: Entretien Canicule en France : "C'est ce à quoi nous devons nous attendre au cours des prochaines années", prévient le climatologue Jean Jouzel
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L'ancien vice-président du Giec Jean Jouzel était invité de franceinfo lundi, pour évoquer l'épisode de chaleur exceptionnel qui s'abat sur la France.
Depuis le début du mois d'août, la France est confrontée à une vague de chaleur exceptionnelle, selon Météo-France. Les températures atteignent les 40°C, voire plus, dans certaines régions du pays. Des épisodes caniculaires qui semblent de plus en plus récurrents. Alors doit-on s'y préparer ? Invité sur franceinfo lundi 11 août, Jean Jouzel, ancien vice-président du Giec, alerte sur la "répétition" des canicules auxquelles la France est confrontée. "Dans un réchauffement climatique qui serait de l'ordre de trois ou quatre degrés à l'échelle planétaire, une bonne moitié de la planète connaîtrait ces températures invivables", affirme-t-il.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Franceinfo : Comment qualifieriez-vous cet épisode caniculaire ? Est-il exceptionnel ?
Jean Jouzel : C'est un événement qui risque de devenir de plus en plus fréquent, de plus en plus normal. Nous sommes dans une intensification des événements extrêmes, en particulier de ces canicules qui deviennent vraiment à répétition. En France, il y a eu deux fois plus de canicules depuis 2010 qu'il y en a eu entre 1950 et 2010. Donc, je crois malheureusement qu'il faut nous habituer et même anticiper une intensification de ces phénomènes au cours des prochaines décennies. Il faut s'y préparer. Dans le contexte du réchauffement climatique que nous vivons, c'est plutôt ce à quoi nous nous attendons. C'est quelque chose d'assez exceptionnel, mais c'est ce à quoi nous nous attendons, et nous devons nous attendre au cours des prochaines années.
Tout le Sud-Ouest est en vigilance rouge au moins jusqu'à demain. Cela signifie-t-il que les régions touristiques de demain ne seront plus celles d'aujourd'hui ?
Oui, ça joue sur beaucoup de choses. Il y a aussi la conjonction entre les sécheresses et les vagues de chaleur qui interrogent et qui posent des questions dans certaines régions touristiques. Effectivement, ce n'est pas très agréable d'avoir des journées où les températures atteignent 40 degrés. Donc, ça interroge sur le tourisme.
Dans certaines régions, cela pourrait être effectivement moins présent et, par exemple, le pourtour méditerranéen, le Sud-Ouest, peut-être moins la Bretagne, où les températures restent plus clémentes.
"Tous les secteurs d'activité sont interrogés, de l'énergie en passant par l'agriculture à notre vie quotidienne. Il y a aussi des conséquences sur les feux de forêt que nous avons vécus au cours des derniers jours."
Jean Jouzel, climatologueà franceinfo
On parle souvent de limites pour l'adaptation de la société à ces températures. À partir de quel niveau de chaleur et d'humidité, une société, même bien équipée comme la nôtre, ne peut plus s'adapter ?
La société peut s'adapter facilement, et c'est ce qui est au cœur de l'accord de Paris, si on limitait le réchauffement climatique, bien en deçà de 2 degrés en moyenne planétaire. Mais on se dirige davantage vers les 4 degrés, ce qui est beaucoup trop. On parle de températures humides lorsqu'elles dépassent les 35 degrés, avec une humidité de 80%. Et là, les températures deviennent invivables. C'est-à-dire des conditions dans lesquelles on ne peut pas avoir d'activité physique, d'activité sportive normale, à l'extérieur. C'est déjà arrivé en Iran, par exemple, où des températures dépassent 50 degrés. Ainsi, nous sommes dans un contexte de températures invivables.
Dans un réchauffement climatique qui serait de l'ordre de 3 ou 4 degrés à l'échelle planétaire, une bonne moitié de la planète connaîtrait ces températures invivables, donc la conjonction de températures élevées et d'humidité importante sur une partie de l'année. C'est très difficile d'imaginer un monde dans lequel il serait difficile de travailler normalement à l'extérieur, mais c'est ce qui risque d'arriver.
On parle beaucoup des températures records de jour, mais il y a aussi ces nuits tropicales qui épuisent les organismes...
Oui, elles sont inquiétantes parce que c'est la qualité de vie qui est attaquée, en particulier dans les villes, avec le problème des îlots de chaleur. La chaleur s'accumule dans les villes, dans les bâtiments, et donc elle est restituée la nuit, et les nuits tropicales sont encore plus difficiles. Il est plus compliqué d'y faire face dans les communes, en particulier, pour les populations les plus modestes. Le confort d'été a été largement oublié par nos architectes au cours des dernières décennies et très peu de bâtiments sont agréables à vivre.
Malgré tout, certaines villes tentent de s'adapter en ouvrant les piscines gratuitement ou les parcs, en créant des îlots de fraîcheur. Quelle est, parmi toutes les solutions, la plus efficace ?
La végétalisation est importante. La mise à disposition de points d'eau l'est également. C'est important, lorsque vous êtes à l'extérieur, d'avoir un accès à l'eau facile et gratuit. Et bien sûr, la peinture. Peindre les toits en blanc est aussi très efficace. D'ailleurs, beaucoup de pays le font. On voit bien que c'est traditionnel dans les pays méditerranéens. C'est malheureusement très difficile dans certaines régions françaises, par exemple dans le cas des bâtiments haussmanniens à Paris. C'est très important de pouvoir le faire, mais on ne peut pas actuellement. Les Bâtiments de France ne sont pas tout à fait d'accord avec ces méthodes, donc il risque d'y avoir aussi des conflits. C'est une solution assez intéressante, qui permet de diminuer les températures de quelques degrés quand on est sous les toits.
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