: Vidéo "C’est utopique, mais ce n'est pas une raison pour ne pas essayer", le botaniste Francis Hallé rêve d'une forêt primaire en Europe de l'Ouest... dans sept siècles
Après avoir dirigé plusieurs expéditions scientifiques à travers le monde, le passionné des arbres Francis Hallé souhaite redonner à la forêt la place qu'elle mérite. Le botaniste se bat pour faire émerger, dans sept siècles, une forêt de 70 000 hectares en Europe de l'Ouest.
Le botaniste de renom Francis Hallé a passé sa vie à arpenter les forêts du monde entier. Connu plus particulièrement pour son exploration de la canopée équatoriale en Guyane française à l’aide de son "radeau des cimes", un laboratoire mobile déposé au sommet des arbres par un ballon dirigeable, le scientifique a fait évoluer notre perception du végétal.
Enseigné à l’école, le principe de la photosynthèse est connu de tous : les arbres absorbent le gaz carbonique (CO2) par leurs feuilles, ils se nourrissent du carbone (C) et rejettent l’oxygène (O2) dans l’air. Aux équipes de "13h15 le dimanche(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)" (Facebook(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)), l'explorateur tient cependant à rappeler un fait essentiel à notre survie : "Il faut savoir qu’il n’y a pas d’autres sources d’oxygène sur la planète que la photosynthèse. Nous dépendons des plantes pour notre respiration."
Les arbres communiquent et s'entraident
En plus d’être un producteur naturel d'O2, les arbres ont aussi la capacité de communiquer entre eux, et même d'être solidaires. Une réalité démontrée, entre autres, par des scientifiques espagnols ; alors que des cyprès étaient traversés par des feux de forêt, ils ne brûlaient pas. "Les cyprès 'dégazent', c’est-à-dire qu’ils envoient dans l’atmosphère toutes les molécules inflammables, explique Francis Hallé. Le feu finit par arriver, mais c’est comme un sac plein d’eau, donc ils ne brûlent pas. Mais ce qui est plus intéressant encore, c’est que toutes ces molécules volatiles descendent le vent et atteignent des cyprès qui sont encore très loin du feu et dont la température n'a pas du tout augmenté." Un message chimique à destination de leurs congénères que le scientifique traduit par "Attention les amis, le feu arrive, donc c’est le moment de dégazer".
De retour de ses expéditions dans les forêts tropicales primaires, dites "naturelles" (c’est-à-dire celles qui n’ont pas été endommagées par l’activité humaine), Francis Hallé a constaté qu’il n’existait plus que des forêts secondaires en France. Beaucoup d'arbres ont été abattus et certains animaux ont disparu à cause de la chasse.
Les plantes méprisées... La faute à Aristote !
Le biologiste s’est alors lancé dans un nouveau grand projet : reconstituer une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Un territoire qui représenterait 70 000 hectares, situé soit entre les Ardennes françaises et l’Ardenne belge, soit entre la Rhénanie-Palatinat allemande et les Vosges françaises. La seule contrainte pour y parvenir, c’est le temps : "C’est parfaitement faisable mais c’est long. On compte sept siècles. C’est utopique car qu’est-ce qu’il en sera dans sept siècles ? Est-ce qu’il y aura encore l’Europe ? Est-ce qu’il y aura encore la France ? Personne n’en sait rien. Mais à mon avis, ce n’est pas une raison pour ne pas essayer", affirme le botaniste confiant.
Pour faire émerger une forêt primaire, il faut supprimer toute activité humaine car même le bois mort représente un véritable intérêt pour son écosystème. Souvent synonyme de manque d’entretien, il a pourtant capté le CO2 et les minéraux, et "si on le sort, c'est perdu pour la forêt" signale Francis Hallé. Selon lui, le manque de valorisation des résidus végétaux est un héritage d’un célèbre philosophe : "Les gens aiment que ce soit propre. Cette notion de propreté est opposée à la biologie. Il ne faut pas qu’il y ait de petites plantes au bas des murs... Les plantes sont méprisées… Il y a un coupable pour ça : Aristote ! Vingt-cinq siècles en arrière, c’est lui qui a dit que les plantes étaient une forme de vie inférieure. Les plantes, ça ne parle pas et ça ne marche pas, donc pour lui, c’est évidemment une forme de vie inférieure. Eh bien, on est encore sur les idées d’Aristote."
Extrait de la série "La magie des arbres", diffusée dans "13h15 le dimanche(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)" le 20 avril 2025.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo, rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter