Motion de censure maintenue à gauche, soutien de la droite, incertitude du PS… Les réactions politiques à la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu

Lors de sa prise de parole devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Sébastien Lecornu a présenté les grandes lignes de son projet politique. Une déclaration de politique générale qui suscite de vives réactions dans la classe politique.

Article rédigé par franceinfo
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Le premier Ministre Sébastien Lecornu a prononcé mardi 14 octobre sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)
Le premier Ministre Sébastien Lecornu a prononcé mardi 14 octobre sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)

Une demi-heure de discours. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a prononcé mardi 14 octobre son discours de politique générale devant les députés. Parmi les annonces fortes : la suspension de la réforme des retraites jusqu'à l'élection présidentielle, la création d'une contribution exceptionnelle des grandes fortunes ou encore la promesse de renoncer à l'utilisation de l'article 49.3. Les différents représentants des partis politiques ont ensuite pris la parole à la tribune.

LFI maintient sa motion de censure, votée par les écologistes

"Défenseurs de la République parlementaire, les Insoumis ne font pas confiance à la seule suppression du 49.3", rappelle Jean-Luc Mélenchon, fondateur et leader de LFI sur X. "Les promesses n'engagent que ceux qui les croient", continue-t-il. La France insoumise a déposé une motion de censure contre le gouvernement Lecornu II, qui sera examinée jeudi 16 octobre à l'Assemblée nationale.

Manuel Bompard, coordinateur national de la France insoumise, dénonce une simple "temporisation" et appelle de son côté les socialistes à "désobéir et voter la censure". "Il n'aura eu qu'une temporisation puisque la proposition du Premier ministre revient à inscrire dans la loi le redémarrage de la réforme Borne au 1ᵉʳ janvier 2028", réagit Manuel Bompard.

Le groupe écologiste et social "ira à la censure", confirme la présidente du groupe des Verts à l'Assemblée nationale Cyrielle Chatelain, "parce que nous refusons d'assister sans réagir à l'accaparement du pouvoir par Emmanuel Macron", déclare-t-elle, déplorant également une "petite suspension" de la réforme des retraites, alors que les écologistes avaient demandé son abrogation. Une ligne confirmée par Marine Tondelier quelques minutes plus tard sur les réseaux sociaux.

La Droite républicaine ne votera pas la censure

Au contraire, "nous ne censurerons pas a priori" le gouvernement de Sébastien Lecornu, assure Laurent Wauquiez, le président du groupe de la Droite républicaine à l'Assemblée nationale. "Nous nous engageons, conscients des compromis nécessaires, pour que des lois indispensables soient adoptées", déclare Laurent Wauquiez, premier à prendre la parole après Sébastien Lecornu.

"Nous ne censurerons pas un gouvernement a priori et nous ne ferons pas partie de ceux qui feront tomber les Premiers ministres. La France a besoin d'un minimum de stabilité", clame le chef de file LR à la tribune de l'Assemblée.

"Couper la tête du Premier ministre n'a jamais fait un euro d'économie", affirme de son côté le député LR Antoine Vermorel-Marques au micro de franceinfo. Il appelle à constituer un budget et une "stabilité pour le pays". Le député LR "souhaite des économies pour que cette suspension (de la réforme des retraites) ne soit pas payée par les impôts des Français". D'ailleurs, il assure que lui ne votera pas cette suspension de la réforme des retraites.

L'ancien ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a lui pris le temps d'écrire un long message sur X dans lequel il dénonce les concessions faites par Sébastien Lecornu au PS, qu'il accuse d'être "l'otage des socialistes".

Terme repris quelques minutes plus tard, toujours sur le réseau social, par Éric Ciotti, le président de l'Union des Droites pour la République.

Le Rassemblement national tacle LR

À l'extrême droite, la réaction ne s'est pas fait attendre. Quelques minutes après la prise de parole de Laurent Wauquiez, Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, a écrit sur X : "À la différence du PS, LR ne s’est pas vendu à la Macronie, il s’est donné."

Les socialistes ne censurent pas, mais restent vigilants

Le Parti socialiste demandait la suspension de la réforme des retraites pour ne pas censurer le gouvernement. Après cette concession obtenue, donc, auprès du chef du gouvernement, les députés PS ont annoncé se réunir mardi à partir de 16h, a appris franceinfo auprès de sources parlementaires.

Après cette réunion, Boris Vallaud est à son tour monté à la tribune. Il a salué "une victoire" et "un premier pas". Le président du groupe PS s'est dit prêt à faire le "pari" d'un débat dans l'hémicycle sur le projet de budget 2026, plutôt que de censurer cette semaine le gouvernement de Sébastien Lecornu.

Mise au tiroir de la censure confirmée dans la soirée par deux fois : "À ce stade, nous ne censurerons pas", avance Dieynaba Diop, porte-parole du PS, au micro de franceinfo. "Nous ne censurerons pas" réitère Olivier Faure sur TF1.

M. Vallaud a toutefois laissé planer la menace d'une censure plus tardive en fonction des débats : "Nous sommes capables de faire des compromis (...) Nous sommes capables de renverser un gouvernement", a-t-il lancé. "Si la sincérité du débat n'est pas faite, nous nous réservons le droit de pouvoir censurer à tout moment", a pour sa part prévenu Dieynaba Diop.

Malgré ces consignes, le député socialiste Paul Christophle annonce mardi soir qu'il votera la censure. "Le compte n’y est pas. Jeudi, je censure", écrit-il sur X.

Le PCF salue une première victoire

La suspension de la réforme des retraites annoncée par le Premier ministre est "une première victoire pour les 500 000 salariés qui en profiteront dès cette année", salue le patron du Parti communiste, Fabien Roussel. "Poursuivons le combat jusqu'à l'abrogation et pour un financement juste !", écrit sur X le dirigeant du PCF, dont les députés à l'Assemblée avaient, avant le discours du Premier ministre, annoncé leur volonté de voter la censure du gouvernement.

Modem et Horizons contre la suspension

La suspension de la réforme des retraites jusqu'à la prochaine présidentielle, est "une dangereuse facilité", a répondu Paul Christophe, patron des députés du parti d'Edouard Philippe (Horizons).
"Suspendre la réforme des retraites pour offrir une victoire politique, aussi symbolique qu'éphémère, au groupe socialiste est une dangereuse facilité", a alerté Paul Christophe, depuis la tribune de l'Assemblée. L'ancien Premier ministre Edouard Philippe est, lui aussi, opposé à cette suspension.

Lors de son passage, Marc Fesneau a également critiqué cette annonce du premier Ministre : "Suspendre cette réforme, c'est un risque pour nos finances publiques" et un risque pour "la pérennité de notre modèle social", a estimé le président des députés Modem à l’Assemblée Nationale.

La CFDT se réjouit, la CGT enfonce le clou

L'enthousiasme du PCF est partagé par la CFDT, pour qui la suspension de la réforme des retraites est "une vraie victoire pour les travailleuses et travailleurs". "Pour les prochaines années, ce sont 600 000 à 700 000 d’entre elles et eux qui, par an, vont bénéficier de cette suspension", s'enthousiasme le syndicat. Le syndicat voit enfin dans cette suspension "une première réponse à la blessure démocratique".
Réjouissance également dans les bureaux de la la CFTC : "C'est répondre positivement à tous ces millions de Français qui ont manifesté pendant des mois", salue sur franceinfo Pascale Coton, vice-présidente du syndicat. À l'Assemblée nationale, Sébastien Lecornu a aussi proposé d'organiser avec les partenaires sociaux une Conférence sur les retraites. "On va poser une condition" pour y participer, prévient la vice-présidente, "on veut que lors de cette conférence, on puisse travailler sur la retraite en faisant en sorte que ce soit une réforme systémique, c'est-à-dire revoir tout le système", dit-elle.

En revanche, le Medef estime que "les mesures annoncées [...] ne sont pas à la hauteur de [l'] ambition" de "stabilité durable" de la France. Le Medef se dit "très préoccupé par un climat économique français et international dégradé", qui n'est "pas pris en compte dans les annonces du Premier ministre". 

Même scepticisme chez la CGT : "Décaler n'est pas bloquer, ni abroger", déclare le syndicat dans un communiqué. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a appelé sur France Inter les parlementaires à "aller plus loin" et à "mettre en place un vrai blocage" de la réforme des retraites. "On n'acceptera pas un nouveau 'conclave'", tranche Sophie Binet.

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