Protection policière, secrétariat, voiture de fonction... Comment Sébastien Lecornu veut mettre fin aux "avantages à vie" des anciens ministres dès 2026

Le nouveau Premier ministre ne compte pas supprimer le droit de ses prédécesseurs à une voiture avec chauffeur, mais le limiter à 10 ans. Leur sécurisation et celle des ex-ministres de l'Intérieur sera aussi soumise à une limite de temps, à moins d'une menace persistante.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre Sébastien Lecornu lors d'une visite d'un centre départemental à Mâcon (Saône-et-Loire), le 13 septembre 2025. (JEFF PACHOUD / AFP)
Le Premier ministre Sébastien Lecornu lors d'une visite d'un centre départemental à Mâcon (Saône-et-Loire), le 13 septembre 2025. (JEFF PACHOUD / AFP)

Fini le chauffeur et la voiture de fonction "à vie" pour les anciens Premiers ministres. Les avantages octroyés sans limite de temps aux ex-chefs du gouvernement, ainsi qu'à tous les ex-ministres, seront "supprimés" dès 2026, a annoncé le nouveau titulaire de la fonction, Sébastien Lecornu, lundi 16 septembre. Il n'est "pas concevable" qu'ils "puissent bénéficier d'avantages à vie en raison d'un statut temporaire", a justifié le Premier ministre, confirmant la mise en place dès le 1er janvier 2026 de cette mesure d'économies.

Ce tour de vis doit aussi concerner les mesures de sécurité accordées aux ex-membres du gouvernement. "La protection policière ne sera accordée aux anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur que pour une durée limitée et reconduite en fonction de la réalité du risque", a détaillé Sébastien Lecornu sur X. Tous les autres moyens qui étaient mis à disposition à vie pour les anciens Premiers ministres – personnel et véhicule – "le seront dorénavant pour une durée limitée".

Des limites aux moyens alloués aux "ex" de Matignon

Jusqu'ici, les anciens Premiers ministres (aujourd'hui au nombre de 17) ont droit à une voiture avec chauffeur pour une durée illimitée, sauf s'ils disposent déjà d'un véhicule dans le cadre d'un mandat ou d'une fonction publique. Cet avantage ne va pas disparaître, mais Sébastien Lecornu veut le limiter à une durée de dix ans après leur départ de Matignon, précise son entourage à franceinfo.

Cette limite de temps existe déjà, depuis un décret de 2019, pour l'autre avantage accordé aux anciens chefs du gouvernement : la mise à disposition d'un secrétaire particulier. Ce droit s'arrête par ailleurs à l'âge de 67 ans – ainsi, ni Michel Barnier, ni François Bayrou ne peuvent donc en bénéficier. Les ministres ayant quitté leurs fonctions avant 2019 ont encore droit à cet avantage jusqu'en 2029, quel que soit leur âge, même si certains (Alain Juppé, Jean-Marc Ayrault et Edouard Balladur) ne le demandent plus, selon Matignon.

En 2024, les frais liés au secrétariat et aux voitures avec chauffeur des anciens Premiers ministres ont coûté 1,58 million d'euros à l'Etat, sans compter les mesures de sécurité. Une goutte d'eau à l'échelle de la dette française, qui s'élève à quelque 3 300 milliards d'euros, mais une somme comparable aux dépenses liées aux anciens présidents de la République (Nicolas Sarkozy et François Hollande), qui ont atteint 1,32 million d'euros en 2023. L'addition a par ailleurs augmenté en 2024 "du fait de la prise en compte de trois nouveaux anciens Premiers ministres au cours de l'exercice" (Elisabeth Borne, Gabriel Attal puis Michel Barnier), précisait Matignon en mai dernier, en réponse au député RN Matthieu Marchio.

Dans le détail, les anciens chefs de gouvernement ne pèsent pas tous autant dans le budget. Jean Castex, devenu président de la RATP, n'a droit qu'à un véhicule et n'a coûté à l'Etat que 4 225 euros en 2024. Rien n'a été dépensé cette même année pour Edouard Philippe, maire du Havre, ni pour Laurent Fabius, alors président du Conseil constitutionnel – un poste qu'il a cependant quitté en mars dernier, lui donnant à nouveau droit aux avantages des anciens Premiers ministres. Elisabeth Borne et Gabriel Attal, "une fois repris leur mandat de député, ne pouvaient également plus bénéficier que du recours à un véhicule de fonction et à un conducteur". A l'inverse, la note de Dominique de Villepin s'est élevée à 207 072 euros et celle de Bernard Cazeneuve à 198 290 euros.

"Les anciens Premiers ministres n'ont aucune enveloppe à leur disposition qu'ils pourraient dépenser à leur guise", s'était justifié ce dernier en 2024, auprès du Dauphine libéré. "Ils bénéficient d'un véhicule, d'un chauffeur et d'une protection. Il s'avère que j'ai été aussi ministre de l'Intérieur, notamment pendant les trois ans où j'ai été amené à lutter contre le terrorisme. Donc, je bénéficie de ce fait d'une protection qui m'accompagne en permanence, lorsque je me déplace."

Un encadrement de la protection policière

Les annonces de Sébastien Lecornu concernent aussi l'attribution d'une protection policière, une pratique qui n'était pas encadrée jusqu'ici. Ce dispositif de sécurité est aujourd'hui accordé "sur décision du ministre de l'Intérieur en vertu d'une tradition républicaine non écrite qui prévoit la protection, sans limitation de durée, des anciens Présidents de la République, anciens Premiers ministres et anciens ministres de l'Intérieur", détaillait un rapport de l'Assemblée lors de la préparation du budget 2025. 

La protection sera désormais limitée à trois ans pour les anciens Premiers ministres et à deux ans pour les anciens ministres de l'Intérieur, mais pourra être reconduite en cas de menace, précise l'entourage du Premier ministre. Rien ne change pour les autres anciens ministres, qui ne pouvaient bénéficier d'une protection qu'en cas de menace avérée. Une instruction du chef du gouvernement à l'attention de la Direction générale de la police nationale (DGPN) permettra de créer "un cadre" relatif à la "protection policière" des anciens Premiers ministres et ministres de l'Intérieur, a détaillé Matignon.

La liste des anciens membres du gouvernement qui en bénéficient n'est pas publique, pour des raisons de sécurité. Et le coût actuel de cette protection policière est inconnu – il n'est pas compris dans les dépenses communiquées par Matignon pour l'année 2024. En 2019, un rapport parlementaire avait évalué ces dépenses de sécurité autour de 2,8 millions d'euros par an. L'année suivante, dix anciens chefs de gouvernement étaient protégés par des agents du service de la protection (SDLP) du ministère de l'Intérieur, selon la réponse apportée par le gouvernement à la députée LREM Aude Bono-Vandorme. Depuis, la liste des ex s'est allongée et avec elle, peut-être, la liste des bénéficiaires.

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