Trafic illégal : le commerce mondial d'insectes exotiques en pleine augmentation
C'est un trafic méconnu mais en plein essor : le commerce illégal d'insectes rares. En forte augmentation dans plusieurs pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, il est alimenté par un marché mondial très organisé où certaines espèces s'arrachent à prix d'or.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Depuis dix ans, un peu partout en France, des animaleries spécialisées ont vu le jour. Comme l'animalerie Ebugz, dans la banlieue de Valenciennes. Julien Parmentier, le propriétaire du magasin, a reçu le matin de notre visite un nouvel arrivage, venu d'Afrique. "Ça a l'air de venir du Cameroun. Donc, c'est passé par le Nigeria et c'est repassé, du coup, par Charles de Gaulle", commente-t-il.
À l'intérieur, on trouve une centaine de petites bêtes que Julien va mettre en vente. "Dans cette caisse, on a plein de choses, des belles araignées. Ça, c'est super joli. On va avoir aussi un peu de criquets, des mille-pattes géants, et aussi tout ce qui va être coléoptères", ajoute-t-il. Ils deviendront des animaux de compagnie, installés dans des terrariums chez les particuliers. "Je pense que c'est le côté original de la chose. On était habitués à avoir le poisson rouge, le hamster, le cochon d'Inde, etc. Et en fait, les gens ont voulu changer un petit peu", poursuit le fondateur de l'animalerie.
Les fourmis en vogue
Et il y a un insecte qui fait fureur : les fourmis exotiques, à garder à la maison. De plus en plus demandées, leurs prix s'envolent : plus de 300 euros pour certaines fourmis. Un marché colossal qui attire les convoitises. À côté des filières d'importation légales, Julien reçoit régulièrement des propositions de trafiquants en anglais sur son téléphone.
"Une cinquantaine, une soixantaine d'espèces différentes, avec des prix toujours ultra intéressants. Je sais qu'il n'y aura pas de facture, je sais que ce ne sera pas envoyé par cargo, donc les animaux vont rester dans leur carton peut-être une semaine, une semaine et demie, voire deux semaines. Si ça passe, ils peuvent gagner 2 000, 3 000, 4 000 euros en ayant investi 100 ou 200 euros", dévoile Julien Parmentier. Lui refuse toujours, mais ce trafic méconnu est en plein essor.
Un trafic qui prend de l'ampleur
Récemment, deux jeunes Belges ont été arrêtés au Kenya avec des complices locaux et jugés lors d'un procès ultramédiatisé. Dans leurs valises, les douaniers ont retrouvé 5 000 fourmis enfermées dans des tubes à essai. Elles étaient destinées aux marchés européens et asiatiques pour une valeur totale de dizaines de milliers d'euros au moins à la revente. C'est dans la région de Naivasha au Kenya qu'ils ont été arrêtés.
Ils se trouvaient dans un petit hôtel, aujourd'hui fermé et dont les propriétaires refusent de nous répondre. Quand les enquêteurs sont venus perquisitionner l'établissement en avril dernier, ils ont découvert que les deux Belges étaient en train d'enfermer une à une des fourmis dans ces seringues.
Un réseau de ramassage des fourmis
Mais ce ne sont pas eux qui les ont ramassées. Tout un réseau s'est mis en place pour faire face à la demande. Des intermédiaires, des revendeurs... Nous sommes remontés jusqu'aux petites mains qui récoltent les insectes. Ces hommes, qui veulent rester anonymes, ont repéré une fourmilière. Ils la récupèrent en quelques coups de machette. Ce qui les intéresse, c'est la reine qui vaut beaucoup plus cher. À la base, ils sont agriculteurs, mais ce commerce s'est rapidement avéré beaucoup plus rentable.
"Nous étions au champ et un homme nous a demandé si on pouvait lui trouver des insectes. Il a dit qu'il nous paierait pour ça. Au début, quand il venait, il nous donnait environ 20 euros. Mais aujourd'hui, pour une reine, il paie plus de 30 euros. C'est un Kényan, mais nous n'avons pas le droit de le contacter. Même quand nous avons de la marchandise, c'est toujours lui qui nous contacte et revend tout de suite à d'autres personnes", déclarent-ils.
Un développement du trafic qui inquiète
Le marché a pris une ampleur sans précédent au Kenya et commence à inquiéter les scientifiques, comme Dino Martins, entomologiste et biologiste. Il nous emmène voir une fourmilière géante, non loin de la capitale Nairobi. Cette espèce est la plus recherchée par les amateurs : la Messor cephalotes, communément appelée fourmi moissonneuse. "Les fourmis moissonneuses figurent parmi les plus exceptionnelles et les plus célèbres fourmis que nous connaissons", explique le scientifique.
Exceptionnelles par leur taille, ces fourmis disposent d'une reine mesure jusqu'à 2 cm et demi, et par leur couleur et leur tête rouge. Elles sont surtout indispensables pour l'écosystème local. "Que l'on soit un rhinocéros, un buffle, une girafe ou un être humain, on devrait tous être reconnaissants envers les fourmis. Car en dispersant les herbes et en construisant des galeries, elles jouent un rôle écologique. Elles sont une espèce charnière. Sans elles, la savane ne pourrait pas fonctionner", conclut Dino Martins.
Le Kenya est déjà un des pays les plus touchés par le trafic d'animaux sauvages : éléphants, rhinocéros et aujourd'hui, fourmis. Au niveau mondial, selon Interpol, ce trafic organisé de la faune sauvage génère chaque année près de 20 milliards d'euros.
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