D'anciens combattants jihadistes étrangers vont être intégrés à l'armée syrienne

Après avoir réclamé le désarmement des factions armées composées de combattants étrangers en Syrie, Washington a donné son feu vert à leur intégration dans la nouvelle armée régulière du pays.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des rebelles ayant participé a l'offensive conduisant au renversement de Bachar al-Assad, le 21 décembre 2024, à Alep. (ANTONIN BURAT / LE PICTORIUM / MAXPPP)
Des rebelles ayant participé a l'offensive conduisant au renversement de Bachar al-Assad, le 21 décembre 2024, à Alep. (ANTONIN BURAT / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Ils vont donc troquer leurs habits de jihadistes pour revêtir l'uniforme de l'armée syrienne. Des combattants étrangers vont être intégrés aux forces syriennes du ministère de la Défense, après le feu vert donné par Washington dans un étonnant revirement. 

Par combattants étrangers, il faut bien entendre ces jihadistes, qui avaient quitté leur pays pour prendre les armes en Syrie ces dernières années, et qui faisaient partie de factions luttant à la fois contre le régime Assad et contre l'État islamique, ennemi du nouveau pouvoir.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'administration américaine a donc donné son feu vert à cette intégration, le 2 juin 2025, par la voix de son envoyé spécial en Syrie. Une décision qui traduit un changement complet de la doctrine des États-Unis, qui réclamaient jusqu'ici le désarmement ou la neutralisation de ces factions composées de combattants étrangers, en faisant une condition de la levée des sanctions économiques, décidée par Donald Trump le mois dernier.

La solution d'un problème épineux

La Maison Blanche a finalement changé son fusil d'épaule, en exigeant simplement une grande "transparence". Voilà qui règle, en tout cas, une question épineuse pour le président syrien, qui était face à un dilemme, que faire de ces hommes qui ont combattu à ses côtés pendant des années, et dont il vantait la loyauté, mais dont les pays d'origine ne voulaient pas du retour ? 

Ahmed Al-Charaa poussait pour leur intégration dès son arrivée au pouvoir, et beaucoup vont donc intégrer la nouvelle armée syrienne, au sein de la 84e brigade. Parmi eux, il y aura sans doute des Français, même si on ne connaît pas encore le détail et l'ampleur de ces intégrations. Sans doute, parce qu'on estime qu'une centaine de Français vivaient ces dernières années dans la zone d'Idlib, qui était contrôlée par le groupe HTC, et donc par Al-Charaa, avant la chute d'Assad. Certains ont même été aperçus participant à l'offensive qui a fait tomber l'ancien pouvoir de Damas. 

Plusieurs nationalités cohabitent au sein de ces factions, mais le plus gros contingent de combattants étrangers est composé d’Ouïgours, venus de Chine par le Pakistan où ils ont été formés au sein du Parti islamique du Turkestan (PIT).

Un pari sur l'avenir

Pour comprendre l'intérêt des puissances étrangères, à donner leur feu vert ou a minima à laisser faire, que ce soit à Pékin, à Washington ou sans doute à Paris, il faut voir un pari pragmatique. Un choix basé sur le principe qu'il vaut mieux que ces ressortissants soient en Syrie, encadrés ou surveillés, au sein de l'État, plutôt que de les voir lâchés dans la nature et difficiles à suivre, comme ce fut le cas dans les Balkans, ou plus récemment en Afghanistan. Ça reste un pari, par ailleurs de nature à compromettre d'éventuelles actions judiciaires contre ces combattants.

Pour le président syrien, la manœuvre permet d'éviter l'éparpillement et la multiplication des factions, comme de grossir les rangs de l'armée, avec des combattants qui ont montré leur loyauté, et qui partagent surtout la même idéologie que lui.

L'intégration de ces hommes accentue la mainmise jihadiste sur le nouvel appareil d'État, et inquiète une partie de la population. D'autant que des étrangers ont été désignés comme faisant partie des groupes qui ont participé, en mars dernier, aux massacres d'Alaouites sur la côte est du pays. Un épisode qui nourrit l'inquiétude sur la volonté du pouvoir de protéger et d'intégrer toutes les communautés, alors que cela fera précisément six mois, le dimanche 8 juin, que le régime de Bachar al-Assad est tombé.

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