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Quatre-vingt ans après, la mort d’Adolf Hitler réveille la complosphère

Le 30 avril 1945, Adolf Hitler se retrouve réfugié dans un bunker sous Berlin dévasté. Cerné par les flammes de la guerre qu’il a déclenchée, le Führer et son épouse se suicident. Mais sa figure continue d'animer la sphère complotiste. Loin des faits historiques établis, de nombreuses théories persistent, suggérant qu'il aurait survécu et se serait réfugié en Amérique du Sud. Ce récit, ancien mais régulièrement réactivé, a récemment refait surface suite à la déclassification de documents sur les criminels nazis installés en Argentine après la Seconde Guerre mondiale.

Ces théories, populaires sur des plateformes comme YouTube, notamment via l'émission Redacted News, décrivent une évasion rocambolesque d'Hitler, utilisant des tunnels souterrains pour rejoindre une piste d'atterrissage, puis s'enfuyant à bord de sous-marins vers l'Argentine. Selon ces récits, il y aurait vécu près de vingt ans, installant une sorte de "deuxième base d'opération" pour le Troisième Reich, avec la complicité des Alliés. Ces documents argentins déclassifiés, cependant, ne contiennent "absolument rien" sur une éventuelle présence d'Hitler, concernant plutôt des figures connues comme Mengele ou Klaus Barbie, souligne Tristan Mendès France. Cette théorie d'une survie d'Hitler est un "grand classique des récits complotistes", liée au refus de la mort de personnalités emblématiques, comme Elvis ou Michael Jackson.

La figure d'Hitler au cœur de multiples récits alternatifs

Au-delà de la survie en Argentine, d'autres récits complotistes entourent Adolf Hitler. Parmi les plus tenaces figure celui qu'Angela Merkel serait la petite-fille cachée d'Adolf Hitler. De même, la théorie qu'Adolf Hitler serait un descendant des Rothschild, ou même d'origine juive, circule abondamment. Cette dernière, évoquée par Sergeï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et relayée par des figures comme Alex Jones, émane d'une affirmation d'un ancien nazi, Hans Frank, sans base factuelle, et sert à "rationaliser les crimes incommensurables" et à "psychologiser le crime" pour évacuer la responsabilité collective, analyse Rudy Reichstadt.

Sur les réseaux sociaux, Hitler a même été une "tendance", notamment sur TikTok, où des discours générés par IA ont cumulé des millions de vues avant suppression. "On assiste à une sorte de banalisation algorithmique particulièrement sur TikTok de l'idéologie nazie et de la figure d'Adolf Hitler", note Tristan Mendès France, soulignant l'inquiétude de toucher un public jeune. Des chatbots IA diffusent négationnisme et complots, constituant un "véritable vecteur de radicalisation" selon Tech Against Terrorism.

Le complotisme autour d'Adolf Hitler sert une "normalisation plutôt inquiétante de la réécriture de l'histoire". Ces récits visent soit à faire l'éloge du dictateur, soit à minimiser sa responsabilité, soit à utiliser sa figure "pour véritablement discréditer l'adversaire". L'antisémitisme reste un "fil rouge" de cette vie politique, comme le montre la première et dernière phrase politique connue de Hitler, rappelle Rudy Reichstadt. Ce brouillage historique, en faisant de l'histoire une "pâte à modeler" selon les croyances individuelles, est dangereux car il mine la "mémoire partagée" essentielle au socle de notre société, conclut Tristan Mendès France.

"Quatre-vingt ans après, la mort d’Adolf Hitler réveille la complosphère", c'est le 88e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l'université Paris-Cité, spécialiste des cultures numériques et membre de l'observatoire du conspirationnisme. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.