"Le compte n'y est pas" : comment les déclarations de François Bayrou ont fait basculer le Parti socialiste, qui menace désormais de voter la censure

Le discours de politique générale du Premier ministre, à l'Assemblée, a refroidi les troupes d'Olivier Faure, mardi après-midi. Quelques heures plus tôt, un accord semblait pourtant possible, notamment après des négociations difficiles sur la réforme des retraites.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec le service politique de France Télévisions
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Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, et le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, à Matignon, le 16 décembre 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, et le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, à Matignon, le 16 décembre 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Dès le début de son interview sur TF1, peu après 20 heures, mardi 14 janvier, Olivier Faure donne le ton : "Le compte n'y est pas", lâche le premier secrétaire du Parti socialiste. A ses yeux, les déclarations de François Bayrou sur le devenir de la réforme des retraites ne sont pas, en l'état, satisfaisantes. Conspué par La France insoumise, le patron du PS reprend, au moins pour un temps, ses habits de cadres de l'opposition. "A ce stade, nous censurerons, sauf si nous avons une réponse claire"  dans les 48 heures sur le sujet, assure-t-il.

Douze heures plus tôt, l'ambiance était pourtant tout autre. "Nous sommes peut-être à quelques heures d'un accord possible", avance prudemment le même Olivier Faure, vers 8h40, sur RMC, après de longues et difficiles négociations entre son parti et le gouvernement. Le PS entend ainsi arracher certaines avancées dans la politique menée par François Bayrou, en échange d'un accord de non-censure qui verraient les socialistes ne pas joindre leurs voix à celles de leurs alliés à gauche qui souhaitent, dès cette semaine, faire chuter le successeur de Michel Barnier.

"Toutes les hypothèses sont sur la table"

Les demandes portent avant tout sur la réforme des retraites. Les socialistes veulent sa suspension dès le début de la renégociation de la réforme, envisagée pour six mois, et non uniquement en cas de succès de celle-ci. Les 65 députés du groupe déchantent dans l'après-midi. Dans son discours, François Bayrou annonce certes "remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref, et dans des conditions transparentes", en se basant sur des chiffres fournis prochainement par la Cour des comptes. Mais le chef du gouvernement ne prononce pas les mots "gel", "suspension" ou "pause".

Le PS ne retrouve pas non plus dans cette déclaration de politique générale d'autres mesures qu'il croyait avoir obtenues. Les versions précédentes du projet de loi de finances visaient ainsi la suppression de 4 000 postes dans l'Education nationale, en 2025, mais le Premier ministre ne les mentionne alors pas. "Il y a un décalage entre les mesures promises et celles annoncées. Oui, toutes les hypothèses sont sur la table", estime un cadre PS à la fin du discours de François Bayrou.

"On se pose la question de la censure, pas de manière unanime, mais quand même", ajoute une députée. Les élus socialistes décident de se réunir après la prise de parole de Boris Vallaud, en tant que président de groupe. A la tribune, l'élu des Landes montre son mécontentement. "Où sont vos engagements ?", lance-t-il au Premier ministre, évoquant, outre les principaux dossiers, la contribution des hauts patrimoines, la taxe sur les transactions financières ou encore les dépenses en faveur de l'hôpital public. Le socialiste ne donne aucune indication sur la décision finale de ses troupes et décide de renvoyer la balle dans le camp du Premier ministre. "On attend de voir ce que François Bayrou va répondre à Boris Vallaud. On se réunira après pour décider de la suite", explique-t-on au PS.

Dans sa réponse, François Bayrou apporte plusieurs précisions sur ses intentions. Non, il n'y a pas de "tabou", selon lui, sur la renégociation prévue entre les partenaires sociaux à propos des retraites. Il n'y aura pas non plus 4 000 suppressions de postes d'enseignants, dans l'Education nationale, promet le Béarnais, tout en insistant sur les difficultés de recrutement. Les dépenses pour l'Assurance-maladie seront quant à elles revues à la hausse, de 3,3% cette année (contre 2,8% prévus initialement), ajoute-t-il, alors qu'une "taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines" est en projet.

Quelques minutes plus tard, lors d'un énième échange, Olivier Faure joue l'attaque et renvoie la balle dans le camp du Premier ministre avant le début prévu des concertations, vendredi. La journée laisse cependant un goût amer aux socialistes qui affichent leur volonté de trouver un accord. "Je suis agacé", souffle Jérôme Guedj, député PS. "François Bayrou a 48 heures pour être vraiment sécurisant, nous donner des garanties."

Une union à gauche en péril

Cette longue journée à l'Assemblée nationale montre aussi la grande fragilité de l'union de la gauche. Le PS a mis le Nouveau Front populaire "à terre" en négociant avec le gouvernement sur les retraites, accuse Jean-Luc Mélenchon devant des journalistes. Le leader de La France insoumise raille aussi les concessions "grotesques" accordées, selon lui, par François Bayrou.

"Ça risque de coincer avec les partenaires du NFP. On craint moins les insoumis que le PCF ou les écologistes", expliquait un cadre du PS avant le discours de François Bayrou. "Nous, on a mené les négociations, on a obtenu des trucs, mais les écologistes n'ont rien obtenu sur l'écologie, et c'est un problème. C'est toute la difficulté dans l'optique de l'union à gauche." Une déclaration de politique générale plus tard, la gauche pourrait finalement bien rester unie : "La stabilité pour la stabilité, ça ne veut rien dire. Si on se fait marcher dessus, il faut le dire", explique un député partisan de la censure.

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