L'Éthiopie va inaugurer le plus grand barrage d'Afrique, au grand dam de l'Égypte

Le "grand barrage de la renaissance éthiopienne" sera officiellement mis en service la semaine prochaine, après 14 ans de travaux et des investissements colossaux. Il doit permettre l'accès à l'électricité dont plus de la moitié de la population est encore privée.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD), le plus grand projet hydroélectrique d'Afrique, promet un essor économique majeur mais est également source de tensions géopolitiques. (Photo de 2020.) (- / ADWA PICTURES / AFP)
Le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD), le plus grand projet hydroélectrique d'Afrique, promet un essor économique majeur mais est également source de tensions géopolitiques. (Photo de 2020.) (- / ADWA PICTURES / AFP)

C'est un projet pharaonique qui suscite pourtant la crainte et la colère de l'Égypte. L'Éthiopie s'apprête à inaugurer le barrage le plus puissant du continent africain, dans le décor majestueux de la vallée du Nil Bleu. Ce cours d'eau prend sa source au lac Tana, dans le centre du pays, et rejoint le Nil Blanc à Khartoum, au Soudan, pour ensuite former le Nil.

Les chiffres qui accompagnent l'inauguration de l'édifice donnent une idée de l'ampleur du projet. Le barrage s'étend sur près de 2 km de large et 145 m de hauteur. Depuis 14 ans, plus de 12 000 ouvriers, ingénieurs et techniciens ont travaillé à sa construction.

Près de 130 millions d'habitants, dont la moitié sans électricité

Des années de travaux et d'opérations de remplissage des différents réservoirs, des milliards de dollars d'investissement ont été nécessaires. Le jeu en valait la peine pour l'Éthopie, qui espère tirer plus d'un milliard de dollars de revenus annuels avec ce barrage. Le pays compte surtout doubler sa production électrique, grâce à l'une des plus grandes centrales au monde. Il faut souligner le bond en avant que représente ce projet. Dans ce pays de près de 130 millions d'habitants, plus de 50% de la population n'a pas encore accès à l'électricité.

L'enjeu de développement est donc immense, alors que la population de l'Éthiopie a triplé sur les 40 dernières années. Presque tous les habitants ont d'ailleurs participé au financement du barrage, à travers des bons, des taxes, ou même une diminution des salaires publics. Dans un pays qui a connu des années de guerre civile, l'édifice constitue une rare fierté nationale.

Le projet inquiète les pays voisins, à commencer par l'Égypte, où près de 90% de l'eau consommée dans le pays provient des hauts plateaux éthiopiens. À lui seul, le Nil Bleu fournit près de 60% du débit du Nil, berceau de la civilisation égyptienne, mais surtout principale source d'activité du pays, notamment pour l'agriculture.

Une "menace existentielle" pour l'Égypte

Le deuxième plus long fleuve du monde est un symbole national en Égypte où le pouvoir redoute les conséquences de la construction du barrage, parlant même de "menace existentielle". Des craintes de perte de fertilité des sols, et de dépendance en cas de crise.

Plus largement, l'édification du barrage traduit une nouvelle donne régionale. L'Égypte a longtemps disposé d'un droit historique sur le fleuve, en s'appuyant sur des traités de partage des eaux favorables, mais récemment remis en cause. Soutenue par plusieurs pays situés en amont du fleuve, l'Éthiopie considère qu'elle est dans son bon droit et parle "d'opportunité" pour la zone. Le barrage de la discorde s'invite désormais dans tous les dossiers de la région.

Ces guerres de l'eau, comme il en existe entre l'Inde et le Pakistan notamment, sont amenées à se multiplier avec le dérèglement climatique.

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