: Vidéo Quand des services de préfecture sous pression placent des étrangers en centre de rétention "pour placer, histoire de donner une leçon", "avoir les fesses propres si le mec fait une connerie…"
L'emballement médiatique autour de drames impliquant des étrangers sous OQTF conduirait-il certains fonctionnaires à des excès de zèle ? Recrutée dans le service "éloignement" d'une préfecture, une journaliste de "Complément d'enquête" a pu constater de petits arrangements avec le droit… Extrait en caméra cachée d'une plongée au cœur d’une administration sous pression.
Si l'on en croit les ministres de l'Intérieur successifs, ce serait les étrangers sous OQTF les plus dangereux qui seraient renvoyés dans leur pays en priorité. Le temps d'organiser cet "éloignement", les autorités peuvent les placer en centre de rétention administrative (CRA, pour une durée maximale de 90 jours), ou les assigner à résidence.
Comment les préfectures décident-elles de ces placements ? Après cinq mois de demandes de tournage sans réponse, "Complément d'enquête" a opté pour le plan B. Une des journalistes de l'équipe s'est fait embaucher dans le "bureau éloignement" d'une préfecture.
Le service est chargé notamment de placer en CRA les étrangers condamnés par la justice, mais aussi les "TOP" (pour "trouble à l'ordre public"). Six personnes travaillent ici : des fonctionnaires, mais aussi des contractuels, comme notre journaliste.
Une conception très large du "trouble à l'ordre public"
Celle-ci va rapidement constater que dans cette catégorie des TOP, les agents de la préfecture mettent beaucoup de monde. Tous les dossiers qui transitent concernent des étrangers avec ce profil, lui explique un de ses collègues. Cela va du "TOP ++" pour séquestration, par exemple, au "TOP - - - -", pour consommation de stupéfiants ou même défaut de permis de conduire. A les écouter, ce ne sont donc pas toujours les profils dangereux qui sont placés en centre de rétention.
Les agents ont une conception très large des troubles à l’ordre public, une notion selon eux mal définie par la loi... que chacun va donc interpréter à sa manière, avant de soumettre le cas au responsable du service. "Il n’y a pas de cadre légal ici", "C’est n’importe quoi, en fait", finissent par reconnaître deux d'entre eux.
Des rétentions pour défaut de ticket de transport
Ces petits arrangements avec le droit sont confirmés par un magistrat qui siège dans un tribunal administratif. Il annule régulièrement des rétentions pour de soi-disant "troubles à l’ordre public" qui ne représentent aucune menace réelle pour la société. "J’ai eu un vol de bicyclette trois ou quatre ans auparavant, un collègue m’a raconté qu’il avait eu un vol à 6 ou 8 euros, témoigne-t-il (anonymement). On a dû juger quelqu’un qui avait été placé en rétention parce qu’il n’avait pas de ticket de transport..."
Le placement en CRA, un moyen de se couvrir en cas de scandale
Au bout de quelques jours, notre journaliste voit passer un dossier de trouble à l’ordre public pour lequel elle demande des explications. Il concerne un étranger en situation irrégulière sans antécédents judiciaires, interpellé parce qu’un cutter dépassait de sa poche. S'agit-il vraiment d'un trouble à l’ordre public ? Pour sa supérieure, oui, sans hésitation. De toute façon, conclut-elle, "c’est un placement pour placer, histoire de lui donner une leçon".
Car le placement en CRA serait aussi un moyen pour les préfectures de se couvrir, "comme ça, au moins, si le mec fait une connerie…" Parce que dans ces cas-là, explique la cheffe de service à la journaliste infiltrée, dans les médias, "directement on dit 'Ah, il était sous OQTF, et la préfecture n’a pas fait ceci'… Et du coup, les préfectures doivent rendre des comptes à ce moment-là. Donc il y a un gros stress, et on essaie d’avoir un peu les fesses propres…"
La hantise de ces fonctionnaires : qu’on leur reproche de ne pas avoir tout fait pour maintenir sous surveillance un étranger visé par une OQTF, que ce soit par un placement en centre de rétention administrative ou par une assignation à résidence…
Extrait de "OQTF, quatre lettres qui divisent la France", à voir dans "Complément d'enquête" le 23 janvier 2025.
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