: Vidéo Inondations dans le sud-est de l'Espagne : comment le centre-ville de Valence a été protégé… au détriment de la banlieue

C'était il y a un peu plus de trois mois. Le 29 octobre 2024, lors des inondations meurtrières qui ont frappé le sud de l'Espagne, les quartiers sud de Valence ont été engloutis par une vague de boue. En quelques heures, des centaines de familles ont tout perdu. Pourquoi, à moins de 10 kilomètres de là, le centre-ville a-t-il été épargné, comme si la crue s'était arrêtée aux portes de la ville ? Explications dans cet extrait d'"Envoyé spécial" du 13 février 2025.

Protéger le centre-ville de Valence : c'est un choix qu'ont fait les autorités espagnoles depuis plus d'un demi-siècle, à la suite des terribles inondations de 1957, qui avaient fait au moins 81 morts. Alors à la tête du pays, le général Franco lançait des travaux pharaoniques pour dévier le fleuve du centre vers le sud de la ville, à l'époque encore une zone agricole.

Le nouveau canal, de 12 kilomètres de long, est conçu pour résister à des crues allant jusqu'à 5 000 mètres cubes par seconde. L'ancien lit du Turia, lui, est asséché et transformé en un immense parc aujourd'hui très apprécié des touristes. Avec ses bassins et son Palais des Arts qui semble flotter sur l'eau, c'était l'un des atouts de Valence pour remporter le titre de "capitale verte de l'Europe" en 2024.

Au sud de la ville, le Turia est donc installé dans un nouveau lit, artificiel : un canal de 200 mètres de large, bordé d'autoroutes surélevées, qui sépare Valence de sa périphérie. Le 29 octobre dernier, il n'a pas débordé, et le centre-ville est resté au sec. "Perçu comme le grand sauveur" dans l'imaginaire collectif des Valenciens, le nouveau canal a, de fait, "rempli sa mission", note Iván Portugués, géographe à l'université de Valence et auteur d'une thèse sur la déviation du Turia. Les eaux du fleuve n'ont pas atteint le centre-ville et ont été redirigées. Mais où, et avec quelles conséquences ?

La banlieue sud a-t-elle été sacrifiée ?

Plus au sud, la Rambla del Poyo, un cours d'eau habituellement à sec, est en crue ce 29 octobre, gonflée par "les eaux venues de la montagne, [qui] n'ont plus d'issue naturelle. Elles se sont heurtées aux digues et à l'autoroute, rejoignant les eaux de la Rambla del Poyo", explique le géographe. Bloquée par les digues du canal (c'est "l'effet barrière"), toute cette eau est renvoyée vers la banlieue sud, aggravant les inondations. 

"En déviant le fleuve (...), nous protégeons une partie de la ville, mais nous aggravons la situation dans les zones les plus proches de ce nouveau lit."

Iván Portugués, géographe

dans "Envoyé spécial"

La banlieue sud a-t-elle été sacrifiée ? En amont de la Rambla del Poyo, un barrage devait être construit pour limiter la violence des crues. Mais à cause de la crise financière de 2008, le projet n'a pas abouti. Pendant ce temps, l'urbanisation, elle, a progressé. Les champs ont été grignotés par les zones industrielles et les programmes immobiliers, qui ont imperméabilisé les sols. En traversant ces quartiers, l'eau a gagné en vitesse, et pris les habitants par surprise.

Extrait de "Valence, sous les eaux : les oubliés de la crue", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 13 février 2025.

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