-en guerre hasardeux au Yémen, responsable de purges brutales et de décapitations collectives. Et puis, peu à peu, à coups de softpower et d'opérations marketing financées par les pétrodollars, s'est imposée l'image du réformateur.

Mohammed ben Salmane est devenu le super VRP d'un royaume en mutation, capable d'inventer des cités futuristes comme Neom. Aujourd'hui, les investisseurs se bousculent à sa porte et son visage fait la une des magazines du monde entier. Sur le plan diplomatique, sa stratégie est aussi simple qu'ambitieuse : devenir indispensable. Et pour ça - depuis toujours - il parle à tout le monde. Notamment dans le dossier ukrainien.

Donald Trump, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky sont ses amis


Avec le chef du Kremlin, Mohammed ben Salmane a toujours eu d'excellentes relations. Les deux hommes s'apprécient et à Riyad, malgré le mandat d'arrêt international émis contre lui, le président russe sait qu'il ne risque rien. L'Arabie saoudite n'a pas signé d'accord de coopération avec la Cour pénale internationale. En parrainant une rencontre au sommet avec Donald Trump, Mohammed ben Salmane offre à Vladimir Poutine - comme à son propre pays - une nouvelle stature internationale. Mais le prince en tunique et foulard traditionnel rouge et blanc (le "shemagh" maintenu avec un cordon noir, associé à l'identité nationale) parle aussi régulièrement avec Volodymyr Zelensky. La visite du président ukrainien le 19 février était d'ailleurs prévue de longue date. Riyad a aussi fourni des dizaines de millions de dollars d'aide humanitaire à Kiev et ses négociateurs ont joué un rôle majeur dans les échanges de prisonniers avec la Russie. Quant au dirigeant américain, Mohammed ben Salmane sait très bien comment le prendre. Ils ne font pas que parler pétrole... Il a déjà investi dans les affaires de son gendre Jared Kushner et en janvier, DonaldTrump à peine revenu à la Maison Blanche, il lui a promis un investissement XXL de 600 milliards de dollars dans la tech américaine ces quatre prochaines années.

Indispensable dans le monde arabe


Dans le monde arabe, aux côtés de l'Égypte, l'Arabie saoudite a une vraie stature régionale. Elle est très engagée dans la défense des Palestiniens. Mohammed ben Salmane défend la création d'un État palestinien. Il en fait d'ailleurs une condition préalable à la normalisation de ses relations avec Israël. Jusqu'ici c'est le Qatar, son grand rival, qui a servi de cadre aux négociations qui ont abouti à l'accord de trêve entre Israël et le Hamas. Mais aujourd'hui il s'agit de proposer une alternative au plan de Donald Trump et là encore le royaume semble être le seul capable de proposer et de financer des solutions crédibles. Sur ce dossier aussi, Mohammed ben Salmane s'impose comme un acteur clé. Selon le quotidien saoudien panarabe Asharq Al-Awsat, Riyad est cette semaine la "capitale du monde". Dans l'effervescence diplomatique qui s'est emparée de la scène internationale, il a tout à gagner.

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