Jeux vidéo : "Les prédateurs sexuels savent parfaitement où trouver les jeunes", alerte Justine Atlan, directrice de l'association E-enfance/3018
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Invitée du "11h/13", Justine Atlan, directrice de l'association E-enfance/3018, alerte sur les dangers liés à l’usage de la plateforme Roblox par les mineurs, évoquant à la fois l’exposition à des prédateurs sexuels et les risques d’addiction, tout en soulignant l’importance de la vigilance et de l’accompagnement des parents.
Les jeux vidéo sont devenus des espaces de socialisation pour les jeunes. Roblox, en particulier, attire des millions d'enfants, parfois très jeunes, sur sa plateforme. Que retenir des risques liés à cet univers ? Justine Atlan, directrice de l'association E-enfance/3018, alerte sur les dangers potentiels pour les mineurs, entre exposition à des prédateurs sexuels et mécanismes d'addiction, dans le "11h/13" du vendredi 3 octobre. Elle est interviewée par Florence O'Kelly et Marianne Théoleyre, présentratrice de "C quoi l'info".
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Florence O'Kelly : Le danger que peut représenter Roblox, cette plateforme encore largement méconnue d'une grande partie des adultes qui n'ont pas d'enfants en âge d'y jouer, vous en aviez déjà pleinement conscience avant les récentes affaires qui l'ont mise en lumière ?
Justine Atlan : Oui, absolument. Les jeux vidéo constituent encore aujourd'hui un angle mort dans la protection des mineurs sur Internet. L'attention se porte davantage sur l'exposition à des contenus pornographiques ou sur les réseaux sociaux et c'est une sensibilisation nécessaire. Mais on oublie trop souvent que les jeux vidéo ne se limitent pas à une activité ludique. Ils sont aussi devenus de véritables espaces de socialisation : on y trouve des messageries, des forums… En réalité, Roblox et d'autres plateformes s'apparentent à des réseaux sociaux adossés à l'univers du jeu.
Ces espaces attirent particulièrement les adolescents, et plus souvent les garçons. Or, beaucoup de parents en ignorent les usages. Pourtant, il s'agit de lieux de rencontres, qui peuvent être enrichissantes mais aussi dangereuses. Les prédateurs sexuels savent parfaitement où trouver les jeunes, en ligne comme hors ligne. Et ces environnements, peu connus des adultes, leur offrent un terrain privilégié pour approcher des mineurs.
Marianne Théoleyre : La question qui se pose est celle de l'absence totale de vérification de l'âge sur ces plateformes. Comment est-ce possible, alors même que des adultes et des prédateurs peuvent y accéder librement ?
Justine Atlan : En effet, tout l'écosystème numérique, réseaux sociaux comme plateformes de jeux vidéo, s'est construit depuis vingt ans sans réelle mise en place de mécanismes de vérification d'âge. Concrètement, cela signifie que mineurs et adultes se retrouvent dans les mêmes espaces, sans possibilité de séparer les uns des autres.
Les plateformes affichent généralement une limite d'âge, souvent fixée à 13 ans, mais elles se contentent de demander une date de naissance sans aucun dispositif de contrôle. En conséquence, de nombreux enfants mentent sur leur âge pour accéder à ces services. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : on estime à 40 millions le nombre d'enfants de moins de 13 ans présents sur Roblox. Juridiquement, rien ne les en empêche aujourd'hui : il ne s'agit que de conditions générales d'utilisation, sans réel pouvoir contraignant. Ainsi, les mineurs de moins de 13 ans se retrouvent massivement sur des espaces qui ne leur sont pas destinés, exposés à des adultes, parfois des prédateurs, qui savent parfaitement comment les identifier et entrer en contact avec eux.
Florence O'Kelly : Au-delà de ce premier problème, se pose aussi celui de l'addiction. Certains réclament l'interdiction d'accès à ces plateformes avant 13 ans, parfois 15 ans. Or, dans le même temps, elles sont conçues pour attirer précisément ce jeune public et alimenter cette dépendance ?
Justine Atlan : Effectivement. Nous avons laissé se développer ces plateformes sans anticiper leur impact, comme cela a été le cas pour les réseaux sociaux. Leur modèle économique repose sur la captation de l'attention et sur des mécanismes conçus pour stimuler la production de dopamine à chaque interaction, qu'il s'agisse d'une vidéo, d'une story ou d'un contenu partagé. Ces procédés rendent les utilisateurs dépendants, mineurs comme adultes.
La différence, c'est que le cerveau des adolescents est en pleine construction. Les neurosciences ont montré qu'il est particulièrement vulnérable et que ces habitudes façonnent durablement son développement. Une fois ancrés, ces mécanismes sont difficiles à déconstruire.
On l'a vu avec TikTok : malgré l'absence initiale de preuves scientifiques formelles, les dégâts observés sont devenus suffisamment préoccupants pour que la France et la Commission européenne commencent à agir, en appliquant le principe de précaution et en introduisant de nouvelles régulations.
Marianne Théoleyre : Concrètement, que peuvent faire les parents, grands-parents ou proches pour accompagner les enfants dans ces usages ?
Justine Atlan : La première étape est de s'y intéresser, même si ce n'est pas évident. Il est essentiel de se renseigner, de poser des questions, d'engager la discussion avec l'enfant : "Connais-tu Roblox ? Y joues-tu toi aussi ?". Aux âges où les jeunes aiment encore partager ce qu'ils font, il est possible de découvrir leur univers et de valoriser leurs expériences. Il ne faut pas adopter uniquement un discours négatif, sinon l'enfant risque de se refermer. Il convient au contraire de reconnaître les aspects positifs, tout en posant des règles claires : des temps de connexion, des horaires, et une sensibilisation aux risques.
Enfin, il est important d'apprendre aux enfants à ne jamais communiquer d'informations personnelles en ligne. Les plateformes prévoient en principe des garde-fous interdisant l'échange de coordonnées, mais il appartient aussi aux parents de rappeler ces règles élémentaires de prudence.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
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